La Pologne devra verser 10’000 euros de dommages et intérêts à la chanteuse pop Doda, (de son vrai nom Dorota Rabczewska) car un tribunal l’a condamnée à tort en 2012 à une amende pour blasphème. La chanteuse avait déclaré dans une interview que les auteurs de la Bible étaient sous l’influence de l’alcool et de la drogue. Dans un arrêt publié le 15 septembre 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a décidé que cette déclaration était couverte par la liberté d’expression.
En août 2009, un tabloïd avait publié une interview de la chanteuse sous le titre «Doda : je ne crois pas en la Bible». Le journaliste lui avait posé des questions en s’inspirant de l’attitude ouvertement antireligieuse de son petit ami de l’époque. Doda avait répondu qu’elle croyait en une «puissance supérieure», mais qu’elle était plus convaincue par les faits scientifiques que par les «histoires (bibliques) incroyables» écrites par «quelqu’un qui est défoncé à force de boire du vin et de fumer des joints».
Mépris pour les croyants ?
En janvier 2012, le tribunal de district de Varsovie l’avait condamnée à une amende de 5’000 zlotys (environ 1’000 euros). Il avait estimé que ses déclarations étaient délibérément insultantes et montraient du mépris pour les croyants. Doda avait d’abord contesté le jugement sans succès. En 2013, elle a déposé un recours auprès de la CEDH en invoquant la liberté d’expression.
La liberté d’expression prime
Les juges de la CEDH se sont prononcés en faveur de la chanteuse. La Cour relève que Doda avait formulé les déclarations en cause en réponse à des questions sur sa vie privée, sur un ton léger et dans un langage coloré destiné à ses jeunes fans. Selon les juges, ces propos – même s’ils ont pu choquer certaines personnes – ne constituent ni un discours de haine, ni une incitation à la haine ou à l’intolérance religieuse.
Globalement, la CEDH conclut que les juridictions polonaises ont manqué à leur obligation d’identifier et peser avec soin les intérêts concurrents en jeu, c’est-à-dire le droit de la requérante à la liberté d’expression et le droit des autres personnes à voir leurs sentiments religieux protégés et la paix religieuse dans la société préservée.
Or les motifs évoqués ne sont pas suffisants pour justifier l’ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression de Doda, estime la CEDH.
Les jugements à connotation religieuse ne sont pas des cas isolés en Pologne. Ainsi, le chanteur du groupe de death metal «Behemoth», Adam «Nergal» Darski, avait été condamné en février 2021 à une amende pour atteinte aux sentiments religieux. Darski, qui a eu une relation avec Doda de 2009 à 2011, avait posté sur Facebook une photo de lui en train d’écraser avec sa chaussure une peinture représentant la Vierge Marie. Il a ensuite été acquitté dans cette affaire. (cath.ch/com/mp)
Maurice Page
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