La religieuse bénédictine allemande née en 1961, dans son récent ouvrage sur le nouvel art de diriger – Die neue Kunst des Leitens – qui vient de paraître aux éditions Herder – relève que la conception hiérarchique du pouvoir dans l’Église catholique s’est développée au cours de l’histoire, évoluant vers l’absolutisme.
«Dans l’Église primitive, c’était différent», assure celle qui fut des années prieure du monastère des bénédictines du Très Saint Sacrement de Cologne-Raderberg, et qui vient de fonder une nouvelle filiale de son couvent. Elle l’a installée dans le bâtiment laissé par une communauté de dominicaines âgées à Düsseldorf-Angermund, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Pour elle, le temps du management top-down («de haut en bas») est passé.
Dans une interview aux journaux catholiques autrichiens, Emmanuela Kohlhaas déclare textuellement: «Si je me demande comment Jésus s’est représenté la prêtrise, si jamais elle a été dans son horizon, je ne pense pas que, dans sa perspective, la combinaison de la prêtrise avec le pouvoir soit fondamentale».
Conseillère en organisation et musicologue, la religieuse a un important bagage intellectuel. Elle a étudié la théologie catholique, la musicologie, la psychologie et les religions comparées à Bonn, terminant ses études en 2000 par un doctorat en musicologie. Depuis 1982 jusqu’à tout récemment, elle était religieuse bénédictine à Cologne-Raderberg. De 2002 à 2009, elle a enseigné la liturgie et la musique à la Hochschule für Musik und Tanz à Cologne, tout en suivant un master de «Coaching, supervision, conseil en organisation» à la Fachhochschule de Francfort.
Emmanuela Kohlhaas connaît toutes les facettes de la direction et de la gestion, et en tant que religieuse elle a fait l’expérience d’échecs dramatiques en matière de direction au sein de l’Église. En tant que prieure (désormais ex-prieure) dirigeant un couvent de bénédictines en plein essor à Cologne, elle décrit une direction moderne qui permet aux personnes de s’épanouir, qui utilise les potentiels et encourage les forces, qui sait gérer les crises et les bouleversements – que ce soit dans une famille, une entreprise ou une Eglise. Elle plaide pour la participation au lieu d’une «obéissance vassalique» et explique pourquoi il y a plus de participation démocratique dans les communautés religieuses que dans la hiérarchie des prêtres et des évêques.
Elle-même a été élue démocratiquement comme prieure en 2010: «C’est tout à fait normal chez nous. Quand les gens entendent cela, ils sont souvent étonnés de voir que chez nous [les bénédictines, ndlr], c’est obligatoire, ce qui est inimaginable chez les évêques».. Elle-même défend la conception d’une Eglise dans laquelle les évêques sont élus et les femmes ordonnées.
Dans l’ouvrage paru l’an dernier aux éditions Herder, Ungehorsam: Eine Zerreißprobe (La désobéissance: une épreuve de vérité), écrit en collaboration avec l’abbé Thomas Frings, petit-neveu du cardinal Joseph Frings, la religieuse bénédictine plaide pour des changements fondamentaux dans l’Eglise.
Elle déplore la fausse obéissance dans l’Eglise et le découragement fataliste. Avec un regard biblique et des expériences personnelles, la religieuse et l’ancien modérateur du conseil presbytéral du diocèse de Münster analysent les abus spirituels et l’obéissance, encouragent la résistance et la vraie liberté, montrant également d’où vient la résilience spirituelle. Ces idées, Sœur Emmanuela Kohlhaas les prolonge dans son nouveau livre sur le nouvel art de diriger paru en février de cette année. La religieuse bénédictine se range totalement derrière le processus synodal lancé l’année dernière par le pape François et qui se conclura par l’Assemblée générale du Synode des évêques au Vatican en octobre 2023. (cath.ch/kathpress/be)
Jacques Berset
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