David Meier, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page
Pourquoi vous engagez-vous pour la nouvelle caserne de la Garde suisse?
Doris Leuthard: Lorsque j’étais Conseillère fédérale, je me suis rendu régulièrement à Rome. J’ai pu constater à quel point la Garde suisse pontificale était perçue dans le monde entier et qu’elle jouait ainsi un rôle important pour la Suisse. J’ai été fascinée en outre par le fait que des jeunes s’engagent en son sein.
Auriez-vous aimé devenir garde suisse?
Je suis déjà trop vieille pour cela (rires). Mais cela devrait être un objectif que la Garde s’ouvre. Aujourd’hui, des femmes sont également engagées dans la police et l’armée.
Pourquoi la Garde suisse est-elle nécessaire?
Tout d’abord, c’est une tâche très importante de protéger le Saint-Père. Mais c’est aussi une longue tradition. Depuis le «Sac de Rome», en 1527, c’est une «dignité et un fardeau». Je trouve cette tradition belle et utile. C’est pourquoi la Garde doit être préservée.
»La Garde suisse est très respectée.»
De quel soutien la Garde suisse bénéficie-t-elle au sein de la population?
Je pense qu’il est vraiment important. Je l’ai vu lors de la collecte de dons. Même des réformés et des non-croyants se sont laissés enthousiasmer par la Garde suisse. La Garde est très respectée. Surtout lorsque les gardes témoignent de leur service.
Dans quelle mesure la Garde représente-t-elle aussi des intérêts suisses?
Ce n’est bien sûr pas sa mission principale. Mais rien que le nom fait connaître la Suisse. Tout le monde le sait: la Garde défend des valeurs suisses telles que la qualité, le professionnalisme et la précision. On peut se fier à la Garde suisse. Le fait que ces valeurs puissent être perçues de cette manière constitue une plus-value pour la Suisse. Jusqu’à présent, la Confédération et les cantons n’ont rien payé pour ce ‘marketing’. La Garde le fournit gratuitement. On ne peut pas rêver d’une meilleure publicité. Toute la Suisse en profite.
Pourquoi les contribuables suisses devraient-ils payer pour la Garde suisse qui, malgré tous les liens qui les unissent, est l’armée d’un État étranger?
Parce que la Garde donne une si bonne image de la Suisse. Beaucoup disent bien sûr: le Vatican a beaucoup d’argent. C’est vrai. Mais il faut aussi dire que cet argent est lié, car les immeubles coûtent déjà très cher à entretenir. C’est pourquoi les grands projets de construction ont déjà été financés par des dons dans le passé. La Confédération et les cantons se sont alors dit qu’il est important, loyal et justifié d’investir une seule fois l’argent des contribuables. Il y a tellement de retours.
«Je serais très déçue si le canton de Lucerne refusait la contribution pour la Garde suisse»
Suite à un référendum, on votera le 25 septembre à Lucerne sur les 400’000 francs que le Conseil d’État a alloués à la caserne de la Garde suisse.
La Conférence des directeurs cantonaux des finances a recommandé que chaque canton fasse don d’un franc par habitant. C’est ce qu’a fait le Conseil d’État lucernois. Le référendum a été lancé, c’est donc au peuple de décider. C’est juste, nous vivons dans une démocratie.
Je serais très déçue si le canton de Lucerne refusait cette contribution. Le canton est historiquement très lié à la Garde suisse, par le biais du mercenariat, mais aussi et surtout par les nombreux commandants qui venaient de Lucerne. A cela s’ajoute le fait que Lucerne est un canton majoritairement catholique.
Où en est le financement du nouveau bâtiment?
Nous sommes en bonne voie. Nous avons pu gagner quelques grands sponsors, dont des privés. S’y ajoutent de nombreuses paroisses, et aussi, heureusement, plusieurs cantons. En outre, quelques entreprises nous soutiendront dans la construction.
Le budget doit-il être adapté en raison de l’inflation?
Oui, cela va effectivement coûter un peu plus cher. Notamment aussi parce que l’ancienne façade côté Rome doit désormais être conservée. De plus, l’étage en attique ne pourra finalement pas être construit. L’espace devrait tout de même suffire, mais cela nécessite une nouvelle planification.
«En tant que membre du Conseil fédéral, on se rend compte de l’importance de la Garde suisse pontificale»
Au printemps 2022, un accord a été signé entre la fondation de la caserne et la Secrétairerie d’État du Vatican. Êtes-vous dans les temps?
