Mgr Okpaleke est l’un des 21 prélats que le pape François accueillera au sein du Collège des cardinaux. Il sera le cinquième cardinal de l’histoire du Nigeria qui, avec 217 millions d’habitants, est le pays le plus peuplé d’Afrique.
Un Etat marqué par de profondes dissensions ethnico-religieuses, dont Mgr Okpaleke a fait personnellement la douloureuse expérience. Nommé par le pape Benoît XVI en 2012, à la tête du diocèse d’Ahiara (sud-est), un groupe de prêtres et de laïcs du diocèse l’avaient rejeté parce qu’il venait d’un groupe ethnique différent. Ce qui a conduit à une impasse de plusieurs années l’empêchant d’exercer sa fonction. Il a finalement été installé en 2019 comme évêque du nouveau diocèse d’Ekwulobia, après avoir renoncé à prendre la tête de celui d’Ahiara en 2018.
Son élévation au cardinalat par le pape François a été vue comme une forme de soutien face aux antagonismes ethniques, notamment en Afrique. Des «questions brûlantes» qui «différent naturellement» des celles qui peuvent agiter d’autres clergés dans le monde, en particulier en Occident, note Mgr Okpaleke dans une interview avec le média catholique américain Crux. Il va jusqu’à craindre que «si le Nigeria devait basculer», cela mettrait en jeu «la survie du christianisme, la vie et la sécurité de notre peuple ainsi que la stabilité de la sous-région ouest-africaine «.
Le prélat note ainsi l’extension des actions djihadistes. «Pendant de nombreuses années, des groupes fondamentalistes islamistes ont exercé leur influence dans certaines régions du pays. Récemment, ils ont réussi à organiser des attaques majeures près de la capitale nationale, Abuja.» Si l’Etat septentrional de Kaduna est considéré comme l’épicentre de la violence contre les chrétiens, d’importants attentats se sont produits récemment dans d’autres régions du pays. Une fusillade contre une église catholique dans l’Etat d’Ondo, au sud-ouest du Nigeria, a notamment fait 21 victimes, durant la célébration de la Pentecôte, le 5 juin 2022.
Les enlèvements contre rançon n’ont cessé d’augmenter, à tel point que se rendre dans certaines régions du pays ou emprunter certaines autoroutes «relève de la mission suicide», souligne le futur cardinal. «Le traitement disparate des insurgés de Boko Haram et d’autres groupes sécessionnistes donne l’impression d’un complot plus vaste que certains ont qualifié d’agenda d’islamisation», assure-t-il.
Il brandit aussi les spectres de l’inflation galopante, du désengagement des jeunes, et de «l’énorme pouvoir des médias sociaux pour mobiliser les partisans du bien ou du mal». Mgr Okpaleke note la «pression énorme» subie par la famille au Nigeria. «Les parents dépensent beaucoup d’énergie et de temps pour gagner leur vie, au détriment d’une contribution parentale optimale à la formation intégrale de leurs enfants. Certains jeunes échappent à la détresse socio-économique par la toxicomanie.» Leur avenir est en outre compromis par les problèmes récurrents dans le système éducatif et le manque de places de travail.
Même si cela se passe loin de l’Occident, le prélat nigérian rappelle que «les personnes, les choses et les processus sont interconnectés. Ce qui se passe dans une partie de la société ou du monde affecte les autres parties. C’est encore plus vrai en Afrique.» (cath.ch/crux/arch/rz)
Raphaël Zbinden
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