Le prêtre maronite ne portera plus l’habit conformément à une décision du Vatican. Un communiqué interne de l’Assemblée des patriarches et des évêques catholiques au Liban, signé le 27 septembre, mentionne qu’une décision a été prise par le pape François et la Congrégation pour la doctrine de la foi de renvoyer deux prêtres maronites, Mansour Labaky et Georges Badr, à l’état laïc, rapporte le quotidien libanais L’Orient-Le Jour.
Rédigé à la demande de l’archevêque de Beyrouth, Mgr Boulos Abdel Sater, le communiqué est destiné à être diffusé auprès des prêtres de paroisses et des institutions ecclésiastiques. Un autre prêtre libanais, George Badr, fait l’objet de la même sanction, selon le communiqué publié par les évêques maronites: «Nous prions pour les victimes d’abus sexuels et pour nos frères Georges et Mansour, écrivent les évêques, afin que cette décision soit leur salut».
Demandée depuis des années par ses victimes, cette décision intervient moins d’un an après la condamnation par contumace du Père Labaky par la justice française, le 9 novembre 2021, à 15 ans de réclusion pour viols et agressions sexuelles sur mineures, rappelle le quotidien La Croix. Les faits jugés alors par la cour criminelle du Calvados à Caen remontaient aux années 1989-1997 et avaient été commis à Paris et à Douvres-la-Délivrande (Calvados), où il avait dirigé un foyer d’accueil pour les jeunes victimes de la guerre au Liban – pour la plupart des orphelins–, jusqu’à sa fermeture en 1998.
«Cette sentence a pesé énormément sur la décision de son renvoi de l’état clérical. Si la justice française ne l’avait pas condamné, le Vatican n’aurait sans doute pas été jusque-là», estime Céleste Akiki dans le quotidien La Croix. Céleste Akiki est la nièce de Mansour Labaky et l’une des premières à l’avoir dénoncé il y a presque dix ans, pour les agressions sexuelles et viols qu’il lui a fait subir enfant.
En 2013, la Congrégation pour la doctrine de la foi du Vatican reconnaît Mansour Labaky coupable d’abus sexuels sur trois mineures, sur une période allant de 1976 à 1997. Après ce jugement, il se voit interdire de célébrer la messe en public et de confesser, de mener tout accompagnement spirituel, activité publique et prise de parole dans les médias, ou d’entretenir un contact avec les victimes. Mais fort du soutien de l’Église maronite et de fidèles clamant son innocence, Mansour Labaky ne s’éclipse pas totalement de la vie publique.
Pour étouffer le scandale, les pro-Labaky n’hésitent pas à traîner les victimes dans la boue en criant au grand complot et le prélat portera plainte auprès de la justice libanaise contre ses détracteurs. «Vu son statut d’intouchable au Liban, c’était David contre Goliath», résume Céleste Akiki.
Suite à la décision vaticane, une enquête est lancée en France après le dépôt de plusieurs plaintes. Mansour Labaky a fondé et dirigé de 1991 à 1998, à Douvres-la-Délivrande, dans le Calvados, près de Caen, en Normandie, le foyer Notre-Dame – Enfants du Liban accueillant des enfants libanais orphelins de la guerre, où il a abusé de nombreuses jeunes filles françaises et libanaises. Un mandat d’arrêt international est lancé à son encontre en avril 2016, mais le Liban n’extradant pas ses ressortissants, il reste à l’abri des poursuites judiciaires, vivant reclus au couvent des sœurs de la Croix, à Broummana. Le 9 novembre 2021, il est condamné par contumace à quinze ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur mineurs par la cour criminelle du Calvados.
Aujourd’hui âgé de 82 ans, Mansour Labaky a longtemps été célèbre pour son rôle pendant la guerre du Liban et son action en faveur des orphelins. «On ne réalise pas l’étendue de sa célébrité et de son pouvoir à l’époque, poursuit Céleste Akiki. Adolescente, je me disais: «qui va me croire ?» Et même en 2011, quand j’avais témoigné devant les autorités ecclésiastiques, on m’avait dit: «Vous ne pouvez rien contre lui, il est intouchable». Heureusement que d’autres victimes et moi avons agi selon notre conscience. Mais cela a pris des années de galère, d’attaques, de calomnies, d’intimidations. C’était David contre Goliath, nous avions devant nous le grand Mansour Labaky.»
Cette décision inédite au Liban ouvre la boîte de Pandore. L’Église maronite s’est dotée d’une loi contre les abus sexuels sur mineurs en 2016, mais se montre très peu encline à communiquer sur le sujet, précise le quotidien libanais. Alors que pendant des années l’institution a entretenu le flou sur l’affaire Labaky, la voilà contrainte de suivre une décision vaticane contre deux de ses prêtres. Et il pourrait y en avoir d’autres. (cath.ch/lcx/loj/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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