Ces éléments sont le fruit d’une enquête, parallèle au procès en cours, qui concerne directement l’environnement familial du cardinal en Sardaigne.
Alors que l’audition de Mgr Alberto Perlasca, le témoin principal du procès, était particulièrement attendue, le promoteur de justice Alessandro Diddi a choisi ce moment pour présenter de nouveaux éléments relatifs au cardinal Becciu transmis par le tribunal de Sassari en Sardaigne par le biais d’une commission rogatoire. Ces pièces, qui ne sont pas versées aux actes du procès parce qu’elles concernent une autre procédure, ont été récoltées à la demande du Vatican par la Guardia di Finanza italienne lors d’une enquête menée à Ozieri, ville dont est originaire le cardinal sarde.
Le cardinal Becciu et ses avocats ont semblé être surpris par la perspective d’une nouvelle procédure. L’avocat du cardinal, Fabio Viglione, a d’ailleurs assuré dans un communiqué publié après l’audience n’avoir pas connaissance d’autre procédure à son encontre.
L’enquête en question porte sur la coopérative SPES, une entreprise solidaire liée à la Caritas de ce petit diocèse de Sardaigne dont le gestionnaire n’est autre que le frère du cardinal, Antonino Becciu. Le cardinal est mis en cause dans le procès actuel pour avoir obtenu un versement de 100’000 euros par la secrétairerie d’État à la coopérative SPES.
Le cardinal Becciu avait assuré dans son interrogatoire qu’il s’agissait d’un simple geste charitable pour permettre de relancer une boulangerie solidaire gérée par la SPES, laquelle offre du pain à la population dans cette région pauvre d’Italie. Cependant, les enquêteurs italiens disent avoir identifié 927 fausses factures émises par la coopérative.
L’enquête, a expliqué le promoteur de justice, montrerait aussi que l’ancien évêque d’Ozieri, Mgr Sergio Pintor, avait perdu le contrôle de la Caritas locale aux dépens des proches du cardinal Becciu et n’était pas au courant de l’existence des transactions financières que la coopérative SPES opérait.
Les autres personnes concernées par l’enquête sur une éventuelle association de malfaiteurs pourraient être des membres de la famille ou des proches du cardinal. Des extraits de conversations via messagerie instantanée impliquant notamment Antonino Becciu, sa compagne ou une proche du cardinal, Maria Luisa Zambrano, constitueraient la «preuve d’une forte ingérence de la Curie romaine dans les activités du diocèse» selon Alessandro Diddi.
Les discussions montrent également que Cecilia Marogna, autre personnalité d’origine sarde aujourd’hui sur le banc des accusés, connaissait les proches du cardinal, Antonino Becciu la surnommant même «Ladrogna» – un jeu de mot avec ‘ladra›, soit ›voleuse’ en italien.
Par ailleurs, ces discussions, qui ont lieu pendant l’été 2021 alors que le procès n’avait pas commencé, tendent à montrer que le cardinal Becciu a cherché à obtenir le soutien du pontife. Cependant, celui-ci n’était pas disponible, se remettant alors de son opération. Le pape François était en effet sorti de l’hôpital le 14 juillet après une intervention chirurgicale au côlon. Un ami proche de la famille, visiblement impatient d’obtenir une réponse du pape, déclarait alors dans une des conversations : «Nous devrions donner un coup sur la tête du Saint-Père».
Parmi les éléments que le promoteur de justice a acquis auprès du Tribunal de Sassari figure également un enregistrement de quelques minutes d’une conversation téléphonique entre le pape François et le cardinal Becciu, datant du 24 juillet 2021, soit trois jours avant la première audience de ce procès. Selon le promoteur, le cardinal l’aurait appelé depuis son appartement en présence d’une amie de famille, Maria Luisa Zambrano.
Le promoteur a expliqué que lors de cet appel, le cardinal Becciu a demandé «avec insistance» au pape François de confirmer avoir personnellement autorisé l’envoi d’environ 500’000 euros à Inkermann, une société de renseignement britannique. Le cardinal Becciu, sur suggestion de Cecilia Marogna, affirme s’être appuyé sur cette entreprise pour tenter de libérer sœur Gloria Narváez, une religieuse colombienne qui avait été enlevée au Mali en 2017.
Selon le promoteur, le pontife semblait «perplexe» face à l’insistance du cardinal Becciu, ainsi que très fatigué par son opération. L’enregistrement a été diffusé dans la salle d’audience, mais il a été demandé aux journalistes et au reste du public de quitter la salle, ne leur permettant pas de l’entendre. L’agence de presse italienne AdnKronos a cependant publié la transcription de l’enregistrement dans lequel le pape François dit se rappeler avoir parlé avec le cardinal Becciu des sommes envoyées pour cette opération.
Lors de l’interrogatoire du cardinal Becciu, le 5 mai 2022, ce dernier avait déclaré que chaque étape de l’opération concernant la libération de la religieuse avait été convenue avec le Saint-Père.
Cette audience a également été l’occasion d’entendre le témoignage de Mgr Alberto Perlasca, directeur du bureau administratif de la secrétairerie d’État. Au cours des différentes audiences, de nombreux accusés l’avaient cité comme le responsable des investissements de la secrétairerie d’État.
Il a eu l’occasion de donner sa version des faits sur toute l’affaire de l’investissement de l’immeuble de Londres, insistant à plusieurs reprises sur le fait que c’était Fabrizio Tirabassi, son employé au bureau, qui avait la compétence technique dans ce domaine. (cath.ch/imedia/ic/cd/mp)
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