Depuis que la campagne électorale a commencé au Brésil, mi-août 2022, les attaques contre les deux principaux candidats à la présidence, Jair Bolsonaro et Luiz Inácio Lula da Silva, s’intensifient sur les réseaux sociaux.
Le phénomène est souvent lié à la religion. Pour Vinicius Borges Gomes, interrogé par le média américain Crux, la raison en est que les ‘fake news’ cherchent à atteindre les dimensions les plus sensibles des individus. Et la religiosité est l’un des domaines de la personnalité où cela se manifeste le plus intensément, note le professeur de communication à l’Université catholique pontificale du Minas Gerais (sud-est).
Selon Magali Cunha, une chercheuse en communication brésilienne, tous les groupes politiques sont susceptibles de faire de la désinformation – ce peut même être le cas de la presse, bien que cela se produise habituellement dans le cadre d’erreurs. Plusieurs études ont cependant montré que l’extrême droite avait davantage tendance à diffuser des «fake news» de manière intentionnelle, relève la directrice de Coletivo Bereia, un groupe de vérification des faits spécialisé dans la religion. Pour cette raison, les mensonges contre Lula ont été beaucoup plus courants que la désinformation contre Jair Bolsonaro, a déclaré Magali Cunha. «La campagne de 2018, lorsque l’actuel président a été élu, était entièrement basée sur des ‘fake news’«, assure-t-elle.
Bien qu’il soit catholique, Jair Bolsonaro reçoit un soutien important des Eglises pentecôtistes et néopentecôtistes au Brésil. Il est également promu par les sites d’information évangéliques. «Certains des portails évangéliques les plus visités ont diffusé des fausses nouvelles – qui atteignent également les catholiques, souvent par le biais des médias sociaux», souligne Magali Cunha.
Un exemple a été le partage massif, au cours des dernières semaines, d’allégations selon lesquelles Lula avait tenté de promulguer en 2010 un décret «interdisant le christianisme au Brésil«. Les vérificateurs de faits, comme le service en langue portugaise de Reuters Fact Check, ont relevé que le décret n’avait rien à voir avec une quelconque interdiction du christianisme. Il comprenait seulement une disposition sur la nécessité de développer «des mécanismes pour empêcher l’affichage de symboles religieux dans les bâtiments publics du gouvernement fédéral.» La clause a de plus été enlevée de la version finale du décret, approuvée par le Parlement en 2010.
Les mensonges répandus par le camp de Jair Bolsonaro sont d’autant plus virulents que Lula est toujours en tête des sondages à deux mois du premier tour des élections, le 2 octobre 2022. Ils visent principalement à associer le président de gauche à d’autres régimes d’Amérique latine qui persécutent les chrétiens, comme au Nicaragua.
Alors qu’il était président de 2003 à 2010, Lula n’a pris aucune mesure contre les Eglises chrétiennes au Brésil, rappelle Crux. Il est catholique et a des liens historiques avec l’aile progressiste de l’Église brésilienne. Le mouvement de la théologie de la libération a été profondément impliqué dans la création de son Parti des travailleurs en 1980.
Le phénomène en croissance des «fake news» inquiète la Conférence épiscopale du Brésil (CNBB). Elle a décidé de réagir en organisant début août un cours destiné à tous les agents pastoraux sur la désinformation en campagne électorale, les procédures de base pour identifier les fabrications, et les moyens de diffuser ces connaissances parmi leurs collègues et les paroissiens.
«La formation des agents pastoraux contre les ‘fake news’, un mal terrible, est un signe que la CNBB est prête à faire avancer sa lutte contre la désinformation», a déclaré Mgr Joaquim Mol Guimarães, évêque auxiliaire de Belo Horizonte (Minas Gerais), et responsable de la communication à la Conférence.
Le prélat a admis que l’Église brésilienne avait souvent mal géré la diffusion de fausses nouvelles parmi les catholiques – parfois concernant l’Église elle-même. «Les segments de l’Eglise que l’on peut qualifier de réactionnaires – qui incluent des évêques et des prêtres – s’identifient à des positions autoritaires et prétendent défendre l’agenda conservateur. Ils ne sont pas alignés sur la lutte contre les ‘fake news’ car, à mon sens, ils en ont besoin pour construire un activisme victorieux», a-t-il affirmé.
Mgr Guimarães note un certain laxisme au sein de l’Eglise à ce sujet. Il relève qu’il n’y a pas eu de cas d’évêques ayant pris des mesures «drastiques, sérieuses et adéquates» contre des prêtres ou des laïcs ayant diffusé des «fake news». Il explique cela par une peur latente de s’exprimer et d’agir. Mgr Guimarães appelle ainsi les fidèles à être conscients des grands dommages causés par la désinformation. «Les ‘fake news’ sont une expression du pire de l’humanité». (cath.ch/crux/rz)
Raphaël Zbinden
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