Le Vatican va ouvrir une enquête préliminaire sur le cardinal Ricard

Suite à la publication le 7 novembre 2022 d’une lettre du cardinal Jean-Pierre Ricard révélant «un comportement répréhensible à l’encontre d’une jeune fille de 14 ans» lorsqu’il était curé dans le diocèse de Marseille il y a 35 ans, le Vatican a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire, a appris l’agence I.MEDIA le 11 novembre. Sur le plan civil, le parquet de Marseille a ouvert lui aussi une enquête préliminaire après un signalement effectué le 24 octobre par l’évêque de Nice, Mgr Jean-Philippe Nault.

«Suite aux éléments qui sont apparus ces derniers jours et suite à la déclaration du cardinal Jean-Pierre Ricard, afin de compléter l’examen de ce qui s’est passé, il a été décidé d’ouvrir une investigatio previa (enquête préliminaire) », a fait savoir le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni. Il s’agit de la première réaction du Vatican, quatre jours après la lecture de la lettre de l’archevêque émérite de Bordeaux lors d’une conférence de presse du président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, en marge de l’assemblée plénière de la CEF à Lourdes.

La prescription comme principal enjeu

Le Vatican est «en train d’évaluer la personne la plus apte à la mener [l’enquête, NDLR], avec l’autonomie, l’impartialité et l’expérience nécessaires, compte tenu également du fait que les autorités judiciaires françaises ont ouvert un dossier sur cette affaire», précise le directeur du Bureau de presse.

Cette procédure complètera la démarche menée par la justice française, mais il ne devrait pas y avoir de superposition de deux procès: un procès canonique n’est généralement pas entamé avant que les autorités judiciaires d’un pays n’aient clos leur dossier, surtout quand il s’agit d’un État de droit comme c’est le cas de la France. Au terme du procès civil, l’Église peut demander la documentation aux autorités judiciaires afin de l’intégrer dans sa propre évaluation.

Dans le cadre de l’affaire Ricard, les faits remontant aux années 1980, la question de la prescription sera l’un des principaux enjeux de ces deux procédures. L’objectif de l’enquête préliminaire ouverte par la justice française est surtout l’identification d’éventuels faits plus récents, le délai de 30 ans après la majorité de la victime présumée ayant été dépassé d’un an a priori. Le droit canonique prévoit quant à lui une prescription de 20 ans – contre 10 ans auparavant -, mais le pontife peut prendre l’initiative de la lever.

Incertitude sur le niveau d’information du pape

Une zone d’ombre demeure sur les informations portées à la connaissance du pape François avant que cette affaire n’ait été rendue publique: dans un entretien à La Croix, Sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) a révélé que la femme accusant le cardinal Ricard avait écrit à deux reprises au pape. La première fois il y a cinq ans, sans obtenir de réponse. Elle aurait renvoyé un courrier via le nonce apostolique en mai ou juin 2022, avec pour réaction un simple accusé de réception de la nonciature en octobre.

Une éventuelle perte des droits et prérogatives du cardinalat, voire du cardinalat en tant que tel, ne relève toutefois pas d’un procès canonique: une telle décision pourrait être le fruit d’un discernement personnel du cardinal Ricard et du pape François.

En mars 2015, c’est «au terme d’un long parcours de prière» que le pape avait accepté le renoncement du cardinal écossais Keith O’Brien aux «droits et prérogatives cardinalices», pour des «comportements sexuels inappropriés» à l’encontre de séminaristes. Il était néanmoins demeuré évêque et cardinal en titre. Mis en cause pour abus sur mineurs, l’ancien archevêque de Washington Theodore McCarrick avait pour sa part perdu son cardinalat en juillet 2018, indépendamment du procès canonique qui l’avait amené, l’année suivante, au renvoi de l’état clérical. (cath.ch/imedia/cv/rz)

I.MEDIA

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