Le bienheureux Artemide Zatti va rejoindre la longue liste des saints salésiens, mais il est original en tant que laïc. En quoi sa vocation singulière l’a-t-elle menée sur le chemin de la sainteté ?
Il y a des prêtres salésiens mais aussi des laïcs salésiens, que nous appelons coadjuteurs. Ils sont religieux et prononcent des vœux, mais ne sont pas prêtres. C’est ce qu’a été Artemide Zatti. Il est né en Italie en Reggio-Emilia, puis, à l’âge de 17 ans, a émigré avec sa famille en Argentine. Quand il est devenu salésien, très jeune, il est tombé malade de la tuberculose alors qu’il assistait un prêtre. Rétabli, miraculeusement, il a ensuite consacré toute sa vie aux malades, aux pauvres, parce que sa ›pharmacie’ était le seul hôpital qui existait pour toute la Patagonie, dans la ville de Viedma. C’est là qu’il a vécu la majeure partie de sa vie, la consacrant exclusivement aux pauvres, à ceux qui ne pouvaient pas avoir de médicaments, ne pouvaient pas être soignés, qui étaient abandonnés.
Quelles sont les grandes vertus du futur saint Artemide Zatti ?
Tout d’abord, la vertu de force d’âme, parce qu’il a dû affronter des épreuves très difficiles dans sa vie. Par exemple, jeune homme, il a dû émigrer avec sa famille, et donc abandonner un monde, un territoire et affronter l’inconnu, ce qu’était pour lui l’Argentine à cette époque. Il a eu une vie dure, avant d’être infirmier, il a travaillé dans une fabrique de tuiles. Un moment également très difficile pour lui fut lorsqu’il tomba malade de la tuberculose dans sa jeunesse. Il était sur le point de mourir, il a vu disparaître tout son avenir, ses rêves. Il a affronté cela avec beaucoup de force, sans récriminations, sans ressentiment. Il aurait pu dire : «Mais pourquoi m’as-tu fait faire ceci ou cela». Mais non, il a accepté cette épreuve et a compris qu’il est appelé à se consacrer ensuite, une fois guéri, aux malades. Un autre moment douloureux fut lorsque les autorités de sa ville ont démoli son hôpital pour construire à la place la maison de l’évêque. Il a dû emmener les malades et tout ce qu’il avait, les déménager dans un nouvel endroit. C’était un moment éprouvant pour lui parce qu’il a vu sa plus grande œuvre s’effondrer devant lui.
C’était un homme particulièrement dévoué aux autres…
Oui, je dirais qu’une des grandes caractéristiques de Zatti était la compassion qu’il avait pour les gens. D’abord parce qu’il accueillait les pauvres à l’hôpital mais aussi parce qu’il allait, avec son célèbre vélo, visiter toute la ville pour aller voir les pauvres, ceux qui ne pouvaient pas venir à lui, ceux qui n’avaient pas de médicaments. Il entretenait cette proximité avec une grande foi parce qu’il savait reconnaître le Seigneur dans ces situations; par exemple, il disait à la religieuse en charge de l’intendance : «Vous préparez un lit pour un Jésus de 12 ans» ; ou encore : «Avez-vous une paire de chaussures pour un Jésus de 30 ans ?». On le surnommait «le Bon Samaritain» à cause de cette compassion.
Il était aussi un formateur. Sa façon de vivre a affecté les autres. Il a eu affaire à des médecins, des infirmières, des malades… Il est beau de voir les témoignages de tant de personnes qui étaient avec lui et qui ont changé leur vie, changé leur façon de voir, de faire. Je dirais qu’il a eu un grand pouvoir formateur. Et que dans cette capacité même d’éduquer, il était très salésien ! Même les médecins qui étaient athées ou incroyants disaient : «Quand je rencontre Zatti, mon incroyance entre en crise».
Une autre chose que je dirais très salésienne chez Zatti est sa joie et sa sérénité. Sur les photos, il est toujours souriant. C’était un homme très gentil, il disait des plaisanteries très sympathiques, par exemple : «Seigneur, je ne vous demande pas de me donner de l’argent, mais de me dire où il est, et j’irai le chercher».
Comment Artemide Zatti est-il devenu saint ?
Il a été béatifié par Jean-Paul II en 2002, il y a vingt ans. Le miracle à l’origine de la canonisation a eu lieu en 2016 aux Philippines. Il s’agissait d’un homme victime d’un accident vasculaire cérébral accompagné de fortes hémorragies. Ce monsieur a été emmené à l’hôpital mais la situation était très grave. Il avait un frère salésien coadjuteur, qui à cette époque vivait à Rome. Ce frère a commencé à prier Zatti, a fait prier sa famille, ses frères salésiens. Après quelques jours, les médecins ont dit : «nous devons intervenir parce que la situation s’est aggravée». Cependant, la famille était pauvre et n’avait pas l’argent pour payer l’hôpital, alors ils l’ont ramené chez eux pour y mourir. Mais tous ont continué à prier. Après quelques jours, cet homme a retiré son masque à oxygène et a dit : «je vais bien, je veux manger» ! Il a donc pleinement recouvert la santé et la capacité de parler, de bouger… Même dans ce miracle, je dirais qu’il a aidé ceux qui n’ont pas les moyens. C’est très beau !
C’est un saint argentin, et il n’y en a pas beaucoup dans ce pays…
Oui, en Argentine, de ce que je sais, il y a pour l’instant seulement le Père Brochero [José Gabriel del Rosario Brochero, le curé gaucho canonisé en 2013, ndlr] et puis aussi quelques bienheureux. Il fait donc partie des premiers saints du pays. Il n’est certes pas né en Argentine, mais il y a vécu pendant plus de 50 ans, et en avait la nationalité.
Quelle importance a cette canonisation pour la famille salésienne ?
C’est une grande joie tout d’abord parce qu’il est le premier saint coadjuteur salésien. Il est aussi le premier saint proclamé après un miracle, parce que nous avons deux saints martyrs salésiens, missionnaires en Chine, mais ils ont été canonisés par Jean-Paul II avec tous les martyrs chinois sans reconnaissance de miracle.
Le fait qu’il soit coadjuteur est pour nous un motif de joie car il montre la primauté de la vie consacrée. Dans son cas, il a donné sa vie aux malades. Il est bon de rappeler que Don Bosco, lorsqu’il a envoyé des missionnaires en Argentine, leur a demandé de s’occuper des malades. Les missionnaires arrivent toujours avec des idéaux, des grands projets, mais il est beau de savoir qu’ils répondent aux besoins concrets. Par exemple, en Argentine, la première terre de mission des salésiens, ils ont d’abord travaillé avec des migrants italiens. À l’époque c’était une nécessité. Ensuite est venu le soin des malades car il n’y avait personne pour faire quoi que ce soit pour eux. Cela montre la capacité à répondre aux circonstances et aux besoins des gens.
Et puis Artemide Zatti est un signe d’espérance pour notre époque. Il a connu une maladie mortelle, la tuberculose, et il a pu donner un signe d’espoir après s’en être remis. Il peut en faire de même pour nous qui sortons de cette grande pandémie. (cath.ch/imedia/cd/mp)
I.MEDIA
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/canonisation-dartemide-zatti-un-signe-desperance-pour-notre-epoque/