Cette disposition clarifie une mesure édictée par la Constitution apostolique Praedicate Evangelium entrée en vigueur le 5 juin 2022. Ce court décret en cinq articles, publié par le Bureau de presse du Saint-Siège au lendemain d’une audience accordée par le pape au cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, est présenté comme une «Instruction sur l’administration et la gestion des activités financières et de la liquidité du Saint-Siège et des institutions reliées à celui-ci». Il confirme l’annonce effectuée le 19 juillet 2022 lors de la création du Comité pour les investissements, mis en place sous la supervision du Secrétariat pour l’Économie.
La création de cette instance s’était accompagnée de la publication d’un document fixant des règles précises pour les investissements menés par le Saint-Siège, notamment la conformité à la doctrine sociale de l’Église et la visée «productive» et non «spéculative» des titres sur lesquels les institutions sont autorisées à investir.
Le pape précise dans son rescrit que l’article 219-3 de la Constitution apostolique Praedicate Evangelium »doit s’interpréter dans le sens que l’activité de gestion patrimoniale et dépositaire du patrimoine mobilier du Saint-Siège et des institutions reliées au Saint-Siège revient en voie exclusive à l’Institut pour les Œuvres de Religion».
Il fixe à la fin du mois de septembre 2022 le délai de mise en œuvre des transferts de fonds nécessaires pour la mise en application de ce rescrit. «Le Saint-Siège et les Institutions reliées au Saint-Siège qui soient titulaires d’activités financières et de liquidités auprès d’institutions financières différentes de l’IOR, de quelque forme que celles-ci soient détenues, doivent informer l’IOR et les y transférer dès que possible, d’ici à 30 jours après le 1er septembre 2022».
Parmi les «institutions reliées au Saint-Siège» figurent des structures très diverses, comme les fonds de pension des employés du Vatican, le Fonds d’assistance sanitaire ou encore les basiliques majeures de Rome : outre la basilique Saint-Pierre, il s’agit des basiliques Saint-Jean-de-Latran, Saint-Paul-hors-les-Murs et Sainte-Marie-Majeure. Cette dernière basilique, que le pape François a visité une centaine de fois pour y vénérer l’icône de Marie Salus Populi Romani, a fait l’objet en décembre 2021 d’une mise sous tutelle en raison de problèmes économiques.
Le pape avait alors nommé un prélat lituanien de la Secrétairerie d’État, Mgr Rolandas Makrickas, comme commissaire extraordinaire pour gérer les biens économiques du Chapitre de la basilique papale, mise en difficulté par la forte diminution du nombre de pèlerins et de touristes après la pandémie.
Mais cette institution avait aussi été fragilisée par des scandales remontant à plusieurs années. En 2014, un ancien administrateur du Chapitre de Sainte-Marie-Majeure avait été condamné par le tribunal du Vatican, pour des faits remontant à 2008, à quatre ans d’emprisonnement pour fraude et détournement de fonds. Il avait dû aussi payer 250’000 euros au Chapitre. L’exigence de centraliser les fonds de ces différentes sructures auprès de l’IOR pourrait viser à éviter la répétition de telles dérives.
Contrairement à ce qui est souvent perçu dans la culture commune, l’IOR n’est pas la banque centrale du Vatican mais une banque privée au service des institutions du Saint-Siège. Dans son paragraphe 219, la Constitution Praedicate Evangelium évoque «l’action instrumentale» de l’Institut pour les Œuvres de Religion pour «l’exécution des opérations financières» menées par l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA), défini pour sa part comme «l’organisme titulaire de l’administration et de la gestion du patrimoine immobilier et mobilier du Saint-Siège, destiné à fournir les ressources nécessaires à l’accomplissement des fonctions propres de la Curie romaine pour le bien et au service des Églises particulières».
L’APSA assure donc un rôle de trésorerie et supervise le patrimoine du Saint-Siège, alors que la gestion des flux financiers incombe à l’IOR. Le rescrit met un terme à toute marge d’interprétation et à toute demande d’exemption, alors que le caractère «exclusif» de la gestion des fonds par l’IOR n’était pas clairement exprimé dans le texte de la Constitution.
Ce rescrit du 23 août s’inscrit en outre dans le vaste mouvement de restructuration des finances du Saint-Siège engagé par le pape François depuis le début de son pontificat : le Conseil pour l’économie (2014), le Secrétariat pour l’économie (2014), le Bureau du réviseur général (2015), le Comité pour les matières réservées (2020) et le comité pour les investissements du Saint-Siège (2022). Par ailleurs, la Secrétairerie d’État a perdu le contrôle d’une grande partie de ses fonds.
Les changements opérés depuis 2013 visent une répartition des fonctions plus rationnelle, mais aussi une plus grande transparence et efficacité pour lutter contre la corruption – notamment en modernisant l’attribution des contrats publics en 2020 – et contre le blanchiment d’argent – s’alignant sur ce point sur les normes indiquées par Moneyval, le réseau européen spécialisé dans ces questions qui a effectué plusieurs audits au Vatican ces dernières années. (cath.ch/imedia/cv/mp)
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