Le patriarche Cyrille ne veut pas jeter de l’huile sur le feu

La visite à Moscou, le 17 octobre 2022, du Secrétaire général du COE par intérim, le prêtre orthodoxe roumain Ioan Sauca, au patriarche russe Cyrille a éveillé l’intérêt des observateurs. La guerre en Ukraine a été au centre de la discussion. Si le ton est resté courtois, les divergences sur la notion de ‘guerre juste’ restent profondes.

Le Conseil œcuménique des Eglises (COE) a communiqué le 19 octobre le contenu des échanges entre le patriarche Cyrille et le Père Sauca. La rencontre à la résidence patriarcale du monastère Saint-Daniel à Moscou a conduit à des échanges courtois, mais vifs.

Le patriarche de Moscou a dit apprécier ce moment consacré à «parler des relations internationales difficiles» qui «affectent nos relations inter-ecclésiastiques». Evoquant la 11e Assemblée du COE de Karlsruhe (31 août – 8 septembre 2022), il s’est félicité que les Églises aient évité d’expulser l’Église orthodoxe russe du COE. «Nous traversons tous des moments difficiles, je dirais, critiques en raison de la nouvelle configuration géopolitique et des conflits mondiaux, en particulier celui concernant l’Ukraine», a admis Cyrille.

Des demandes russes restées lettres mortes depuis 2014

Selon lui, la plupart des gens ont découvert le conflit ukrainien en 2014 seulement: «Il y a huit ans, avec les premiers bombardements ukrainiens du Donbass, des maisons détruites, de lourdes pertes. Plus de deux millions d›exilés de cette région ont trouvé refuge en Russie».

Le patriarche a rappelé avoir écrit, au cours de ces années, «trois lettres aux autorités politiques et religieuses du monde, y compris au COE» en leur demandant d’intervenir pour résoudre les problèmes par le dialogue et éviter les meurtres et les destructions. «Ces demandes ont été accueillies par un silence total. Pourtant, nous devons aller au-delà de la logique et de l’intérêt des politiciens et rechercher la paix juste».

Evoquant le conflit actuel dans le Donbass, le patriarche a souligné «l’importance primordiale que plus aucun sang ne soit versé». Il veut «attirer l’attention des partenaires œcuméniques sur cette situation tragique et convaincre les dirigeants du monde d’apporter la paix par la négociation plutôt que par l’effusion de sang».

«Dites d’arrêter la guerre»

Le Père Sauca a invité le patriarche Cyrille à réitérer l’appel contenu de ses lettres  aux dirigeants du monde: «Il serait très utile de faire la même déclaration, en disant clairement au monde ce que vous nous avez dit, ici, aujourd’hui: arrêtez l’effusion de sang, arrêtez les tueries, arrêtez la destruction des infrastructures, recherchez la paix et la réconciliation. Cela aidera le monde et l’Église orthodoxe et indiquera clairement quelle est votre position personnelle à l’égard de la guerre».

«Pas de guerre sainte»

Faisant référence aux appels lancé pour expulser du COE l’Église russe, le Père Sauca a interpellé le patriarche sur «l’argumentation théologique et le soutien à la guerre rendus publics dans certains de vos sermons et discours». Il serait bénéfique, a insisté le Secrétaire général du COE, que le patriarche éclaire la question en s’attardant, en particulier, sur la notion de ‘guerre sainte’ du point de vue théologique.

Visiblement surpris, le patriarche a répliqué: «La guerre ne peut pas être sainte. Mais quand on doit se défendre et défendre sa vie ou donner sa vie pour la vie des autres, les choses sont différentes. Nous avons tant d’exemples dans notre histoire chrétienne. Pourtant, en tant qu’artisans de paix, nous devons faire tous les efforts possibles pour ramener la paix par le dialogue et éviter tout conflit ou violence».

Pas d’huile sur le feu

En conclusion, le patriarche Cyrille a relevé que l’époque est «très difficile». Mais que ces difficultés «ne viennent pas des Églises, mais du contexte politique, qui constitue aujourd’hui un danger extrême. Par conséquent, les Églises ne doivent pas jeter de l’huile sur le feu. Au contraire, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éteindre le feu. À cet égard, le COE a une fonction très importante et il a adopté la seule position appropriée – active, mais neutre – sans prendre parti politiquement dans ce conflit». Car, a-t-il conclu, «si une Église commence à agiter un drapeau de guerre et à appeler à la confrontation, elle agit contre sa nature». (cath.ch/coe/bl)

Bernard Litzler

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