Christophe Herinckx/ cathobel
Ils sont présents dans la Bible, mais aussi dans le Coran et… dans le New Age. Mais pour la Tradition chrétienne, les anges sont surtout présents dans nos vies, même si on ne les perçoit pas. C’est le cas, en particulier, de ceux qu’on appelle les anges gardiens, fêtés chaque année le 2 octobre dans l’Eglise catholique.
Qui sont les anges gardiens, et quelle est leur mission? L’un des premiers à en avoir parlé expressément est le théologien Basile de Césarée (329-379), l’un des Pères de l’Eglise d’Orient: «Chaque fidèle a, à ses côtés, un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie». Dix-sept siècles plus tard, dans son homélie du 2 octobre 2018, le pape François expliquait que «nous avons tous, selon la tradition de l’Eglise, un ange qui nous protège et nous fait sentir les choses».
«Pour l’Eglise, l’existence des anges, est une vérité de foi»
L’ange gardien «n’est pas une doctrine un peu fantaisiste, c’est une réalité», a-t-il ajouté. Chacun a «à ses côtés» un ange «qui le conduit», tel un «compagnon de voyage». Telle est donc la mission des anges gardiens, qui nous sont «attribués» toute notre vie durant: nous protéger et nous guider dans notre pèlerinage vers le Royaume des Cieux.
Quant à ce que sont les anges gardiens, on peut, pour l’approcher, se référer à ce que la Bible et la Tradition disent des anges «en général». Ceux-ci sont évoqués indirectement dans le Credo, comme le note le Catéchisme de l’Eglise catholique: «Le Symbole des apôtres professe que Dieu est ‘le Créateur du ciel et de la terre’, et le Symbole de Nicée-Constantinople explicite: ‘… de l’univers visible et invisible'» (Catéchisme, n° 325).
Selon la foi chrétienne, Dieu a créé l’univers matériel, dans lequel l’humain, créature à la fois spirituelle et corporelle, occupe une place centrale; il a également créé un monde spirituel, donc non matériel, «lieu» où habitent des créatures également et seulement spirituelles – des «esprits», comme l’écrit saint Augustin, dont la mission est d’être des messagers, des envoyés de Dieu – sens du mot grec angelos. Vu qu’on parle d’un monde spirituel, le terme de «lieu» ne convient pas: il n’est pas «ailleurs» qu’ici-bas, bien qu’il transcende le monde matériel, tout comme Dieu n’est pas «quelque part», en même temps qu’il est «partout».
Pour l’Eglise, «l’existence des êtres spirituels, non corporels, que l’Ecriture Sainte nomme habituellement anges, est une vérité de foi. Le témoignage de l’Ecriture est aussi net que l’unanimité de la Tradition», écrit encore le Catéchisme à leur sujet (n° 328). De fait, la réalité et les «fonctions» des anges sont évoquées dans de nombreux textes bibliques, aussi bien du Nouveau que de l’Ancien Testament. Ils y apparaissent, dans tous les sens du terme, comme des adorateurs de Dieu, qui se tiennent constamment en sa Présence: «Je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu. J’ai été envoyé pour te parler et t’annoncer cette bonne nouvelle» (Lc 1, 19), dira l’ange à Zacharie en lui annonçant la naissance future de Jean le Baptiste.
«Les premiers chrétiens adhéraient à la croyance que chaque ‘petit’ a un ange ‘propre'»
Ce verset évoque aussi une autre mission de l’Ange, celle d’être des envoyés, des messagers de Dieu auprès des hommes. Une troisième mission, mentionnée dès l’Ancien Testament: celle d’accompagner, de guider et d’assister le Peuple de Dieu (cf. Ex 23,20-21), et plus particulièrement les prophètes. Alors qu’Elie, exténué, s’endort sous un genêt après avoir demandé la mort, un ange le touche et lui dit: «’Lève-toi et mange!’ Il regarda: à son chevet, il y avait une galette cuite sur des pierres chauffées, et une cruche d’eau». Fortifié par cette nourriture, Elie marchera quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montage de Dieu (cf. 1 R 19,4-8).
Les anges gardiens, dans la spiritualité chrétienne, reprennent ces différentes caractéristiques bibliques des anges: l’adoration et la contemplation de Dieu d’une part, l’accompagnement, la guidance et l’assistance aux humains d’autre part, avec cette particularité que ce soutien est donné à titre personnel.
