Même si les décideurs chrétiens se sont donné rendez-vous à côté du grand aquarium Aquatis de Lausanne, ce sont davantage les métaphores marines qui ont guidé leur journée. Ce 3e Forum chrétien des décideurs avait pour thème: «Garder le cap». Un cap sur les valeurs chrétiennes en restant hochseetüchtig, apte à naviguer en haute mer, comme l’a rappelé un des intervenants.
Le plateau d’invités était relevé. Soutenu par des images de voiliers, il a parlé cap à tenir, équipage solidaire, vagues et tempête. Le premier intervenant, Roland Decorvet, ancien CEO de Nestlé, a plongé dans les choix existentiels. Nommé en 2011 à un «poste de rêve» en Chine, le dirigeant suisse perçoit alors qu’il perd sa boussole.
Doté «d’un instinct de survie développé», il discute avec sa famille et demande un break. Direction: un navire-hôpital de l’organisation Mercy Ships où il va s’adapter à un nouveau style de leadership durant une année.
Depuis, il est reconverti dans l’industrie agro-alimentaire durable en Afrique. «Le départ de chez Nestlé a sauvé ma famille», confie humblement Roland Decorvet qui conseille aux dirigeants de bien se connaître soi-même, d’écouter son épouse et ses enfants et de se demander «ce qui a le plus de valeur pour moi».
Nicolas Lorne, cofondateur de Waterpreneurs à Genève, développe la coopération entre fournisseurs d’eau, au plan local. Lui aussi ancien de Nestlé, le dirigeant a élaboré une charte porteuse de valeurs et soucieuse de la protection de l’environnement et des droits humains.
L’athlète suisse Rachel Pellaud, participante au relais 4 x 400 mètres des JO de Tokyo en 2021, a illustré la coopération entre sportives, tendues vers la victoire. L’engagement politique a également été abordé par le Forum, notamment à travers la participation de plusieurs élus de la région de Morges. Le très «terrien» Philippe Jobin, syndic d’Echichens (VD), a invoqué la nécessité d’avoir une boussole dans l’action. Il a demandé à l’assistance de «prier pour les instances politiques» qui ont besoin d’être appuyées.
«Le monde de requins» dans lequel évoluent les dirigeants a permis un débat captivant au cours duquel le cinéaste Florias Gallay, de la société Fauve, et Cédric Protti, entrepreneur dans la construction à Sottens, ont échangé avec Roland Decorvet. Le respect de valeurs éthiques par les patrons est à promouvoir constamment. Un respect aujourd’hui poussé par les nouvelles générations qui demandent un travail «qui donne du sens».
Durant la pause de midi, prise debout «pour favoriser la convivialité», les échanges entre responsables se sont prolongés, synonymes de réseautage.
Les interventions se sont poursuivies dans l’après-midi. Celle de Johannes Läderach, directeur général de la chocolaterie éponyme, a immergé l’assistance dans les affres du dirigeant qui voit, au printemps 2020, ses magasins fermés à cause du covid 19. Comment continuer à investir quand la tempête fait rage? Les pertes frisent «35 à 40% pour les boutiques et même 90% dans les magasins des aéroports», annonce le jeune patron.
Aujourd’hui, les affaires ont bien repris, à la satisfaction du dirigeant. La foi, dit-il en citant la Bible, donne «la bonne perspective de ma position, de celle des autres et la bonne perspective de Dieu».
Mélanie Wyss, syndique de Morges, puis Laurent Balsinger, directeur de la Société électrique des Forces de l’Aubonne (SEFA), ont pris leur longue vue pour évoquer la vision qui doit habiter un dirigeant. «Sans vision, on est sans frein», dit le patron de SEFA, pour parler du risque de dispersion. «Comme dirigeant chrétien, on doit discerner les temps, savoir où l’on va et se donner les outils pour y arriver», précise Laurent Balsinger.
«Le succès, c’est lorsque je suis capable de coller à qui je suis, pour moi et les autres, d’où je suis, donc l’héritage qui m’est confié, et où je vais dans ma destinée»: par vidéo, Bruno Roche, de la Fondation Economics of Mutuality (créée par le fabricant de confiserie Mars-Wrigley), donne sa clé de lecture chrétienne. «La beauté est dans le chemin», ajoute-t-il. Un stimulus pour tous les capitaines présents. (cath.ch/bl)
Une idée de Suisse alémanique
Prévu en 2019, le 3e Forum des dirigeants chrétiens a été déplacé deux fois en raison de la pandémie du covid. Satisfaction donc pour les animateurs, un groupe d’entrepreneurs chrétiens: 200 participants se sont inscrits pour l’édition 2022 à Lausanne. Avec un «rajeunissement du public», relève l’un des organisateurs Christian Willi, directeur de l’ONG Compassion Suisse.
Ce Forum est la reprise d’un concept développé en Suisse alémanique. Déjà organisé en 2015 et 2017, il veut offrir une réflexion sur la manière d’articuler sa foi chrétienne et son engagement de décideur.
Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, figure dans le comité de parrainage 2022 aux côtés notamment du professeur de médecine Thierry Carrell, et de Carl Elsener, patron de Victorinox. Prochaine étape dans deux ans, ont annoncé les organisateurs. BL
Bernard Litzler
Portail catholique suisse
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