Une photo emblématique du début de la guerre en Ukraine est devenue une véritable icône dans l’Église gréco-catholique. Tetyana allaitant son bébé est le modèle de la Madone du métro de Kiev.
«Ma fille Marichka est née le 8 décembre 2021.Nous avons été une jeune famille absolument heureuse pendant près de trois mois», raconte Tetyana Blizniak. Le matin du 24 février 2022, comme le reste des habitants de Kiev, Tetyana et son mari ont entendu les explosions, notamment sur l’aéroport voisin de Boryspil. Cette nuit-là, comme tant d’autres, ils se sont réfugiés dans le métro. «Une fois dans le métro, je pouvais me sentir calme et en sécurité. Là, avec une couverture sur le sol, parmi les gens, j’ai commencé à nourrir mon bébé», se souvient Tetyana.
Un photo-reporter hongrois qui se trouve sur place remarque la scène et leur demande l’autorisation de les photographier. L’histoire aurait pu simplement s’arrêter là. Tetayna n’échange que quelques mots avec le photographe et ne lui demande ni son nom, ni pour quel média il travaille.
Quelques jours plus tard, le photographe Andras Feldes publie la photo sur son compte instagram. C’était une mère qui allaitait son bébé, assise contre le mur de marbre froid du métro. C’était comme un signe de vie qui nourrit, de force qui protège, contre la froideur de la guerre qui tue, explique-t-il en commentaire.
L’image se répand vite sur les réseaux sociaux. Sans rien savoir du photographe, ni de la maman, l’artiste ukrainienne Marina Solomennikova découvre la photo. Elle l’associe immédiatement à une icône de la Vierge à l’Enfant. «Cette femme avec un bébé était un symbole de toutes les mères ukrainiennes obligées de se cacher des bombes russes dans des abris antiaériens.»
Marina Solomennikova illustre alors Tetyana vêtue d’un survêtement de sport à capuche et emmitouflée dans une couverture comme une Vierge Mère, avec une auréole au-dessus de sa tête et le plan des rames du métro de Kiev.
Toujours par le hasard des réseaux sociaux, l’image est tombée sous les yeux d’un prêtre jésuite ukrainien, Vyacheslav Okun, qui étudie à Rome. Il décide alors d’installer cette icône dans l’église Saint-Blaise de Naples où il officie pour la communauté gréco-catholique ukrainienne en Italie.
Le jésuite y voit l’œuvre de Dieu, car l’icône est vite devenue populaire parmi les gens du quartier. Beaucoup d’Italiens viennent également la prier. Le Père Vyacheslav évoque un symbolisme plus large. «Marie, Jésus et Joseph ont également été contraints de fuir le danger de l’agression du roi Hérode, qui craignait pour son trône. Ce furent aussi des réfugiés.»
Entre-temps Tetyana, qui a trouvé refuge avec son époux et sa fille dans l’ouest de l’Ukraine, a appris l’histoire et s’est fait connaître. Elle a ensuite raconté son périple dans une série de documentaires sur les femmes dans la guerre diffusés sur la chaîne de télévision gréco-catholique ukrainienne.
Il s’avère que Tetyana connaît les icônes! Elle a étudié à l’Académie des arts de Lviv, a appris à dessiner des icônes et a obtenu un diplôme en restauration d’art. «J’avais l’habitude de travailler avec des icônes et maintenant mon image est devenue une icône», dit-elle en souriant.
«L’image d’une mère protégeant son enfant est l’image de toutes les mères ukrainiennes qui ont souffert de cette guerre. C’est l’image de l’Ukraine comme notre mère», conclut-elle plus grave. (cath.ch/carifilii/mp)
Maurice Page
Portail catholique suisse
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