Marc Bonomelli, qui a entre autres contribué au Monde des religions, s’est immergé pendant deux ans dans les milieux des néo-spiritualités. Il en a tiré le livre Nouvelles Routes du soi (Ed. Arkhê), sorti le 10 novembre 2022. Dans le quotidien romand Le Temps du 21 novembre, il décrypte les ressorts qui sous-tendent cette «soif» spirituelle.
Le journaliste constate tout d’abord un «désintérêt, voire un désenchantement, vis-à-vis de la religion chrétienne en particulier, notamment auprès des jeunes générations», qui revitalisent le plus les religions néo-paganistes. Pour Marc Bonomelli, ce phénomène est lié au «besoin de suivre une sorte de ligne directe avec le divin (…) On pourrait même parler d’allergie au dogme.» Une des personnes qu’il a interviewées lui a affirmé que se fier à un guide ou à une doctrine, c’était risquer l’aliénation. «Donc, pour cheminer, il faut faire le plus d’expériences possibles».
Un «bricolage, ou métissage contemporain» qui est aussi limité. Même si les cheminants piochent dans plusieurs voies ou disciplines, ils ne piochent pas partout. De grandes tendances dominent, qui sont en ce moment le chamanisme, le yoga et les paganismes antiques. D’un bout à l’autre de la planète, les rituels s’uniformisent. Un phénomène également lié aux réseaux sociaux. Parmi ces pratiques, on peut autant parler de néodruidisme ou de chamanisme que simplement de communication animale ou de marches en forêt, qui sont une forme de lien avec le vivant perçu comme sacré, divin parfois.
«S’est aussi développée l’idée selon laquelle la terre se défendrait»
Marc Bonomelli
L’attrait pour le néo-paganisme est ainsi corrélé avec la question de l’écologie, estime Marc Bonomelli. Il n’y a pas une seule théologie dans la nébuleuse des nouvelles spiritualités, mais un discours assez prégnant qui veut que les premières formes de spiritualité avaient un lien direct avec le divin via «les esprits de la nature», le «Grand tout», etc. Sans médiation institutionnelle, sans église, sans dogme, sans doctrine.
Certains pensent aussi que le monothéisme aurait surgi en même temps que le patriarcat, qui nous aurait fait perdre cet accès direct au divin. Les néo-spiritualités estiment que le féminin aurait une dimension sacrée, résonnerait davantage avec la terre, et porterait une sagesse du corps, ce dont les monothéismes nous auraient privé. «Les recherches historiques ou archéologiques ne valident pas cette idée», avertit toutefois l’auteur de Nouvelles Routes du soi.
Citant le chercheur de l’anthropocène Timothy Morton, Marc Bonomelli remarque l’existence, dans ces milieux, d’une vision «Walt Disney» de la nature, qui serait douce et harmonieuse, alors que la réalité de la compétition entre les espèces demeure. «Par ailleurs, l’humanité s’est construite et a survécu en défense vis-à-vis de son environnement», précise-t-il. Dans cet ordre d’idées, sont remises au jour des figures comme Gaïa ou Pachamama, perçues comme des organismes providentiels. «Alors qu’il s’agit d’êtres très ambivalents, relève le journaliste. On prêtait à Pachamama des traits qui demandaient à être apaisés par des sacrifices humains…»
Des tendances qui auraient été attisées par la pandémie. «Ce qui a aussi occasionné beaucoup de dérives», avertit Marc Bonomelli, notamment des réactions complotistes. «Mais s’est aussi développée l’idée selon laquelle la terre se défendrait, et que si elle nous envoie des épidémies, c’est parce qu’on est allé trop loin. Cette pensée a amplifié le besoin de se remettre en harmonie avec Gaïa, l’Univers… pour un rééquilibrage». Une façon de voir qui, pour l’auteur, «pose aussi question». (cath.ch/letemps/rz)
Raphaël Zbinden
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