Malheureusement, nous avons pris du retard en raison de l’Année Sainte 2025. Nous avons donc suffisamment de temps pour obtenir les permis de construire et procéder aux clarifications et consultations encore nécessaires, par exemple avec l’UNESCO. La construction commencera alors le 1er janvier 2026.
Officiellement, la Confédération n’a rien à voir avec la Garde suisse. Mais officieusement, il existe de nombreux liens.
Toutes les conseillères et tous les conseillers fédéraux se sont toujours réjouis de pouvoir se rendre à l’assermentation. Johann Schneider-Ammann par exemple, lui-même réformé, est revenu totalement enthousiaste. En tant que conseiller fédéral, on se rend compte de l’importance de la Garde. On est aussi fier. (cath.ch/kath.ch/dm/mp)
Comme Conseillère fédérale vous avez rencontré le pape Benoît XVI et le pape François.
J’ai rencontré le pape Benoît XVI en 2010, lorsque j’étais présidente de la Confédération, donc officiellement. A l’époque, les abus sexuels étaient un sujet très important en Suisse aussi, je devais en parler.
J’ai remarqué qu’il s’intéressait vraiment à cette thématique. Il a même été question de convoquer un concile à ce sujet. J’aurais salué une telle discussion au plus haut niveau, malheureusement cela n’a pas été fait. Je pense que cela aurait été une bonne chose: emprunter une voie offensive. On aurait pu créer un cadre pour faire face aux abus.
Vous étiez à Genève en 2018, lorsque le pape François a rendu visite au Conseil œcuménique des Églises. Comment avez-vous vécu cette journée?
C’était très chaleureux, d’autant plus que nous nous connaissions déjà. Au Conseil fédéral, nous étions très heureux de sa visite. On sous-estime en effet l’impact que peut avoir le pape, surtout à l’ONU. On le voit encore aujourd’hui, par exemple dans les conflits en Afghanistan ou au Yémen. Il a une voix dans ces crises.
Et si vous comparez Benoît XVI à François?
Benoît XVI a abordé les choses de manière très dogmatique et scientifique. François, en revanche, est très proche des gens et orienté vers la pratique. Ce sont deux personnalités différentes, mais tous deux ont été et sont de bons papes.
La Suisse a depuis peu sa propre ambassade permanente au Saint-Siège.
La création était importante, c’est une valorisation et une estime. Cela sert aussi à intensifier la collaboration, par exemple dans le domaine du droit international humanitaire. La Suisse et le pape ont de nombreux objectifs communs dans ce domaine. Cela vaut la peine d’unir ces intérêts et de travailler ensemble, d’autant plus que les diplomates du Vatican sont également très bien formés.
Vous vient-il à l’esprit un exemple où vous avez trouvé utile l’intervention du Saint-Siège?
Le pape, mais aussi et surtout le Saint-Siège – je tiens à le souligner – est un médiateur important dans les conflits internationaux. Je l’ai personnellement vécu lors de l’accord de Paris sur le climat. Le Venezuela faisait obstruction. Les représentants du Vatican ont réussi à convaincre les représentants de ce pays riche en pétrole, mais aussi catholique. Le Saint-Siège a sauvé l’accord de Paris sur le climat. Il joue un rôle important en termes de politique internationale.
Qu’est-ce que cela signifie pour vous personnellement d’être catholique?
Bien sûr, j’ai parfois du mal avec l’Église, surtout avec les rituels. Là, l’Église réformée a déjà plus évolué. L’Église pourrait tirer beaucoup de choses de la prédication. Les gens ont besoin de bonnes paroles, surtout dans les périodes difficiles comme aujourd’hui. Si l’Église prenait davantage en compte les préoccupations quotidiennes et essayait d’apporter des réponses, elle obtiendrait sans doute des résultats.
Quand allez-vous à l’église?
Plus aussi souvent qu’avant, mais j’y vais bien sûr. Pendant la pandémie, j’ai souvent regardé la messe à la télévision avec ma mère, ce sont souvent de très belles célébrations. J’aimerais qu’elles se multiplient, j’irais alors plus souvent. (cath.ch/kath.ch/dm/mp)
*L’argovienne Doris Leuthard (59 ans) a été Conseillère fédérale pour le parti démocrate-chrétien (PDC) de 2006 à 2018. Elle est présidente du comité de patronage de la fondation pour la reconstruction de la caserne de la Garde suisse pontificale au Vatican.
Rédaction
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