Andrea Krogmann, Katholische Nachrichtenagentur (KNA)
Aussi longtemps qu’Eliora Peretz se souvienne, elle s’est toujours posée de telles questions: pourquoi consomme-t-on le corps de Jésus lors de la communion? Pourquoi le fait d’allumer une bougie permet-il d’entrer en contact avec un saint?
Cette fille d’une Suissesse protestante et d’un Français catholique n’a pas obtenu les réponses qu’elle attendait. «J’ai vécu un long désert spirituel et silencieux», se souvient-elle en évoquant cette souffrance de son enfance. Ce n’est que lorsqu’elle a oeuvré en tant que jeune fille au pair dans une famille juive de Londres que le déclic s’est produit. Ce fut une des étapes sur le chemin d’Eliora Peretz vers la foi juive.
Début septembre, la quadragénaire fête son ordination en tant que rabbine orthodoxe. «Dès l’âge de huit ou neuf ans, j’ai été agitée par des questions spirituelles très fortes», se souvient-elle. «L’éducation catholique classique» reçue dans son enfance et son adolescence ne l’a guère aidée. «J’avais l’impression de faire partie d’un groupe mais de ne pas en accepter les codes. Je copiais les gestes sans en comprendre la signification». Eliora Peretz a prié pour obtenir des réponses, toujours dans la crainte de «faire des erreurs vis-à-vis de Dieu».
Des cours particuliers d’anglais dispensés par une enseignante juive lui ont permis d’avoir un premier contact avec le judaïsme, et l’année passée à Londres lui a apporté la libération. «Toutes les questions que je posais trouvaient une réponse. On sait ce que l’on fait, pourquoi on le fait, et on en parle en famille».
La religion et la vie de famille, mêlées à l’épanouissement individuel, constituaient une formule séduisante. C’est ainsi que l’étudiante en sciences de la communication à la Sorbonne a passé une année d’échange à l’Université hébraïque de Jérusalem dans le cadre de sa thèse. Une étape qu’Eliora Peretz décrit aujourd’hui comme un tournant.
À Jérusalem, elle a fait la connaissance de juifs du monde entier et d’une grande diversité de pratiques juives. Le judaïsme était devenu une évidence, la décision de se convertir a finalement été prise. «C’était comme si la jeune fille de neuf ans avait enfin obtenu ses réponses. C’est le sentiment de ne pas avoir été oubliée dans les vagues de la vie». Les souvenirs de la lutte de son enfance lui font monter les larmes aux yeux.
Avec les réponses, sont venues de nouvelles questions: «Comment me convertir, par où commencer et quel courant du judaïsme choisir?» Plusieurs fois, elle a été éconduite, dit Peretz, un sourire sous son large chapeau de paille. «Cela fait partie du jeu, Ruth aussi dans la Bible a été renvoyée plusieurs fois». Eliora Peretz opte pour le judaïsme orthodoxe, la branche stricte de cette religion. En 2009, trois ans après la décision de se convertir, elle devient juive à New York, puis en 2013, effectue une deuxième conversion religieuse en Israël, afin d’y être également reconnue comme juive selon le droit religieux.
Selon la rabbine, sa relation avec Dieu n’a pas changé suite à sa conversion. «Dès mon plus jeune âge, j’étais consciente qu’il n’y a qu’un seul Dieu, omniprésent, omnipotent et omniscient. Cette idée est le fil conducteur de mes décisions et de ce que je suis devenue».
Eliora Peretz enseigne aujourd’hui à l’Université hébraïque de Jérusalem. Le rôle des médias dans les négociations de paix et la justice transitionnelle est son domaine d’expertise. Mais même après avoir intégré le judaïsme, il était clair pour elle qu’il ne s’agissait pas de la fin de son questionnement.
La place centrale de l’interrogation est l’une des choses qu’elle apprécie particulièrement dans le judaïsme. «Je voulais continuer à apprendre. J’ai compris qu’il n’y avait pas d’autre choix que d’aller à l’école rabbinique».
Son parcours est inhabituel: «Les femmes rabbins orthodoxes sont peu nombreuses dans le monde, et encore moins en Israël. Dans cinq ans, nous serons cinq Françaises ordonnées». Elle souhaite consacrer son rabbinat en premier lieu aux femmes et aux jeunes filles, à tous les sujets sur lesquels il existe certes beaucoup de littérature rabbinique, mais jusqu’à présent peu de personnes à qui elles ont pu en parler. «Je me suis spécialisée dans tout ce qui a trait aux lois du deuil, mais en l’adaptant aux femmes: l’avortement, les enfants mort-nés, les fausses couches».
Le texte talmudique, dit-elle, est le même depuis 2000 ans. «Mais en tant que femme, je le lis différemment». Si les femmes acquièrent des connaissances spécialisées sur le droit religieux juif, cela entraînera des changements, elle en est convaincue. «Les femmes veulent savoir et apprendre». Ce mouvement est aujourd’hui perceptible dans toutes les religions, dit-elle. «L’étude des textes est une rencontre fascinante avec le divin. C’est cet amour et cette joie que je veux transmettre». (cath.ch/kna/akr/rz)
Rédaction
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