Peut-on réciter le Notre Père dans une église à 10 degrés? Faudra-t-il s’emmitoufler avec des bonnets, des écharpes et des gants pour aller à la messe de minuit? Nombre de fidèles se posent la question. Face à la nécessité d’économiser une énergie devenue rare et chère, les responsables des paroisses ont pris diverses mesures. A l’aspect économique s’ajoute la dimension écologique de lutte contre le changement climatique.
En Suisse romande les paroisses sont généralement propriétaires des lieux de cultes dont elles assument la gestion et l’entretien sous la compétence du conseil de paroisse. Les réalités locales sont parfois assez différentes, selon la taille ou l’ancienneté de l’église, par exemple, explique David Neuhaus, secrétaire général de la Corporation ecclésiastique catholique du canton de Fribourg. Les corporations cantonales peuvent certes émettre des recommandations ou des conseils, mais elles ne peuvent pas édicter de directives contraignantes.
Avec un important volume intérieur, et une grande hauteur de plafond, la plupart du temps mal isolées, les églises sont difficiles à chauffer. Aujourd’hui, la plupart des lieux de culte de Suisse romande sont chauffées au mazout ou au gaz, quelques fois à l’électricité. Pour une paroisse, le chauffage de l’église constitue une des plus grosses dépenses d’entretien.
Ainsi l’église de Saignelégier, la plus grande du Jura avec ses 1’000 places, consomme en moyenne 18’800 litres de mazout par hiver. Le coût est passé d’environ 15’000 francs en 2021-2022, à 28’400 francs pour 2022-2023, explique le président de paroisse Philippe Faivet.
Il faut d’une part maintenir une température de base de huit à douze degrés lorsque l’église n’est pas fréquentée. Et d’autre part, la température d’utilisation doit être augmenté à 16-18 degrés pour les célébrations, une ou plusieurs fois par semaine. Ce qui représente souvent un effort énorme.
Face à la forte augmentation des coûts et à l’impératif de réduire la production de C02 l’association Oeco Eglises et environnement propose un petit catalogue de six conseils simples pour économiser l’énergie.
Le premier consiste à baisser les températures dans les espaces non utilisés. Pour cela, on peut organiser le service religieux dans une salle plus petite en hiver. Enlever les portes-manteaux est le deuxième conseil. Les personnes qui gardent leur manteau dans l’église ont évidemment moins froid.
Baisser la température moyenne de un à deux degrés est sans doute la mesure la plus efficace. Optimiser le réglage du chauffage peut aussi avoir une incidence importante. Une installation mal réglée peut augmenter fortement la consommation. Pour avoir une vue d’ensemble de sa consommation d’énergie et mieux la maîtriser, il faut tenir également une comptabilité énergétique, relève Oeco. Enfin le dernier conseil consiste à aérer les locaux par intermittence deux à trois fois par jour. En évitant toute ventilation permanente et en fermant les fenêtres basculantes.
Une série de conseils déjà assez largement suivis à l’église Saint-Pierre d’Yverdon, explique son responsable Claude Richoz: «L’installation de chauffage de notre église est ancienne, mais nous disposons d’une chaudière à gaz à condensation récente dont le concierge et le sacristain vérifient régulièrement le bon fonctionnement. Nous avons aussi décidé de limiter à 18 degrés la température pour les célébrations.» Particularité vaudoise à signaler: les frais d’entretien des lieux de culte, et donc le chauffage, sont à la charge des communes.
Les paroissiens de Gland (VD) eux n’auront probablement pas à endurer le froid cet hiver. Leur nouvelle église, consacrée en février 2022, a été construite selon les normes ›Minergie’ les plus exigeantes, explique le président de paroisse Gilles Vallat. Le coût de l’électricité: qui fait fonctionner la pompe à chaleur va certes augmenter, mais c’est minime. En outre le toit du bâtiment est équipée de panneaux solaires. «Les questions énergétiques et écologiques ont été des éléments importants dans la décision de construire une nouvelle église. Le baraquement en bois de notre ancienne chapelle, chauffée à l’électricité directe était un gouffre du point de vue énergétique. Mais comme nous n’avons pas encore une saison de chauffage complète, nous ne pouvons pas pour l’heure donner un bilan financier.»
Dans la capitale des Franches-Montagnes à près de 1’000 mètres d’altitude, les hivers sont longs et souvent rigoureux. «Nous sommes actuellement en train de réaliser les travaux pour raccorder notre église au chauffage à distance alimenté par des copeaux de bois», explique Philippe Faivet. L’assemblée de paroisse a adopté un crédit de 500’000 francs pour cette réalisation. Le bois est une énergie renouvelable abondante dans la région. L’église sera aussi dotée d’un système de chauffage d’appoint électrique, sous les bancs, pouvant être enclenché par secteur selon l’occupation de l’église. Le coût de l’énergie sera d’environ 21’500 francs par saison. Célébrer la messe en hiver dans un local plus petit? «Nous n’y pensons pas» tranche Philippe Faivet. (cath.ch/mp)
Et si on posait le problème autrement?
Le bureau d’études énergétique français incub’ propose une approche profondément renouvelé du chauffage des églises. On n’a pas construit des églises pour habiter dedans, ni pour exprimer les saints principes du label minergie. Jusqu’à récemment, il ne venait à l’idée de personne de chauffer un tel endroit, constate l’auteur du blog. Qui dénonce la ›religion’ du chauffage central apparue au début du XXe siècle. La question du confort s’est doucement transformée en un problème de chauffage d’un local.
Pour incub, l’idée de chauffer l’immense volume d’une église pour un espace utile très faible est pour le moins étrange. Partant du fait qu’une messe dure environ une heure, il suggère un changement d’approche: remplacer «offrir du confort» par «limiter l’inconfort pendant une heure». Autrement dit de permettre aux fidèles présents de ne pas perdre trop d’énergie pour maintenir leur température corporelle.
Cela commence par des mesures passives. Dans un bâtiment non chauffé, les sols et les parois forment une sorte de «radiateur froid». On peut alors envisager d’utiliser des tapis, des tentures, des paravents, etc. Ou lorsque le bâti le permet, avoir recours à des revêtements intérieurs.
Un autre problème est celui des bancs sur lesquels les fidèles restent assis une bonne partie des célébrations. Souvent en chêne, les bancs captent la chaleur du fessier qui est la partie du corps par laquelle l’être humain perd le plus de chaleur. La pose de coussins isolants peut déjà avoir un impact certain. Les mesures de chauffage actives localisées peuvent alors compléter le dispositif. MP
Maurice Page
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/prier-en-grelottant-quelle-temperature-dans-les-eglises-cet-hiver/