Mars 2018. L’Union africaine de radiodiffusion (UAR) tient son Assemblée générale à Kigali. Un message de Mgr Dario Edoardo Viganò y est lu, et des copies ont été distribuées aux participants. Le préfet du Secrétariat pour la communication du Vatican y rappelle l’importance d’un partenariat solide avec le continent.
Un an plus tôt, l’émission en ondes courtes de Radio Vatican avait été coupée, jugée «couteuse et peu moderne», ce qu’ont déploré avec amertume les évêques africains. Le Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (Sceam) a, dans un courrier adressé à la radio du pape, exprimé «sa déception». Et pour cause, au fil des ans, Radio Vatican est devenue l’une des chaines internationales les plus écoutées sur le continent. D’abord pour sa politique de proximité, le choix des sujets d’actualité, le recours à de nombreuses langues africaines. Ensuite pour sa fiabilité dans un espace médiatique dominé par la manipulation et la propagande mais aussi l’immense relai que constituent les radios catholiques locales en ont fait un instrument d’influence pour le Saint-Siège.
29 septembre 2022, à l’occasion de la fête de saint Gabriel, patron des métiers de télécommunication, François décore d’une médaille Croce Pro Ecclesia et Pontifice l’abbé Richard Mjigwa. Prêtre tanzanien, ce dernier est le responsable du programme kiswahili à la rédaction de Radio Vatican. Au nom du souverain pontife, Paolo Rufini, préfet du Dicastère pour la Communication préside l’événement, insiste sur «la proximité avec l’Afrique à travers ses langues».
Le pape salue par le biais de ce geste, rappelle l’abbé Mjigwa, «30 ans d’émission en kiswahili», langue bantoue parlée par plus de 60 millions de personnes à travers une douzaine de pays africains dont le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la République démocratique du Congo ou encore le Malawi.
Alors que la plupart des radios internationales émettant en Afrique se cantonnent au français ou à l’anglais, celle du Saint-Siège a très tôt fait des langues africaines une priorité. «Et l’Afrique le lui rend bien», indique Mgr Lucio Ruiz, secrétaire du dicastère en charge de la communication. Swahili, lingala, ewondo, Radio Vatican émet dans les principales langues du continent. A défaut de la diffusion par ondes hertziennes interrompue depuis 2017, il est possible dans 44 pays de recourir à une application développée pour «faciliter l’écoute à travers internet». Alors que les radios internationales perdent des parts de marché en Afrique face à ce qu’un récent mouvement panafricaniste qualifie «de propagande et de manipulation», Radio Vatican conforte sa présence sur le continent. Et son usage du latin passionne à des milliers de kilomètres de Rome.
Moyamba, à environ 100 kilomètres de Freetown, la capitale de Sierra Leone, une trentaine de jeunes se rassemblent chaque vendredi soir autour de Mickaël Bah pour une heure de latin. A 36 ans, ce passionné de la langue officielle du Vatican, et ancien séminariste, utilise «Hebdomada Papæ», littéralement «semaine du pape», le journal lancé en latin par Radio Vatican en juin 2019, pour renforcer les connaissances en déclinaisons du Club de fidèles auditeurs qu’il a créé dix ans plus tôt. Objectif? «Suivre aisément la messe matinale quotidienne de la Radio du Pape», indique fièrement celui qui a passé quelques mois au noviciat chez les Franciscains.
Comme ces jeunes, partout en Afrique et notamment dans les pays francophones, Radio Vatican a tissé, en 90 ans d’existence, dont 61 ans d’émission sur l’Afrique, une chaîne de fidélité en s’adaptant aux besoins du continent. C’est ce qui explique la déception des évêques quand la radio a décidé de mettre fin à ses émissions en ondes courtes.
«Depuis l’interruption, je monte chaque matin sur les collines voisines pour tenter de capter cette radio», rappelle Apollinaire Tamara, «en vain» constate le vieux menuisier de Siou, petit village du nord du Togo. A 89 ans, cet ancien catéchiste aura été fidèle auditeur de Radio Vatican pendant un demi-siècle. «Aujourd’hui, il faut l’écouter uniquement sur internet», déplore celui qui connaît par cœur la grille de programme. «Je ne ratais jamais le Rendez-vous avec l’Afrique», se souvient Tamara, une demie heure d’actualités religieuses africaines qui a connu un franc succès sur le continent.
«Laudate Jesu Christi». Ce slogan de la rédaction Afrique, Mgr Joseph Ballong l’a répété plusieurs milliers de fois, il marque le début de «Rendez-vous avec l’Afrique». A lui seul, ce prêtre octogénaire du Togo a dirigé pendant un quart de siècle la Rédaction Afrique de Radio Vatican (1986-2013) dont il justifie aujourd’hui le succès par «l’impartialité et la fiabilité de l’information». Mgr Ballong y a reçu, en interview spéciale, tous les chefs d’état du continent qui sont passés en audience chez le pape comme le veut la pratique. Ce qui fait de la radio un instrument d’influence.
Lors d’un entretien avec cath.ch, l’abbé Jean Baptiste Malenge attribue cette influence aussi «au rôle de l’Eglise dans la transition démocratique». Pour celui qui en est le correspondant à Kinshasa depuis 30 ans, «Radio Vatican se situe parmi les médias internationaux les plus fiables». Un avis partagé par Alain Dossou-Yovo. Contacté par Cath.ch, le correspondant de la «Radio du pape» à Cotonou estime que le fait «d’être confessionnelle explique la résistance de la radio» dont la neutralité est un atout. «Les informations que nous diffusons ne sont pas manipulées par des puissances étrangères», explique-t-il en rapport à la chute d’audience des autres médias internationaux en Afrique.
Il craint néanmoins que l’abandon des ondes courtes ne «réduise le nombre d’auditeurs, l’accès à internet étant bien aléatoire en Afrique». Alors que ce 6 novembre rappelle l’ouverture de cette radio sur l’Afrique par Jean XXIII (voir encadré), l’abbé Malenge ne doute pas de l’avenir de Radio Vatican reprise au Congo «par une soixantaine de radios Maria» encore qu’il parle, dans ses directs, «de la vie de l’Église dans tous les diocèses du pays».
Si de nombreuses radios internationales réduisent le nombre de leurs collaborateurs en Afrique face à la réduction progressive d’auditeurs, la «Voix du pape» a de quoi rester plus optimiste que jamais. L’abbé Malenge «espère bien» qu’il contribue davantage à l’influence de la diplomatie africaine du Vatican. (cath.ch/msc/bh)
Émission vers l’Afrique depuis 1950
Depuis 1950, le temps d’antenne du programme en français, destiné vers l’Afrique, était d’environ 15 minutes, avant de passer à 30 minutes en 1995. Depuis l’été 2022, 20 minutes sont consacrées à l’Afrique avec les nouvelles de l’Eglise et de la société: culture, santé, économie, développement, migration, environnement, sport, justice et paix, média, organisations internationales et solidarité.
Radio Vatican, pour les auditeurs en général et les auditeurs africains, en particulier, est symbole de fiabilité ainsi que d’informations impartiales et équilibrées. Les nouvelles des Eglises locales africaines sont fournies par une équipe composée de rédacteurs sur place, au siège de la radio, et de différents collaborateurs externes, notamment des correspondants. Ce travail pour servir l’Afrique et les Africains de la diaspora a évolué avec le temps. VATNEWS
Max Savi Carmel
Portail catholique suisse
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