Le pape François se confie dans 'La Stampa'

Le pape François dit sa conviction que la paix est possible entre Kiev et Moscou, dans un entretien au quotidien italien La Stampa publié le 18 novembre 2022. À la veille de son voyage de deux jours à Asti, dans son Piémont d’origine, pour les 90 ans de sa cousine Carla Rabezzana, il parle aussi de sa famille et se livre sur ses années de vieillesse.

Dans cet entretien publié en double page, le chef de l’Église catholique évoque le conflit russo-ukrainien, dénonçant une nouvelle fois « la soif de pouvoir et le commerce des armes ». « Quand les empires s’affaiblissent, ils tentent de faire une guerre pour se sentir forts », blâme-t-il en assurant que le Saint-Siège suit l’évolution de la situation en continu et encourage « toute ouverture qui puisse conduire à un vrai cessez-le-feu ». 

Outre le soutien humanitaire au peuple ukrainien et l’aide aux prisonniers de guerre, « nous essayons de développer un réseau de relations qui favorisent un rapprochement entre les parties, pour trouver des solutions », poursuit le pape. « J’ai l’espérance. Ne nous résignons pas, la paix est possible », proclame-t-il, à condition de « démilitariser les cœurs, à commencer par le sien ». 

La veille de la publication de l’entretien, le 17 novembre, le secrétaire d’État Pietro Parolin a célébré une messe pour la paix en Ukraine, en la basilique Sainte-Marie-Majeure, dans le cadre du 30e anniversaire des relations diplomatiques entre Ukraine et Saint-Siège.

Dans La Stampa, le pontife lance également un appel à ne pas rester indifférents aux « millions » de personnes souffrant de la faim. « Ce doit être une priorité », martèle-t-il, « celui qui a la chance d’avoir de la nourriture au quotidien ne doit pas la gâcher ». 

L’évêque de Rome, qui devrait rencontrer prochainement la nouvelle Première ministre italienne Giorgia Meloni, souhaite au gouvernement de la Péninsule « le meilleur » et espère que l’opposition sera « collaborative », appelant à avoir comme objectif « le bien commun, et comme unique horizon […] un avenir meilleur pour l’Italie ». 

Vieillesse « tranquille et religieuse »

Au fil de l’entretien, le successeur de Pierre confie qu’il médite « tous les jours » sur sa vie, suivant le conseil de saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus. « J’ai toujours été heureux dans les postes où le Seigneur m’a mis et envoyé », poursuit celui qui devrait célébrer ses 10 ans de pontificat en 2023. « Mais non pas parce que «j’ai gagné quelque chose», je n’ai rien gagné… c’est un service, et l’Église me l’a demandé ; je ne pensais pas être élu, mais le Seigneur l’a voulu… Je fais ce que je peux, chaque jour, en cherchant à ne jamais m’arrêter. »

Évoquant son âge avancé, le pontife qui fêtera ses 86 ans le 17 décembre confie qu’il le vit avec « une tranquillité, une grande paix, une joie authentique et une religiosité ». « Je ressens la vieillesse tranquille et religieuse », assure-t-il, citant un poème d’Hölderlin – «Es ist ruhig, das Alter, und fromm». 

Le pape affirme aussi qu’il trouve Dieu dans les personnes qu’il rencontre, « dans chacun de vous ». Face à la souffrance, il vante les vertus du silence. « Tant de personnes dans la douleur et dans l’angoisse n’ont pas besoin de sermons […], mais seulement de quelqu’un qui leur prenne la main et qui les laisse parler, s’exprimer. » 

Confidences du pape piémontais

À la veille de son départ pour Asti, le pape confie qu’il souhaitait « passer quelques heures » avec ses proches, sur les lieux du berceau familial. Il souligne qu’il s’y rendait « souvent » avant son élection, ayant pour habitude de faire une halte dans le Piémont sur son chemin vers Rome, pour y voir les cousins de son père. « Nous sommes très liés. […] Avec ma cousine plus âgée, Carla, nous nous parlons souvent au téléphone », narre le pontife qui retrouvera aussi cinq autres cousins durant son séjour. 

Sur un ton très personnel, le pape exprime son affection pour la langue piémontaise. « Quand j’avais 13 mois, ma maman a eu un deuxième enfant et mes grands-parents habitaient à 30 mètres de chez nous : ma grand-mère venait me prendre, et je restais avec eux qui parlaient piémontais. On peut dire que je me suis «éveillé à la vie» en piémontais. »

Et de citer un poème du Turinois Nino Costa, «Rassa nostrana» (»Race de la région»), que lui avait appris sa grand-mère « nonna Rosa » : « Droits et sincères, tels qu’ils sont, ils apparaissent : têtes carrées, pouls ferme et foie sain, ils parlent peu mais ils savent ce qu’ils disent, et même s’ils marchent lentement, ils vont loin. Des gens qui ne s’épargnent le temps et la sueur – une race étrange, libre et têtue –. Tout le monde sait qui ils sont et, quand ils passent… tout le monde les regarde ».

Le pape salue ses frères de patrie comme « un peuple qui ne perd pas son temps et qui ne craint pas la fatigue et va chercher son pain dans d’autres pays du monde, en Argentine, au Brésil, en France, en Allemagne ». « C’est une histoire, celle de notre «Rassa nostrana», qui représente la vie de nonna Rosa, femme tenace. Et je me sens partie de ce chemin », estime le pape.

Il se rappelle d’un plat typique piémontais : la bagna caoda, préparée de façon différente suivant les zones de la région. Se félicitant que la cuisine et le vin piémontais soient « si renommés », le pape explique que sa famille cultivait la vigne à Bricco Marmorito, dans le territoire de Portacomaro, et que ses oncles et son grand-père faisaient le commerce du vin. « J’ai connu un cousin, marié à une cousine germaine de mon père : son expertise était telle que si on lui donnait un verre de vin sans lui dire ce que c’était, il comprenait tout de suite. Sa capacité m’impressionnait beaucoup. »

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