D’ailleurs, quand le pape François a dévoilé sa liste des nouveaux cardinaux, en marge de l’Angélus du 29 mai, beaucoup s’attendaient à ce qu’il redonne enfin un cardinal à l’un des archevêques en poste dans ces diocèses. Tel ne fut pas le cas, le pape confortant ainsi l’effacement progressif sous son pontificat de la notion de siège cardinalice.
Sans doute faut-il y voir aussi la volonté du pontife argentin de choisir – même en Italie – des diocèses considérés comme des périphéries pour composer le Sacré Collège. Ce n’est d’ailleurs pas une première depuis 2013 : François a par exemple donné un cardinal aux diocèses de L’Aquila (2018), d’Agrigente (2015) ou encore d’Ancône (2015).
Mais la nomination de Mgr Oscar Cantoni, 71 ans, ne tient pas au hasard non plus. C’est peut-être pour consoler un diocèse éprouvé par la mort récente en martyr d’un prêtre et encourager un évêque qui « sent l’odeur de son troupeau » que le pape François l’a choisi.
Né en 1950 dans la province italienne de Côme, au nord de Milan, Oscar Cantoni a été ordonné prêtre en 1975 pour son diocèse. Fondateur puis directeur du centre pour les vocations et professeur d’éducation religieuse dans les écoles secondaires de la région, il contribue notamment à la naissance et au développement de l’Ordo Virginum, une association de vierges consacrées. En 1990, il devient directeur spirituel au séminaire diocésain et s’y consacre pendant 15 ans – il connaît de ce fait une très large partie de son clergé actuel. Vicaire épiscopal du diocèse de Côme durant deux ans, il est nommé en 2005 évêque de Crema, au sud de Milan. En 2016, le pape François lui demande finalement de revenir prendre les rênes de son diocèse d’origine.
Homme de terrain, à l’initiative de multiples projets de charité, l’évêque poursuit la dynamique missionnaire enclenchée des années plus tôt auprès des jeunes notamment et des plus démunis. En 2020, un de ses prêtres, le père Roberto Malgesini, est assassiné par une personne de la rue dont il prenait soin. La mort de ce pasteur de 51 ans ébranle toute l’Italie, et le pape François s’en émeut lors d’une audience générale. « Rendons grâce à Dieu pour le témoignage, le martyre, de ce témoin de la charité envers les plus pauvres », confie-t-il, réclamant un temps de silence pour le défunt et « pour tous les prêtres, religieuses, laïcs, qui travaillent avec les personnes dans le besoin, en marge de la société ».
Revenant quelques jours plus tard sur la figure de ce prêtre, le pape François salue un homme qui « n’a pas fait de théorie » et qui « a simplement vu Jésus dans les pauvres et le sens de la vie dans le service ». Mgr Oscar Cantoni, lui aussi bouleversé par le drame de ce prêtre dont il était proche, est reçu par le pape avec la famille du défunt. « Nous avons vécu un moment de tendresse durant lequel le pape François nous a réconfortés », racontera-t-il alors.
Au lendemain de l’annonce de son cardinalat, il confie à Vatican News au sujet du Père Malgesini : « Je le sens très proche parce que j’étais très proche de lui, je sens sa protection et je crois que du Ciel il me bénit et aussi le ministère qui m’attend, mais il bénit aussi tous les membres de cette communauté diocésaine. »
Certains médias italiens ont par ailleurs mis en avant le fait que le diocèse de Côme n’en est pas à son premier martyr, et que le pape François avait peut-être tenu à rendre hommage à cette terre d’Italie meurtrie. Au tournant des années 2000, deux autres religieux ont, avant le Père Malgesini , perdu la vie dans des circonstances tragiques. Ce fut le cas de Don Renzo, abattu sur la porte de la maison paroissiale par un jeune homme d’une trentaine d’années à la recherche d’argent en 1999.
Ce fut aussi le cas de la désormais bienheureuse Maria Laura Mainetti. En l’an 2000 cette religieuse est assassinée par trois jeunes filles se réclamant de Satan. Mortellement blessée, la religieuse italienne a juste eu le temps de demander à Dieu de pardonner à ses meurtrières.
Autant de drames qui ont amené le journaliste italien Nello Scavo à tirer cette conclusion en apprenant l’élévation de Mgr Cantoni au cardinalat : « Presque aucun diocèse italien et européen n’a connu un nombre aussi élevé de martyrs, de bienheureux et de saints au cours des trente dernières années. Religieux et prêtres tués dans leurs communautés pour leur témoignage concret de foi. D’autres se sont élevés aux honneurs des autels pour leur héritage spirituel […] Oscar Cantoni est le fils et le pasteur de cette Église. Et quiconque l’a vu et entendu au temps du martyre de Don Roberto Malgesini sait que le sens de la « pourpre » a longtemps été la clé de sa mission d’évêque ».
Le nom de Mgr Cantoni a ressurgi récemment dans deux affaires de justice qui ont secoué le Vatican. La première concerne celle du petit séminaire saint Pie X, qui se situait jusqu’en 2021 dans l’enceinte du Vatican mais dont la structure était déjà gérée par le diocèse de Côme. Dans ce procès, conclu à l’automne 2021 par un acquittement, l’un des deux prévenus, provenant du diocèse de Côme et séminariste au moment des faits, était accusé d’avoir abusé sexuellement un de ses camarades de séminaire dans les années 2010. Devant le tribunal du Vatican, Mgr Cantoni a dû s’expliquer sur la gestion de ce séminariste qu’il a ordonné prêtre en 2017 avant de prendre des mesures disciplinaires à son encontre après la diffusion d’une enquête journalistique la même année.
L’autre affaire est celle du procès tentaculaire de l’immeuble de Londres dans lequel le cardinal Angelo Becciu comparaît aux côtés de neuf autres accusés. L’ancien substitut de la Secrétairerie d’État y est inculpé pour détournement de fonds, abus de pouvoir en bande organisée et subornation de témoin. Sur ce dernier point, la personne sur laquelle le cardinal sarde aurait tenté de faire pression n’est autre que l’évêque de Côme. Le cardinal Becciu lui aurait demandé de pousser un prêtre incardiné dans son diocèse – Mgr Perlasca, responsable du bureau administratif de la Première section de la Secrétairerie d’État entre 2009 et 2019 – à retirer les accusations le visant. Une thèse que dément formellement l’ancien «numéro 3» du Saint-Siège qui, lors d’une audience en mai dernier, a trouvé cette accusation « particulièrement douloureuse ». Sur ce dossier, la justice vaticane n’a pas encore tranché. (cath.ch/imedia/hl/mp)
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