Rome: «La paix est gravement violée», lance le pape

«Dieu écoute toujours le cri angoissé de ses enfants», a assuré le pape François lors d’une rencontre œcuménique et interreligieuse au Colisée le 25 octobre 2022, en conclusion de la rencontre internationale organisée par la Communauté de Sant’Egidio sur le thème «Le cri de la paix. Religions et cultures en dialogue.»

«Cette année, notre prière est devenue un «cri», car aujourd’hui la paix est gravement violée, blessée, piétinée: et cela en Europe, c’est-à-dire sur le continent qui a connu les tragédies des deux guerres mondiales du siècle dernier, et nous sommes dans la Troisième», a lancé le pape François sans pour autant évoquer explicitement l’offensive russe en Ukraine.

Dans «le moment particulièrement dramatique que nous sommes en train de traverser», le pontife a remarqué que «la paix est dans le cœur des religions, de leurs Écritures et dans leur message». Le «cri silencieux» des victimes de la guerre «monte vers le Ciel», a-t-il expliqué. 

Le cri de la paix «souvent étouffé»

Cependant, «le cri de la paix est souvent étouffé non seulement par la rhétorique de la guerre, mais aussi par l’indifférence. Il est réduit au silence par la haine qui grandit en combattant», a-t-il averti. Il n’existe pas de «formules magiques pour sortir des conflits», a reconnu le pape, invitant toutefois les gouvernants à «écouter avec sérieux et respect» la soif de paix des victimes de la guerre. 

Il a regretté que les leçons du XXe siècle n’aient pas été tirées, en remarquant que «l’utilisation d’armes atomiques, qui ont continué à être produites et testées de manière coupable après Hiroshima et Nagasaki», fait aujourd’hui l’objet de menaces concrètes. La guerre est «un échec de la politique et de l’humanité, une reddition honteuse, une défaite face aux forces du mal», a martelé le pape François en citant son encyclique Fratelli tutti. «Ne nous laissons pas contaminer par la logique perverse de la guerre, ne tombons pas dans le piège de la haine de l’ennemi», a-t-il martelé.

Le pontife a au contraire invité à utiliser «l’arme du dialogue», dans la filiation de saint Jean XXIII qui, en 1962, lors de la crise des missiles de Cuba, avait rappelé que «promouvoir, favoriser, accepter les dialogues, à tous les niveaux et en tout temps, est une règle de sagesse et de prudence qui attire la bénédiction du ciel et de la terre». «Ne nous résignons pas à la guerre, cultivons des semences de réconciliation», a demandé le pape François. 

Témoignages sur les souffrances contemporaines

De nombreuses personnalités ont participé à cette rencontre, parmi lesquelles le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et président de la conférence épiscopale italienne, le métropolite Antoine, responsable des relations extérieures du patriarcat de Moscou, le grand-rabbin de Rome Riccardo di Segni ou encore l’écrivaine et ancienne déportée Edith Bruck, chaleureusement saluée par le pape François.

Deux jeunes intervenantes ont présenté des situations de souffrances extrêmes. Une femme venue d’Argentine a évoqué le drame de la traite des êtres humains, évoquant le «Chemin de Croix permanent» vécu par ceux qui vivent sous le joug de «l’esclavage moderne» sous toutes ses formes. Elle a notamment mentionné les «laboratoires textiles clandestins», les «studios de pornographie» ou encore « les tables d’opération où sont arrachés des organes».

Une Nigériane de 23 ans a pour sa part témoigné de son expérience de «résurrection» vécue grâce à la Communauté de Sant’Egidio, qui, dans le cadre des couloirs humanitaires organisés avec le gouvernement italien, a pu la faire sortir d’un camp de détention où elle avait été enfermée durant six ans en Libye, et où elle avait cru devoir finir sa vie dans des conditions atroces.

