«A vrai dire, on n’est pas très au clair sur les croyances de Schubert», explique Pascal Mayer, directeur du chœur Pro Arte de Lausanne et une des chevilles ouvrières de la Schubertiade d’Espace 2. «Il a écrit plusieurs messes fantastiques, mais on ignore sa foi. On peut remarquer qu’il a éludé quelques fois des parties de texte. Peut-être est-ce un signe de doute?»
La Deutsche Messe (Messe allemande, de son vrai titre: Gesänge zur Feier des heiligen Opfers der Messe¨, «Chants pour la célébration du Saint Sacrifice de la Messe», est composée à Vienne en 1826.
L’œuvre est une commande de Johann Philipp Neumann professeur de physique à l’université de Vienne qui en compose les textes. Il prévoit de faire chanter la messe par les étudiants pour une manifestation universitaire.
Elle reçoit le nom de Deutsche Messe car elle est chantée en allemand et non en latin de la musique liturgique catholique. Le fait de ne pas avoir utilisé le latin, l’interprétation très libre et romantique du texte liturgique aboutirent tout d’abord au rejet de l’œuvre par l’archidiocèse de Vienne. Ce qui fait qu’elle ne fut pas créée du vivant de Schubert, mort en 1828 à l’âge de 31 ans.
La messe allemande finit cependant par acquérir une grande popularité notamment par la diffusion de la messe en langue allemande, dans la première moitié du XXe siècle. «Elle est encore très souvent chantée dans les pays germaniques, notamment pour les célébrations des funérailles où ses paroles sur la confiance et le repos en Dieu conviennent très bien», complète Pascal Mayer.
La Messe allemande est basée sur une écriture mélodique simple et accrocheuse, et un rythme uniforme. En évitant les complications, Schubert la rend facile à chanter par tout le monde. Les huit pièces, structurées en strophes, rappellent la déclamation des chants populaires.
La Schubertiade est née à l’initiative d’André Charlet, animateur à la Radio suisse romande à Lausanne et chef de chœurs. A l’occasion du 150e anniversaire de la mort de Schubert, en 1978, l’homme de radio avait exprimé sa profonde émotion face au génie et à la mort précoce du compositeur. Il imagina alors la création de la Schubertiade, un festival sur le modèle de ce que faisait Schubert qui se réunissait avec des amis pour faire de la musique et discuter. «A l’époque du chancelier Metternich, la surveillance de la police et la censure était très stricte, rappelle Pascal Mayer. Raison pour laquelle ces réunions avaient lieu en plein air et à la campagne».
La première Schubertiade a lieu le 9 juillet 1978 dans le petit village de Champvent, près d’Yverdon (VD). Une seule journée avec beaucoup d’interprètes émergents en Suisse romande – tous des amis, sur une colline, au pied d’un château. André Charlet avait tenu par conviction que ce dimanche commence par la transmission radiodiffusée de la messe et du culte protestant, sur un podium à l’abri d’une forte pluie. La journée allait, en s’illuminant, se poursuivre jusqu’aux accents magiques de la Belle meunière dans la cour du château.
«André Charlet qui en avait fait la publicité sur les ondes attendait quelques centaines de personnes. Il en vint 5’000», se souvient Pascal Mayer. Dès cette première édition la messe allemande est au programme du dimanche matin.
Mais il faudra attendre la 6e édition, en 1988 à Bulle, pour que la messe allemande devienne un chant de foule. «Les Gruériens dirent à André Charlet: ›Ici on aime chanter pourquoi ne pas le faire tous ensemble?’ Ce qui rejoignait parfaitement l’intention de Schubert», relève Pascal Mayer. «Depuis la messe allemande est comme le point d’orgue de la manifestation. C’est un moment de communion intense qui rassemble les artistes et les amateurs. Chacun peut y trouver dans la musique et dans les textes ce qui lui convient. Pour moi le ›Heilig, heilig, heilig’ (sanctus) très intérieur est la plus belle pièce de la messe allemande», conclut le chef de choeur. Qui invite tout le monde à se réunir dimanche à 10h30 dans la cour du Collège St-Michel, à Fribourg d’abord pour une répétition puis pour l’exécution à 12h. (cath.ch/mp)
Dans toute la Suisse romande
Depuis 1978, la Schubertiade a voyagé dans tous les cantons de Suisse romande et développé des projets qui dépassent le cadre du concert classique traditionnel. La démarche initiale de partager la musique avec un très large public n’a pas changé. Soutenue par une Association des Amis de la Schubertiade (AAS), qui aide à son financement et à son rayonnement, la manifestation est organisée par la Radio Télévision Suisse, qui crée un partenariat étroit avec la ville d’accueil, totalement impliquée dans l’organisation.
De ville en ville, généralement tous les deux ans, la Schubertiade, largement relayée par la chaîne musicale d’Espace 2, et parfois par les chaînes d’autres régions du pays, transforme durant un week-end une ville d’un canton romand en capitale musicale. Après un intervalle de 5 ans dû à deux renvois à cause de la crise sanitaire du covid, la Schubertiade revient les 3 et 4 septembre 2022 à Fribourg où elle s’était déjà déroulée une première fois en 2007. MP
Un écrit original
La messe allemande n’est pas une traduction des textes latin, mais un écrit original de Johann Philipp Neumann. Les textes mêlent des chants à la gloire de Dieu et ceux qui parlent de l’homme et de ses inquiétudes sur la Terre.
Maurice Page
Portail catholique suisse
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