Wolfgang Holz kath.ch / traduction et adaptation Maurice Page
Les activistes musicales punk russes des Pussy Riot sont combatives et intrépides. En même temps, elles font preuve d’humour et de sérénité. Elles l’ont récemment démontré lors d’une soirée spectacle et débat à Zurich.
Six mois après l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie, les participants étaient avides d’informations directes sur la manière dont les Russes, et en particulier les opposants au système, perçoivent la catastrophe de la guerre.
«Est-il vrai que vous vous êtes déguisée pour fuir la Russie?» demande d’emblée un spectateur. «C’est la question standard qu’on me pose en ce moment», sourit Marija Vladimirovna Aljochina.
A nouveau assignée à résidence en raison de ses activités anti-Poutine, elle devait être envoyée dans un camp pénitentiaire. Déguisée avec un uniforme à capuche vert vif de livreuse de fast-food, elle a réussi en mai dernier une évasion sensationnelle à l’étranger – au cours d’une odyssée à travers la Biélorussie, la Lituanie et jusqu’en Islande. Une histoire qu’elle a raconté ensuite au New York Times.
Dans un mélange d’humour noir et de sérénité, mais avec une grande acuité d’analyse, la membre des Pussy Riot répond aux questions des visiteurs en faisant défiler la terreur poutinienne devant l’œil de l’assistance.
«J’admire votre courage», a lancé spontanément une autre personne à la jeune femme de 34 ans, lorsqu’elle a raconté son séjour de deux ans dans un camp pénitentiaire. C’est à ce nouveau «goulag» d’origine poutinienne qu’elle et sa camarade des Pussy Riot, Nadejda Tolokonnikova, ont été condamnées pour «hooliganisme», après la légendaire ›prière punk’ du groupe de musique en 2012 dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou.
«Un goulag avec de la poudre à lessive et du chocolat… si on a l’argent pour ça», a nuancé en souriant Marija, les camps ne sont plus ceux de l’époque de Soljenitsyne. En coulisses, le personnel de garde lui a fait part de sa sympathie pour la résistance sociale.
«Que pouvons-nous faire ici pour changer les conditions en Russie?», interroge un autre spectateur? La réponse fuse: «Défendez-vous. Vous ne devez plus acheter de pétrole et de gaz russes, alors la guerre en Ukraine ne pourra plus continuer». Les élites russes, «qui aiment la Suisse» où elles achètent des maisons et des yachts et envoient leurs enfants dans des écoles privées coûteuses, manqueraient alors également d’argent.
«Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de révolution populaire de Maïdan en Russie comme en Ukraine?» «L’Ukraine est depuis longtemps un pays beaucoup plus libre que la Russie, où l’opposition est brutalement réprimée. Hashtag ›Navalny’. Celui qui prononce le mot ›guerre’ risque d’être jeté en prison», affirme Aljochina. La guerre n’est pas non plus populaire en Russie. La population est mal orientée et intimidée par la propagande. Les femmes sont fondamentalement opprimées. «Poutine est un sexiste. La violence contre les femmes dans la sphère domestique n’est pas punie par le droit pénal».
«Et qu’en est-il de la religion?» L’activiste punk ne mâche pas ses mots. «Le patriarche Cyrille est un ancien agent du KGB». Poutine usurpe l’Eglise orthodoxe russe pour légitimer la répression étatique. «Mais il y a aussi des prêtres courageux qui ont offert leur église comme protection aux persécutés politiques», apprécie Aljochina. Pourtant, la religion en Russie a elle-même connu une période difficile de répression, en raison de sa longue interdiction à l’époque soviétique. «Il pouvait arriver à l’époque que quelqu’un soit emprisonné simplement parce qu’il fêtait Noël». Elle-même se considère comme croyante. «Je crois en Dieu – même si je ne crois pas à la religion du système de pouvoir russe».
Sans faire partie de l’industrie musicale, la formation féministe des Pussy Riot s’est imposée dans la conscience collective européenne depuis la Russie grâce à des performances retentissantes, un courage politique et une détermination maximale. Fondées pour protester contre le gouvernement de Poutine, les membres des Pussy Riot, qui se présentent souvent masquées, ont fait sortir le punk rock de son insignifiance politique.
Le groupe l’a démontré une nouvelle fois lors de son spectacle zurichois au son de slogans comme «Fuck Putin», une activiste a même uriné sur un tableau du président russe. Leur tournée ne sert pas seulement à protester contre Poutine, mais aussi à soutenir financièrement le plus grand hôpital pour enfants d’Ukraine, Ohmatdyt, à Kiev. (cath-ch/kath.ch/wh/mp)
Rédaction
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