Prière œcuménique pour les pays en crise

Le pape avait auparavant participé à la «Prière des chrétiens» organisée à l’intérieur du Colisée. Une méditation a été prononcée par le catholicos-patriarche de l’Église assyrienne de l’Orient, Mar Awa III.

Les intentions de prières ont embrassé de très larges régions du monde en crise: l’Ukraine, le Haut-Karabakh, le Burkina Faso, le Cameroun occidental, la RDC, la République centrafricaine, l’Éthiopie, la Libye, le Mali, le nord du Mozambique, le Nigeria, la Casamance, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud, le Nicaragua, la Colombie, le Mexique, El Salvador, Haïti, l’Afghanistan, l’Irak, le Liban, la péninsule coréenne, la Birmanie, la Syrie, le Yémen ou encore la Terre Sainte ont été mentionnés.

La cérémonie devant le Colisée s’est conclue avec la lecture par une réfugiée syrienne d’un appel pour la paix, que l’ensemble des participants étaient invités à signer. (cath.ch/imedia/cd/bh)


Traduction de l’appel pour la paix:

«Réunis à Rome dans l’esprit d’Assise, nous avons prié pour la paix, selon des traditions diverses mais en accord. Maintenant, nous, représentants des Églises chrétiennes et des religions du monde, nous nous tournons en pensées vers le monde et vers les dirigeants des États. Nous nous faisons la voix de ceux qui souffrent de la guerre, des réfugiés et des familles de toutes les victimes et de tous les morts. 

Avec une ferme conviction, nous disons: plus de guerre! Arrêtons tout conflit. La guerre n’apporte que mort et destruction, c’est une aventure sans retour dans laquelle nous sommes tous perdants. Cessez les armes, déclarez un cessez-le-feu universel immédiatement. Qu’il y ait rapidement des négociations, avant qu’il ne soit trop tard, qui puissent conduire à des solutions justes pour une paix stable et durable.  

Le dialogue devrait être rouvert afin d’écarter la menace des armes nucléaires. 

Après les horreurs et les douleurs de la Seconde Guerre mondiale, les nations ont su panser les profondes blessures du conflit et, grâce au dialogue multilatéral, donner naissance à l’Organisation des Nations unies, fruit d’une aspiration qui, aujourd’hui plus que jamais, est une nécessité : la paix. Nous ne devons pas perdre de vue aujourd’hui la tragédie qu’est la guerre, génératrice de mort et de pauvreté. 

Nous sommes à la croisée des chemins: être la génération qui laisse mourir la planète et l’humanité, qui accumule et commercialise des armes, dans l’illusion de nous sauver contre les autres, ou au contraire la génération qui crée de nouvelles façons de vivre ensemble, qui n’investit pas dans les armes, qui abolit la guerre comme moyen de résolution des conflits et qui arrête l’exploitation anormale des ressources de la planète. 

Nous, les croyants, devons œuvrer pour la paix de toutes les manières possibles. Il est de notre devoir de contribuer à désarmer les cœurs et d’appeler à la réconciliation entre les peuples. Malheureusement, même entre nous, nous nous sommes parfois divisés en abusant du saint nom de Dieu : nous demandons pardon, avec humilité et honte. Les religions sont, et doivent continuer à être, une grande ressource pour la paix. La paix est sacrée, la guerre ne peut jamais l’être!  

L’humanité doit mettre fin aux guerres ou une guerre mettra fin à l’humanité. Le monde, notre maison commune, est unique et n’appartient pas à nous, mais aux générations futures. Par conséquent, libérons-la du cauchemar nucléaire. Rouvrons immédiatement un dialogue sérieux sur la non-prolifération nucléaire et le démantèlement des armes atomiques.  

Recommençons ensemble par le dialogue, qui est un médicament efficace pour la réconciliation des peuples. Investissons dans toutes les voies de dialogue. La paix est toujours possible! Plus jamais la guerre! Plus jamais l’un contre l’autre!» I.M.

I.MEDIA

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