Lors de la 27e audience du procès, Alessandro Cassinis Righini a dénoncé un manque de «compétence» au sommet de la Curie, notamment dans la section administrative qui fut dirigée entre 2011 et 2018 par le cardinal Angelo Becciu.
Alessandro Cassinis Righini est un des premiers membres de la Curie à avoir mis le doigt sur les irrégularités financières de la Secrétairerie d’État. Dès la création du bureau de l’Auditeur général en 2014, a-t-il expliqué, l’entité anti-corruption s’est vu opposer de fortes «résistances» de la part de la section dirigée par le substitut Mgr Becciu, malgré le soutien du cardinal George Pell, alors secrétaire pour l’Économie.
Mgr Becciu aurait notamment fait échouer un audit externe – signé par le cardinal Pell avec le cabinet d’audit PWC – de l’administration centrale de la Curie. Cassinis Righini affirme qu’il lui aurait déclaré: «Nous sommes habitués à contrôler, pas à être contrôlés». L’avocat du cardinal Becciu a défendu son client en affirmant que le pape François avait confirmé l’autonomie financière de la Secrétairerie d’État dans un rescrit daté du 5 décembre 2016.
Le pontife a finalement autorisé un audit par le bureau de l’Auditeur général pendant une période de transition au cours de l’été 2018, quand Angelo Becciu venait d’être promu préfet de la congrégation pour les causes des saints et que son successeur, Mgr Edgar Peña Parra, n’était pas encore arrivé. Mais le bureau aurait rencontré de nombreuses difficultés, ne recevant aucun des documents qu’il demandait. Mgr Alberto Perlasca lui aurait ainsi déclaré: «Pour moi, dans les bilans financiers, moins on écrit, mieux c’est».
«Ce n’est pas une façon de gérer le Denier de Saint-Pierre!», s’est exclamé Alessandro Cassinis Righini, expliquant que l’argent du Saint-Siège avait souvent été employé dans des placements spéculatifs avec des montages financiers opaques, notamment celui de l’immeuble de Londres. Sur ce dernier point, il a estimé que l’investissement dans le fonds Athena GOF de Raffaele Mincione avait généré des «pertes constantes».
Cassinis Righini a affirmé n’avoir ainsi jamais reçu le contrat signé par la Secrétairerie d’État avec le Crédit suisse qui confiait des actifs du Saint-Siège à la banque helvète. Visant Enrico Crasso, financier mis en cause dans le procès qui a été employé du Crédit suisse entre 2000 et 2014, il a dénoncé un «conflit d’intérêt flagrant».
Cassinis Righini a aussi déploré la nature «visqueuse» de certains investissements effectués par la Secrétairerie d’État, notamment dans des hedge funds. Il a estimé que sur les 928 millions d’euros d’actifs gérés par le Saint-Siège en 2018, 750 millions étaient confiés à des institutions financières extérieures au Vatican – principalement le Crédit suisse.
La secrétairerie d’État n’a pas été la seule à être critiquée pendant l’audience. La banque du Vatican – l’APSA – aurait elle aussi agi de façon incohérente, effectuant des investissements contraires aux enseignements de l’Église, notamment dans une entreprise vendant la pilule du lendemain.
Mgr Edgar Peña Parra, successeur de Mgr Becciu, est entré en fonction le 15 octobre 2018. Le 26 novembre de la même année, Cassinis Righini affirme être «tombé de sa chaise» quand le substitut lui a fait parvenir via un collègue un projet autorisant l’accord trouvé trois jours auparavant avec Gianluigi Torzi. Le document devait encore être signé par le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin.
Cassinis Raghini a expliqué avoir tout de suite vu le danger que représentait la cession des 1’000 actions avec droit de vote à Gianluigi Torzi – «c’était la première chose qui sautait aux yeux», a-t-il affirmé. L’opération donnait en effet le contrôle de l’immeuble au courtier molisan.
Le bureau de l’Auditeur général a envoyé dès le 28 novembre un document déconseillant au Saint-Siège de conclure l’opération; en vain, puisque la tractation est finalement effectuée début décembre 2018. Pendant l’audience, Cassinis Righini s’est interrogé sur le sens de «toute cette grande hâte».
Le début de l’audience a été consacré à la fin de l’audition du premier témoin du procès, le consultant technique du bureau du promoteur de justice, Roberto Lolato. Ce dernier a expliqué avoir travaillé de 2015 à 2018 pour le bureau de l’Auditeur général, dirigé alors par Libero Milone.
Pendant cette période, il a notamment travaillé sur l’audit de la Secrétairerie d’État avec Alessandro Cassinis Righini, alors réviseur adjoint. Roberto Lolato a aussi été un employé de Deloitte pendant plusieurs années.
Les prochaines audiences sont prévues pour les 12,13 et 14 octobre. Le 12 et le 13 devraient être l’occasion d’entendre le troisième témoin du procès, le commissaire de la Gendarmerie vaticane Stefano De Santis. À partir du 13 octobre, les témoins Andrea Pozzi, Carlo Bravi et Marco Simeon devraient aussi être entendus. Le 14 octobre est prévue l’audition de l’architecte Luciano Capaldo, à qui on a confié la gestion de l’immeuble de Londres.
Le directeur de l’Institut pour les Œuvres de Religion, Gian Franco Mammì, devait être entendu ce 30 septembre. Il devrait finalement être auditionné à une date ultérieure non communiquée. (cath.ch/imedia/cd/ic/bh)
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