Qui est Luciano Capaldo?
Ingénieur et architecte de formation, cet expert du marché immobilier, anglais et d’origine italienne comme beaucoup d’acteurs du procès, est un spécialiste en gestion et évaluation de portefeuilles immobiliers importants. Il est aussi devenu récemment consultant pour l’Administration du patrimoine du Siège apostolique, une entité qui gère notamment le très important patrimoine immobilier du Saint-Siège.
Luciano Capaldo a expliqué pendant l’audience qu’il avait été approché en décembre 2018 par Luca Dal Fabbro, homme et ami personnel de Fabrizio Tirabassi. Luciano Capaldo l’avait déjà rencontré auparavant dans un congrès. Ce dernier lui avait parlé de l’immeuble de Londres, un bien qu’il connaissait. Sur les conseils de cet homme d’affaires, Mgr Perlasca aurait alors fait venir Luciano Capaldo au Vatican et lui aurait montré les contrats signés en novembre 2018 avec Gianluigi Torzi pour reprendre le contrôle de l’immeuble londonien.
En mai 2019, le Saint-Siège finit par reprendre à Torzi le contrôle de l’immeuble. Torzi est accusé aujourd’hui d’avoir extorqué de l’argent au Saint-Siège dans l’opération.
Luciano Capaldo se voit alors confier par la secrétairerie d’État la direction de 60 SA, le fonds de l’île de Jersey possédant l’immeuble londonien. Ce dernier a finalement été vendu par le Vatican en janvier dernier au fonds américain Bain Capital.
Une estimation des pertes du Saint-Siège
Le prix de vente de l’immeuble de Londres à Bain Capital a été annoncé en juillet dernier: 186 millions de livres, soit 214 millions d’euros. Lors de l’audience, Luciano Capaldo a révélé le prix d’achat de l’immeuble en 2014, que lui aurait présenté Mgr Alberto Perlasca: 275 millions de livres sterling, soit 318 millions d’euros.
À taux de change égaux, on peut évaluer que le Saint-Siège aurait donc perdu environ 104 millions d’euros. Sans citer de chiffre pour évaluer la perte, Luciano Capaldo a déclaré qu’il avait immédiatement estimé que le Saint-Siège n’avait «pas fait une bonne affaire» en achetant l’immeuble pour 275 millions de livres. En prenant en compte les nouveaux chiffres avancés pendant l’audience, les pertes du Saint-Siège dans l’opération immobilière peuvent être estimées à environ 104 millions d’euros.
Présent lors de l’audience, l’homme d’affaires Raffaele Mincione, mis en cause dans ce procès et à qui l’achat de l’immeuble puis sa gestion avaient été confiés en 2014, a pris la parole. Il a contesté l’évaluation de Luciano Capaldo, ce dernier laissant entendre que Mincione aurait surévalué l’immeuble et son éventuel prix de vente.
Raffaele Mincione a raillé «le professionnalisme de tous ces diplômes» en visant l’expertise que faisait valoir Luciano Capaldo. Il a considéré qu’il n’avait pris en compte ni l’évolution des taux de change ni des évolutions des prix du marché pour évaluer l’immeuble. Il a aussi insisté sur le fait que le prix de la propriété était censé augmenter grâce à une reconversion des anciens bureaux de Harrod’s en appartements.
Son rôle avec Torzi
Luciano Capaldo a aussi expliqué avoir appris à la secrétairerie d’État qu’elle avait signé un contrat désavantageux avec Gianluigi Torzi, mis en cause dans ce procès. Pour rappel, afin de reprendre le contrôle de l’immeuble des mains de l’homme d’affaires Raffaele Mincione, le Saint-Siège avait fait appel à ce courtier originaire de Molise, lequel s’est occupé de l’opération et a remis au Vatican 30’000 actions, tout en gardant les 1’000 actions avec droit de vote.
Quand il leur a présenté ce montage, Mgr Perlasca et Fabrizio Tirabassi seraient «tombés des nues». Ils auraient «manifesté de la surprise» et déclaré qu’ils pensaient bien avoir le contrôle de la gestion de l’immeuble parce qu’ils avaient la majorité des actions. Cependant, les 1’000 actions avec droit de vote donnaient en fait le contrôle à Gianluigi Torzi.
L’avocat de Gianluigi Torzi a par la suite entrepris de montrer que Luciano Capaldo connaissait bien son client. Il a noté par exemple qu’il avait travaillé pour un de ses fonds, Sunset Entreprise. Son interrogatoire a cependant été interrompu par le juge Giuseppe Pignatone qui l’a renvoyé à une date ultérieure.
Une «surveillance» sur Gian Franco Mammì
Luciano Capaldo a également mentionné Gian Franco Mammì, directeur général de l’Institut des œuvres de religion (IOR) – la banque privée du Vatican. C’est lui qui a alerté les autorités vaticanes en 2019, menant au présent procès.
L’architecte a déclaré qu’en 2019 le substitut de la secrétairerie d’État et successeur du cardinal Becciu, Mgr Edgar Peña Parra, lui avait demandé de transmettre les numéros de téléphone de Franco Mammì à Giovanni Ferrucci Oriente, un ancien membre des services secrets italiens, afin que ce dernier «surveille» le directeur de l’IOR. Luciano Capaldo affirme être passé par Mgr Carlino, ancien secrétaire du substitut et présent sur le banc des accusés, pour s’acquitter de cette tâche.
À ce moment, la secrétairerie d’État attendait une réponse de l’IOR concernant une demande de prêt émise afin qu’elle puisse rembourser l’hypothèque de l’immeuble de Londres contractée auprès du fonds Cheyne Capital. Selon Luciano Capaldo, le substitut voulait surveiller Gian Franco Mammì pour comprendre pourquoi le prêt n’avait pas été validé.
Mgr Mauro Carlino avait expliqué lors de l’audience du 30 mars 2022 que le prêt demandé avait été initialement validé par l’IOR le 24 mai 2019, mais que Gian Franco Mammi, trouvant la demande suspecte, avait fini par le bloquer un mois plus tard.
Selon Mgr Carlino, cette volte-face avait provoqué la colère du substitut Mgr Peña Parra, qui aurait demandé alors au commandant de la gendarmerie, Domenico Giani, «d’effectuer quelques vérifications» sur le directeur de l’IOR.
Une ordonnance sur Mgr Perlasca
À la fin de l’audience, le juge Giuseppe Pignatone a lu une ordonnance répondant à toutes les demandes de nullité de la défense concernant le témoignage de Mgr Alberto Perlasca, ancien directeur du bureau administratif de la secrétairerie d’État, qui doit être entendu le 24 novembre. Le juge a rejeté toutes les demandes sauf une qui concerne un interrogatoire du témoin clé datant du 31 août 2020. (cath.ch/imedia/cd/ic/rz)
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