Mgr Martin Werlen, ancien Abbé d’Einsiedeln observe avec inquiétude la querelle entre l’agente pastorale Monika Schmid et l’évêque de Coire, Mgr Joseph Bonnemain, à propos de la concélébration de l’eucharistie. Il met en garde contre une «confrontation toxique». Il ne signera pas la pétition de soutien à la théologienne zurichoise.
Raphaël Rauch kath.ch/ traduction adaptation Maurice Page
Vous regardez avec inquiétude la querelle entre Monika Schmid et l’évêque se Coire, Mgr Joseph Bonnemain. Pourquoi?
Je mets en garde contre le risque de retomber dans les vieux schémas de confrontation toxique. Nous entrons dans une spirale d’échanges de coups où nous finissons par produire de la frustration sans rien gagner. Malgré toute ma sympathie pour Monika Schmid, je ne signerai pas non plus la pétition de solidarité.
«Je mets en garde contre la tentation de retomber dans les vieux schémas de confrontation toxique»
Pourquoi ne pas le faire?
Elle entre dans l’ancien schéma et met l’évêque Joseph Bonnemain sur la défensive. Elle met l’accent sur ce qui sépare et non sur ce qui unit. Si nous nous mettions tous autour d’une table, nous irions plus loin que les pétitions et les enquêtes canoniques préliminaires. Les points de convergence de Monika Schmid et de l’évêque Bonnemain sont bien plus importants que ce qui les sépare. Tous deux veulent une liturgie vivante et que les gens soient enthousiasmés par l’Évangile. C’est ce qui compte. Tous deux peuvent apprendre les uns des autres.
L’évêque de Coire a annoncé par voie de communiqué une enquête canonique préliminaire. Êtes-vous déçu de cette attitude?
Non, il ne pouvait pas faire autrement. Il a fait ce qu’il fallait faire du point de vue du droit canonique en vigueur. Le pape François nous enseigne pourtant d’autres voies: il est important d’écouter, d’aller vers l’autre, de vouloir se comprendre – pour ensuite chercher des solutions ensemble. Cette approche doit encore trouver sa place dans le droit canonique.
«Mgr Bonnemain a fait ce qu’il fallait faire du point de vue du droit canonique en vigueur»
Un évêque voit forcément rouge lorsqu’une femme participe à prière eucharistique?
Il ne s’agit pas seulement de la participation à la prière eucharistique, mais aussi de l’organisation de la célébration. Celle-ci a une forme qui doit être conçue et préservée non pas pour elle-même, mais pour son contenu. Elle ne peut pas être modifiée à volonté. La forme doit être développée en commun, si l’on ne veut pas tomber dans le laisser-faire.
Un culte librement formulé peut être aussi vide qu’un culte qui s’en tient scrupuleusement à tout. Ce qui compte, c’est la spiritualité profonde qui permet d’expérimenter le mystère de la foi. Je suis allé plusieurs fois à Effretikon (ZH) et j’ai vécu des célébrations comme je n’en vois dans aucune autre paroisse.
Qu’est-ce qui rend Effretikon si particulier?
Un exemple: Lorsque je dis en tant que prêtre «Prions» et que je laisse de l’espace pour la prière personnelle, je ressens souvent différentes réactions: un silence gêné, de l’agitation, des attaques de toux. A Effretikon, j’ai toujours ressenti un silence intense et plein. On remarque tout de suite que les gens prient vraiment ici. Ils ont le sens de la liturgie, ils la célèbrent.
Est-ce qu’un laïc ou une laïque a déjà concélébré chez vous?
Oui, dans chaque célébration eucharistique. Le théologien et auteur Erwin Koller a merveilleusement mis le doigt sur cet aspect dans sa lettre ouverte. Il cite le dominicain Jean-Marie Tillard: «Tota communio concelebrat. – Toute la communauté concélèbre». Nous sommes donc tous concélébrants et concélébrantes! Le terme encore courant pour désigner l’action du prêtre ne prend pas en compte la réalité de la célébration, redécouverte au Concile Vatican II.
Vous vous dérobez! Vous est-il arrivé qu’un laïc ou une laïque participe aux paroles de l’institution de l’eucharistie?
Non, cela ne serait pas cohérent pour moi. La liturgie est composée de différentes parties et de différents rôles. Je n’ai jamais eu de problème avec Monika Schmid à ce sujet. Nous avons discuté de nos célébrations à l’avance et nous étions d’accord: cela doit nous convenir à tous les deux.
Pourquoi cela ne serait-il pas cohérent?
A la messe, il ne s’agit pas d’activisme. Les différentes tâches doivent être respectées. Mais cela implique aussi que si quelqu’un assume la direction de la paroisse, il est évident pour moi qu’il ou elle doit aussi être consacré-e. On ne peut pas confier une tâche sans transmettre les compétences nécessaires.
«A la messe, il ne s’agit pas d’activisme.»
Vous êtes bénédictin. A Einsiedeln, la liturgie s’en tient sagement au missel.
Je n’ai jamais ressenti la liturgie comme un corset. Mais la liturgie est bien plus que le respect des prescriptions. La célébration selon le missel peut être aussi vide qu’une célébration sans missel, vide de profondeur et d’expérience de la présence de Dieu.
Le document final du processus synodal suisse, invite à revoir le langage et les formes de la liturgie qui doivent être adaptés aux contextes culturels et sa beauté et sa richesse doivent être promues de manière plus consciente et culturellement appropriée. En ce sens pourriez-vous dire que Monika Schmid est en avance sur son temps?
Oui! Je dis cela en référence à mes expériences à Effretikon, pas par rapport à la célébration de la fin du mois d’août. Je vis dans le Vorarlberg depuis 2020 et j’ai découvert dans le diocèse de Feldkirch quelque chose de passionnant qui pourrait également être fructueux pour la Suisse: Les projets pilotes. L’évêque permet à certaines paroisses d’expérimenter quelque chose. Et il les accompagne. Cela crée des espaces de liberté, sans que l’on dise tout de suite: c’est un précédent – ce qu’ils peuvent faire, nous pouvons le faire aussi. Je souhaiterais que de tels projets pilotes voient le jour en Suisse également. (cath.ch/kath.ch/rr/mp)
Le bénédictin Martin Werlen a été abbé du monastère d’Einsiedeln de 2001 à 2013. Depuis 2020, il est à la tête de la prévôté de St. Gerold dans le Grosse Walsertal au Vorarlberg. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les réformes de l’Eglise.
Rédaction
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