Homélie du 11 septembre 2022 (Lc 15, 1-32)

Chanoine Roland Jaquenoud – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice

            La liturgie de l’Église nous fait entendre ce dimanche les paraboles de la miséricorde qui se trouvent au début du chapitre 15 de l’Évangile selon S. Luc. Dès le départ, l’Évangéliste est clair : ces paraboles s’adressent aux pharisiens et aux scribes, qui récriminaient contre Jésus parce qu’il recevait les publicains et les pécheurs. Les pharisiens et les scribes : des gens qui s’étaient investis du pouvoir de dire, au nom de Dieu, la loi et les prescriptions qu’il fallait absolument suivre.

            Dès le début, donc, S. Luc pointe un travers qui menace tout bon croyant : celui de la bien-pensanse. Nous croyons, nous savons, nous vivons selon la morale, nous ne faisons pas trop attention à nos « petits » travers, et du haut de notre haute moralité, nous jugeons les « autres », ceux qui ne croient pas, qui ne respectent pas la loi de Dieu, qui ne partagent pas nos valeurs, que nous avons vite tendance à traiter d’ « évangéliques ».

Un visage de Dieu différent

            Les trois paraboles de ce jour nous montrent un visage de Dieu tout à fait différent de celui que nous reflétons parfois. Dieu est ce berger qui laisse 99 « bonnes » brebis pour aller chercher celle qui s’est égarée. Il est cette femme qui fait le ménage dans toute la maison non pas pour exclure la pièce d’argent, mais pour la retrouver. Dieu fait le ménage dans sa maison avec un seul but : retrouver celle/celui qui s’est perdu. Quelle leçon !

            Chers frères et sœurs : combien la phrase de commentaire que Jésus fait lui-même des deux premières paraboles devait agir comme une onde de choc sur ces pharisiens et ces scribes qui l’écoutaient à ce moment : « Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion ». Combien il serait aussi souhaitable que nous-même nous laissions déranger, choquer par cette phrase. Quoi, Jésus n’est venu que pour ceux qui s’égarent ? Et nous alors ? Eh bien, chers frères et sœurs, il serait souhaitable que, regardant notre vie, nous nous retrouvions plus dans l’image de la brebis perdue ou de la pièce égarée que dans celle du scribe et du pharisiens : ce serait déjà un bon début de conversion. Cela nous ferait descendre de notre piédestal. Cela nous aiderait, peut-être, à cesser de juger constamment les autres.

Dieu, celui qui cherche, qui attend patiemment

            Et puis, il y a la troisième parabole, celle du fils prodigue. A nouveau, Dieu notre père se présente sous les traits de celui qui cherche, de celui qui attend patiemment, de celui qui invite. Il attendait patiemment le fils cadet, l’égaré, celui qui avait cru que la rupture avec le Père lui donnerait une vie joyeuse et qui s’est écrasé. Lorsqu’il aperçoit au loin ce fils qui revient timidement, lui, le père qu’on ose dire parfois « offensé », court à sa rencontre, se jette à son coup et le couvre de baisers. Il l’attendait, ce retour, et enfin le fils revient : « Il y a de la joie pour un seul pécheur qui se convertit ». Mais il est aussi le père du fils aîné, celui qui est resté, et qui ne peut supporter qu’on accueille avec tant de joie le fils perdu. Il sort de la maison et invite son aîné à participer à la fête, à y prendre la place qui lui revient. Dieu est à la fois le père du prodigue et le père de l’ainé, le père des pécheurs et le père des pharisiens. Est-ce que les pharisiens finiront par l’accepter ? La parabole ne nous le dit pas : on ne sait pas si le fils aîné accepta d’entrer. Car la réponse à cette invitation n’appartient pas à la parabole, elle appartient aux pharisiens eux-mêmes, à qui elle est destinée, elle appartient à chacun de nous, les bons croyants. Chacun de nous devra écrire par sa vie la fin de la parabole.

            Sommes-nous les disciples de ce père qui invite tout le monde à la fête, ou nous enfermons-nous nous-mêmes dans des cercles d’« élus », dans une tour d’ivoire d’où nous méprisons le monde tel qu’il va. Si ce devait être le cas, chers frères et sœurs, cela signifierait que, sans même nous en apercevoir, nous aurions depuis longtemps cessé d’être chrétiens.

            Dieu est le berger qui cherche, la femme qui fouille et qui nettoie, le Père qui cours vers le prodigue. C’est de ce Dieu là que nous sommes les disciples. C’est de ce Dieu là que nous sommes les témoins sur cette terre. Pas d’un autre.

            Que disait saint Paul tout à l’heure, dans le début de la lettre à Thimothée que nous avons entendue ? « Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi je suis le premier des pécheurs » A aucun moment, le saint apôtre ne se considère meilleur que les autres. Il s’étonne même que Dieu ait pu agir comme il l’a fait avec un homme aussi perdu que lui : orgueilleux, violent, persécuteur. « Mais s’il m’a été fait miséricorde, c’est afin qu’en moi, le premier, le Christ Jésus montre toute sa patience ». Dieu est un Dieu patient. Parient avec moi, patient avec nous, il n’y a donc aucune raison qu’il ne soit pas patient avec les autres.

            Chers frères et sœur, cessons donc de nous plaindre, d’accuser, de condamner. Jésus est un Dieu patient avec nos travers, il l’est aussi avec ceux des autres. Apprenons donc petit à petit à faire nôtres les sentiments du Christ Jésus.

24° dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Exode 32, 7-14; Psaume 50; 1 Timothée 1, 12-17; Luc 15, 1-32

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