«J’ai vu un homme que ni l’âge ni la maladie n’avaient obscurci, il était totalement lumineux», affirme Éric-Emmanuel Schmitt au lendemain de son audience avec le pape. «Il m’a raccompagné jusqu’à la porte alors qu’il souffre horriblement des hanches, mais on voit qu’il maîtrise cette douleur et qu’il est complètement consacré à sa tâche. Il a le christianisme sur les épaules, et il est investi».
À l’origine de cette rencontre entre le successeur de Pierre et l’auteur de L’Évangile selon Pilate ? Un appel de Lorenzo Fazzini, responsable éditorial de la LEV, proposant à l’écrivain de se rendre en Terre Sainte, d’y faire de multiples rencontres facilitées par le Vatican, et d’écrire un Journal de ce voyage. «J’ai accepté la proposition avec enthousiasme», assure l’écrivain chrétien qui n’avait pas encore foulé la terre de naissance du Christ auparavant.
Éric-Emmanuel Schmitt a donc passé un mois en Terre Sainte, en particulier à Jérusalem, en septembre. Rome lui a proposé ensuite de parler de ce séjour avec le pontife. Le dramaturge évoque un échange «passionnant». «On a réfléchi ensemble sur Jérusalem, sur cette ville incroyable qui est un lieu de pèlerinage légitime pour les trois monothéismes. On a échangé sur les trois religions, ce qu’elles ont de différent. Il en parle avec beaucoup de respect et avec beaucoup de netteté», précise-t-il.
Celui qui est aussi docteur en philosophie confie avoir été «particulièrement heureux de rencontrer ce pape», qui l’a «conquis» dès le début de son pontificat en choisissant le nom François. «Parce que saint François d’Assise est pour moi une figure sur laquelle je médite continuellement», explique-t-il.
Saluant les prises de parole du pape sur «notre inhumanité, en dénonçant ce que nous faisons ou ce que nous ne faisons pas avec les migrants», Éric-Emmanuel Schmitt «applaudit» également l’engagement œcuménique et interreligieux du pontificat. «Tout en étant chrétien, j’ai écrit Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran où je peux montrer la beauté de la foi soufie, j’ai écrit L’enfant de Noé, sur le judaïsme… Étant d’une maison, je suis totalement ouvert à d’autres maisons. Cet universalisme qu’il y a chez le pape, cette façon proprement chrétienne d’aller au-devant des autres, même si les autres sont différents et croient en autre chose, me touche profondément.»
Autre figure qui les rapproche: saint Charles de Foucauld, que le pape a canonisé le 15 mai dernier. «Quand on en a parlé lundi, son visage s’est éclairé de façon incroyable», se souvient Éric-Emmanuel Schmitt. Lui-même a trouvé la foi en suivant les traces de Charles de Foucauld dans le désert, pour un film qu’il devait écrire sur l’ermite. «Je suis rentré dans le Sahara athée et j’en suis ressorti croyant. En suivant ses traces géographiques, je me suis perdu et j’ai vécu une nuit mystique. Je l’ai appelée ma ›nuit de feu’ en reprenant l’expression de Pascal». Et de glisser: «Avec le pape François on a aussi parlé de Pascal qu’il peut citer d’ailleurs par cœur.»
Pour moi, conclut l’écrivain à succès, «c’est un pape qui est en train d’imprimer une image juste de ce qu’est le christianisme». «Le fait de ne pas rechercher l’éclat, la pompe, la splendeur, mais plutôt une petite chapelle comme Charles de Foucauld… c’est l’image même de la foi». De même, il voit chez François une conception de la mission chrétienne qu’il partage: «Il s’agit non pas de convertir mais de témoigner au-devant des autres, et après, ça fait son chemin ou ça ne fait pas son chemin». (cath.ch/imedia/ak/bh)
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