Le Pape François vient de publier une exhortation apostolique sur l’évangélisation. L’économiste que je suis a concentré son attention sur le chapitre 4 portant sur la dimension sociale. Se fondant sur la doctrine sociale de l’Eglise, le Pape met en avant quatre principes d’action. Leur intérêt m’a frappé et je veux souligner pourquoi tout économiste chrétien devrait les inscrire en haut de son agenda.
En premier lieu «le temps est supérieur à l’espace». Le Pape écrit que donner la priorité au temps c’est initier des processus plutôt que de posséder des espaces. Dans mon métier de professeur j’ai pu mesurer l’importance d’initier des chemins, d’ouvrir des voies pour les jeunes qui ont besoin de se construire. A ce niveau il faut donner du temps au temps et être patient. Les fruits ne se récoltent qu’à long terme. Une thèse c’est cinq ans de travail comme un bon livre. Or nos universités donnent aujourd’hui la priorité à la publication d’articles qui font les (bonnes) affaires des revues scientifiques mais ne permettent pas à la réflexion de s’approfondir et de mûrir. Ce court-termisme est nocif pour la pensée scientifique particulièrement en science sociale.
En second lieu « l’unité prévaut sur le conflit». La paix sociale repose sur l’acceptation des conflits et la forte volonté de les résoudre. Ceci est vrai au niveau collectif (cf. la fameuse paix du travail suisse qui a contribué à la prospérité de tous) et au niveau personnel. En matière économique il ne faut pas simplement faire confiance aux initiatives individuelles. Il faut construire des médiations capables de fédérer ces initiatives.
«La réalité est plus importante que l’idée». On touche ici à une des principales faiblesses de la pensée économique contemporaine. Les économistes construisent des modèles sans se donner suffisamment la peine d’observer la réalité et de faire un travail de terrain. La révolution numérique est sur ce plan une plaie. Elle permet à tout chercheur de brasser des milliers de données en chambre grâce à son ordinateur portable. Or une des principales qualités d’un bon scientifique est sa capacité d’observation et sa faculté de se laisser remettre en cause par le réel. Le principe du Pape François devrait être inscrit en lettres d’or dans les halls de nos facultés.
Enfin «le tout est supérieur à la partie». Il existe certes toujours une tension entre globalisation et localisation. Nous sommes enracinés dans un territoire et citoyens du monde. Mais cette tension doit être surmontée en élargissant notre horizon, en regardant plus loin que nos simples intérêts particuliers. Notre définition de catholique nous invite à ouvrir nos fenêtres et nos portes comme le font si bien certains chrétiens avec «les fenêtres de l’Avent».
A vous tous, chers lectrices et lecteurs, je souhaite une fête de Noël marquée par la joie et l’espérance.
Jean-Jacques Friboulet
Portail catholique suisse
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