Le pape François souligne dans son message que le Motu Proprio de Paul VI, publié «dans le contexte fécond, mais non exempt de tensions, qui avait suivi le Concile Vatican II», peut avoir «la force d’inspirer d’ultérieurs développements». Le pape avait modifié, avec le Motu Proprio Spiritus Domini du 10 janvier 2021, le canon 230-1 du Code de droit canonique, afin de permettre «l’accès des personnes de sexe féminin au ministère institué du Lectorat et de l’Acolytat», qui jusqu’à alors s’appliquait automatiquement à des séminaristes en chemin vers le sacerdoce. Puis il avait institué le ministère de catéchiste avec le Motu Proprio Antiquum ministerium, du 10 mai 2021.
Le pape François présente ce thème comme étant d’une «importance fondamentale pour la vie de l’Église», car «il n’existe pas de communauté chrétienne qui n’exprime pas de ministère». «Chaque ministère est un appel de Dieu pour le bien de la communauté», explique l’évêque de Rome en s’appuyant sur la Lettre de saint Paul aux Corinthiens et sur les récits des Actes des Apôtres, démontrant que, dès les origines du christianisme, l’articulation des ministères se présente sous une forme «dynamique, vivace, flexible comme l’action de l’Esprit».
Semblant évoquer certaines revendications du Chemin synodal allemand, mais sans le pointer explicitement, le pape François souligne toutefois que le discernement sur les structures ministérielles doit «s’enraciner toujours plus profondément pour ne pas risquer que la dynamique devienne confusion, que la vivacité se réduise à de l’improvisation intempestive, que la flexibilité se transforme en adaptations arbitraires et idéologiques».
La difficulté de définir le périmètre d’action des ›assistants pastoraux’ fut une pomme de discorde entre Rome et certains épiscopats après le Concile Vatican II, notamment en Suisse, en Allemagne et aux Pays-Bas, où l’essence du sacerdoce presbytéral s’est parfois trouvée remise en question.
Le pape François juge néanmoins encore pertinente la possibilité laissée par Paul VI aux conférences épiscopales de «demander au Siège apostolique l’institution de ces ministères retenus comme nécessaires ou très utiles dans leurs régions», une faculté mentionnée dans le rite d’ordination des évêques.
Le pape François souligne notamment «la complémentarité du sacerdoce commun et du sacerdoce ministériel» et la nécessité d’une «visibilité liturgique» des ministères, afin de se situer dans «l’ecclésiologie du Concile Vatican II». Il invite à expérimenter différentes formes ministérielles en espérant que certaines expériences puissent parvenir à maturité, en soulignant, comme il fait souvent, que «la réalité est supérieure à l’idée» et que «le temps est supérieur à l’espace»: autrement dit, selon la pensée du pape François, il n’est pas nécessaire d’attendre que tous les aspects des ministères soient totalement définis pour ouvrir la voie à «l’action de l’Esprit du Seigneur».
«L’obsession des résultats immédiats risquerait de cristalliser les processus et, parfois, de prétendre les arrêter», s’inquiète le pape François. Dans «le climat du chemin synodal» vécu actuellement au niveau mondial, le pape appelle de ses vœux un «dialogue sur ce thème avec les conférences épiscopales» afin de revenir sur les expériences vécues depuis 50 ans.
Cette proposition de dialogue, «selon des modalités qui seront définies» écrit le pape sans en dire plus, peut apparaître comme une réponse à certaines revendications exprimées lors du Chemin synodal allemand. Ce message du pape se situe aussi dans la filiation du Synode sur l’Amazonie, durant lequel l’idée de ministères spécifiques pour les peuples de cette région avait été abordée.
Plus que sur l’ordination d’hommes mariés, c’est sur la diversité des ministères laïcs que le pape ouvre la voie à des évolutions et à des expérimentations, dans la filiation de Paul VI, et alors que Jean-Paul II et Benoît XVI s’étaient montrés plus réservés.
Dans son exhortation Christifideles laici (1988), qui faisait suite au Synode de 1987 sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Église, Jean-Paul II avait mis en garde contre l’usage indiscriminé du terme de «ministère», pointant le risque de confusion et de nivellement entre sacerdoce commun et sacerdoce ministériel, ou encore la tendance à la cléricalisation des laïcs. Il avait annoncé la création d’une commission spéciale afin «d’étudier, de manière approfondie, les divers problèmes théologiques liturgiques, juridiques et pastoraux soulevés par l’abondante floraison actuelle des ministères confiés aux fidèles laïcs». Cette commission n’a jamais publié de résultat.
Relativement discret sur le sujet des ministères institués, Benoît XVI avait pour sa part souligné, dans un message adressé au Forum international d’Action catholique en 2012, l’importance d’une «communauté vivante, ministérielle et missionnaire», invitant les fidèles laïcs à exercer leur «contribution spécifique à la mission ecclésiale, dans le respect des ministères et des tâches que chacun a dans la vie de l’Église et toujours en communion cordiale avec les évêques».
Marqué par l’expérience de l’Amérique latine, le pape François ouvre la voie à d’autres impulsions, mais il est probable que certains épiscopats demeurent en retrait, comme ils le sont sur la question du diaconat permanent, un ordre peu connu dans certains pays notamment en Afrique, alors que les diacres sont des acteurs essentiels de la vie de l’Église dans d’autres territoires, comme au Mexique ou en France. Les épiscopats locaux évolueront donc sur cette question des ministères laïcs selon des rythmes probablement très variables. (cath.ch/imedia/cv/bh)
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