Bien plus, chacune et chacun a son ange gardien, un guide qui est comme un jumeau spirituel auquel il est intimement lié. Si la Bible ne parle pas expressément de cette catégorie d’anges, la théologie chrétienne qui s’est développée à leur endroit – en particulier celle du moine Honoré d’Autun, au XIIe siècle – se fonde en grande partie sur un unique verset de l’évangile selon saint Matthieu: «Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits car, je vous le dis, leurs anges se tiennent sans cesse en présence de mon Père qui est aux cieux» (Mt 18, 10).
Comme quelques autres versets des évangiles, cette parole de Jésus ne s’inscrit dans aucun contexte déterminé: elle n’est pas prononcée dans le contexte d’une parabole, par exemple. Le simple fait que cette parole soit reprise par un évangéliste témoigne de ce qu’elle circulait parmi les premiers chrétiens, et que ces derniers adhéraient à cette croyance selon laquelle chaque «petit» a un ange «propre».
Au fil du temps et de l’histoire de la spiritualité, des pratiques de piété se sont développées à l’endroit des anges gardiens. Outre leur fête instituée pour toute l’Eglise en 1608 par le pape Paul V, il n’existe pas, à proprement parler, de culte des anges gardiens – contrairement au culte des saints. Dans l’épître aux Colossiens, saint Paul met d’ailleurs en garde contre un culte des anges qui ne serait pas vécu en union avec le Christ: «La réalité, c’est le Christ. Ne vous laissez pas frustrer de votre récompense par quelqu’un qui veut vous humilier dans un culte des anges, qui s’évade dans des visions, qui se gonfle d’orgueil pour rien dans sa mentalité purement humaine. Un tel homme n’est pas en union avec la tête, par laquelle tout le corps, de par Dieu, poursuit sa croissance grâce aux connexions internes et aux articulations qui maintiennent sa cohésion.» (Col 2, 17-19)
Par contre, les anges sont présents dans la liturgie chrétienne. Celle-ci est d’ailleurs comprise comme une participation à la liturgie du Ciel, celle qui est constamment célébrée par les anges: «Dans sa liturgie, l’Église se joint aux anges pour adorer le Dieu trois fois saint; elle invoque leur assistance (ainsi dans In Paradisum deducant te angeli… de la Liturgie des défunts, ou encore dans «l’Hymne chérubinique» de la Liturgie byzantine, elle fête plus particulièrement la mémoire de certains anges (saint Michel, saint Gabriel, saint Raphaël, les anges gardiens).» (Catéchisme, n° 335)
A part les trois archanges ici mentionnés, (et quelques autres dans l’Ancien Testament ou des apocryphes), on ne connaît pas les noms des anges. Certains conciles ont même explicitement interdit de les nommer, tel celui de Laodicée en 364, pour éviter toute tentation d’idolâtrie. L’Eglise ne décourage cependant pas de recourir à l’aide des anges, en particulier celle de nos anges gardiens. En ce sens, le pape François, dans son homélie de 2018 a encouragé les fidèles à «l’écouter et suivre ses conseils» car l’ange gardien «conduit l’homme jusqu’à la fin de sa vie».
«Moi, aujourd’hui, je me poserais cette question: quel rapport j’entretiens avec mon ange gardien? Est-ce que je l’écoute? Est-ce que je lui dis bonjour le matin? Est-ce que je lui dis: ›Protège-moi pendant mon sommeil?’ Est-ce que je parle avec lui? Je lui demande des conseils? Il est à mes côtés. Cette question, chacun de nous peut y répondre aujourd’hui: «Comment est ma relation avec cet ange que le Seigneur a envoyé pour me garder et m’accompagner en chemin, et qui voit toujours le visage du Père qui est aux cieux?». A chacune et chacun de répondre à ces questions pour elle/lui-même.
Et François d’ajouter: «Notre ange n’est pas seulement avec nous, mais il voit Dieu le Père. Il est en relation avec lui. Il est le pont quotidien, de l’heure à laquelle nous nous levons à celle où nous allons au lit, qui nous accompagne et il est le lien entre nous et Dieu le Père. (…) L’ange est la porte quotidienne à la transcendance, à la rencontre avec le Père. (…) il m’aide à avancer, parce qu’il regarde le Père et qu’il connaît le chemin». (cath.ch/cathobel/ch/rz)
Rédaction
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