La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), présidée par l’ancien vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé, avait estimé en 2021 à 330’000 le nombre de victimes de violences sexuelles de la part de prêtres, diacres, religieux, ou personnes en lien avec l’Eglise, depuis 1950.
Peu de temps après les 45 recommandations émises dans le rapport de la CIASE, les évêques ont créé, en novembre 2021, une Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), à destination des victimes de prêtres ou de laïcs dans divers lieux d’Église, hors congrégations. De son côté, la Conférence des religieux et religieuses de France (450 congrégations) a mis sur pied une Commission de reconnaissance et de réparation (CRR). L’instance est chargée de faire de la médiation entre victimes et instituts religieux, fixant à ces derniers d’éventuelles réparations financières.
Depuis l’application de ces mesures d’accompagnement et d’indemnisation, une quarantaine de victime ont effectivement touché une réparation. Une vingtaine d’autres attendent un versement dont le principe a été acté. Au total, 1’500 dossiers sont en attente ou en cours de traitement.
L’Inirr a indiqué que, sur 1’004 demandes enregistrées depuis le début de l’année, 60 décisions ont été rendues, dont 45 avec un volet financier, pour des montants allant de 8’000 à 60’000 euros, le montant maximum. «Sur un échantillon de 38 décisions, neuf ont reçu la somme de 60’000 euros, 21 des montants oscillent entre 15’000 et 30’000 euros, et huit une somme inférieure à 15’000 euros, indique la présidente de l’Inirr, Marie Derain de Vaucresson au quotidien La Croix.
Côté CRR, on assure que, sur 400 dossiers relevant de sa compétence, «au moins 15 victimes ont été payées par les congrégations religieuses», dont quatre portent sur la tranche 50’000-60’000 euros. Le montant moyen des réparations financières versées par l’intermédiaire de la CRR est de 32’000 euros.
Toutes ces indemnisations n’ont pas encore été effectivement versées. Le fonds Selam (fonds de Solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs), doté de 20 millions d’euros et alimenté par les diocèses, a versé 25 indemnisations sur la quarantaine décidée par l’Inirr. Les congrégations religieuses ont pour leur part versé 15 indemnisations, sur les 22 accordées par l’intermédiaire de la CRR.
Bernard, qui souhaite garder l’anonymat, se dit satisfait, rapporte le quotidien La Nouvelle République. Après un «accompagnement chaleureux» et une demande qui aboutit en quatre mois, il se voit proposer par l’Inirr 11’000 euros, qui «serviront à un projet» personnel et lui permettent de «marquer le coup», témoigne-t-il à l’AFP.
«Ils ont fait le choix de la qualité de l’écoute, ce qui est bien et prend du temps», reconnaît Véronique Garnier (Collectif Foi et résilience). Mais elle trouve «dommage qu’il n’y ait pas une seule instance pour tous».
D’autres affichent une franche déception. Pour Olivier Savignac, du Collectif Parler et revivre, le «dispositif est totalement sous-dimensionné»: «trop peu de moyens humains», une permanence téléphonique réduite, «pas de publicité!».
Jean-Pierre Sautreau, responsable du Collectif85 (victimes du département de la Vendée, dans l’ouest de la France), est en total «désaccord» avec les grilles d’évaluation retenues pour établir le barème.
l’Inirr, qui a «renforcé» ses équipes, a promis une «accélération nette» de l’accompagnement lors d’une conférence de presse donnée le 30 septembre 2022. Gilles Vermot-Desroches, président du fonds Sélam, plaide une période de rodage: «Les fondations de cette maison de reconnaissance sont faites, maintenant on va monter quelque chose qui est plus visible et qui ira probablement beaucoup plus vite pour être plus à l’écoute des personnes victimes maintenant», assure-t-il à Franceinfo. «Il a fallu inventer, ce genre d’organisme n’existait pas», souligne Marie Derain de Vaucresson au quotidien La Croix. «On ne peut bâcler la prise en charge», argue-t-on du côté de la CRR.
Une douzaine de collectifs de victimes se retrouveront à Paris le 8 octobre prochain, en présence de Jean-Marc Sauvé, pour «mettre la pression», selon les termes de Olivier Savignac.
Si le rapport a eu des traductions concrètes en France, la Commission Sauvé n’a pas été reçue à Rome par le pape en décembre comme cela avait été initialement programmé, relève La Nouvelle république.
En novembre 2021, huit membres de l’Académie catholique – une instance non-officielle rassemblant des intellectuels catholiques – avaient sévèrement critiqué la Ciase, jugeant impensable qu’une instance «sans autorité ecclésiale» impose à l’Eglise les réformes à mettre en place.
Par ailleurs, la déception se perçoit aussi chez les fidèles: un an après, «il y a eu un essoufflement», et «dans la grande majorité des paroisses aujourd’hui, on ne parle plus du rapport Sauvé», regrette Martin (prénom d’emprunt), du collectif Agir pour notre Eglise. (cath.ch/ag/lcx/lnr/fri/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/france-un-an-apres-le-rapport-sauve-les-victimes-peu-a-peu-indemnisees/