Sous les verrières bleutées du Palais de l’Indépendance où se tient le Congrès, sommet interreligieux rassemblant 108 délégations de religions venant de cinquante pays, le pontife a partagé un temps de prière silencieuse dans la salle des conférences. À ses côtés se trouvaient notamment le grand imam d’Al Azhar Ahmed al-Tayyeb et le ›ministre des affaires étrangères’ du patriarche Cyrille, le métropolite Antoine de Volokolamsk. Le président Kassym-Jomart Tokaïev a ensuite prononcé un discours d’ouverture de l’événement puis a donné la parole au pontife.
«Le monde attend de nous l’exemple d’âmes éveillées et d’esprits lucides, il attend une religiosité authentique», a affirmé le chef de l’Église catholique devant les représentants juifs, musulmans, orthodoxes, bouddhistes ou shintoïstes participant au Congrès.
Le pape François a insisté sur la nécessité de combattre le «fondamentalisme qui pollue et ronge toutes les croyances», soulignant combien les guerres au nom des religions rendaient «impossible» tout dialogue avec ceux qui considèrent que Dieu n’existe pas. Pour éviter cela, il a invité à se libérer des «conceptions réductrices et destructrices» de la foi et condamné les « rigidités, les extrémismes et les fondamentalismes» qui «profanent le nom de Dieu».
Le pontife, qui n’a pas évoqué à une seule reprise la guerre en Ukraine, contrairement à son discours de la veille, a clamé que «Dieu est paix et conduit toujours à la paix, jamais à la guerre». Et s’est exclamé: «Que le sacré ne soit pas l’accessoire du pouvoir et que le pouvoir ne soit pas l’accessoire du sacré!»
Cette dernière phrase est proche de celle prononcée par le pape François au patriarche Cyrille – annoncé présent au sommet mais ayant annulé sa participation – peu de temps après l’invasion russe de l’Ukraine. Le pontife a confié dans un entretien au Corriere della Sera qu’il lui avait déclaré: «Frère, nous ne sommes pas des ›clercs d’État’». «Le patriarche ne peut pas devenir l’enfant de chœur de Poutine», avait-il ensuite expliqué au journal italien.
Le pape François a aussi dénoncé la «mentalité oppressante et étouffante» des athéismes d’État, rappelant celui pratiqué par l’URSS au Kazakhstan. Il a mis en garde contre les discours qui inculquent «suspicion et mépris à l’égard de la religion comme s’il elle visait la déstabilisation de la société moderne», invitant à les «laisser aux livres d’histoire».
Tout en insistant sur le fait que la liberté religieuse ne se limitait pas à la liberté de culte, le pontife a tenu à distinguer «la bonne pratique de l’annonce» à celle du «prosélytisme et de l’endoctrinement». Il a appelé chaque religion à se libérer «des ombres de la suspicion et de la fausseté» à l’égard des autres croyances.
Le Congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles qui se rassemble pour la 7e fois depuis son lancement en 2003 a choisi pour thème le développement spirituel et social de l’humanité dans la période post-pandémie. Le pontife a insisté sur la vulnérabilité qu’a montré la pandémie, vulnérabilité que reconnaissent intrinsèquement les religions et qui s’opposent aux «fausses présomptions de toute puissance suscitées par des progrès techniques et économiques» ou à l’indifférence issue «du consumérisme qui étourdit».
Les religions, au regard de la pandémie, peuvent se faire l’écho d’une «solidarité globale» pour les plus pauvres, a insisté le pape, dénonçant le fait qu’une grande partie de la population mondiale n’avait encore aujourd’hui pas accès aux vaccins. «C’est l’indigence qui permet la propagation des pandémies», a-t-il dénoncé.
Les religions, a continué le pape, doivent défendre l’accueil fraternel. «Chaque jour, des enfants à naître et des enfants, des migrants et des personnes âgées sont rejetés », a-t-il déploré, expliquant qu’ils étaient « sacrifiés sur l’autel du profit, enveloppés par l’encens sacrilège de l’indifférence. Le pontife a mis en garde contre la tendance instinctive à «défendre ses sécurités acquises et de fermer les portes par peur».
Le pontife a enfin considéré que les religions pouvaient unir leurs efforts pour promouvoir la sauvegarde de l’environnement, citant les problèmes que posaient la déforestation, le commerce illégal d’animaux ou l’élevage intensif.
Il a estimé que ce défi se rattachait à celui de la pandémie, affirmant que c’était un «équilibre détérioré, en grande partie à cause de nous, avec la nature qui nous entoure». Face à ce constat, il a rappelé la «vision respectueuse et religieuse du monde voulu par le Créateur». (cath.ch/imedia/cd/bh)
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