L'Assomption: une croyance, une fête, un dogme

L’Assomption, fêtée le 15 août, célèbre la mort, la résurrection, l’entrée au ciel et le couronnement de la bienheureuse Vierge Marie. Les Eglises orthodoxes en font également une de leurs grandes fêtes sous le vocable de Dormition de la Vierge.

Malgré la discrétion des évangiles, les premiers chrétiens n’ont pas mis longtemps à réfléchir à la place de Marie dans leur foi, explique le Père eudiste Laurent de Villeroché, de la Congrégation de Jésus et Marie. Ils ont rapidement voulu célébrer ses derniers moments, comme ils le faisaient pour honorer leurs saints. A cause du caractère unique de sa coopération, une croyance se répand: son «endormissement» – sa Dormition – consiste en réalité en son élévation, corps et âme, au ciel par Dieu.

Selon les historiens du dogme, la question a commencé à se poser après le Concile d’Ephèse, en 431, qui a défini Marie comme «Théotokos» ou Mère de Dieu en tant que mère corporelle de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Le corps qui avait porté Jésus ne pouvait pas connaître la corruption du tombeau.

La fête exprime cette croyance: chaque 15 août, les chrétiens célèbrent à la fois la mort, la résurrection, l’entrée au paradis et le couronnement de la Vierge Marie.

Se basant sur cette antique tradition, en 1950, le pape Pie XII élèva l’Assomption au rang de dogme de l’Eglise: «La Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort».

L’Assomption de Marie dans le sillage de l’Ascension du Christ

On associe souvent l’Assomption de Marie avec l’Ascension du Christ. De fait, les mots se ressemblent et il y a dans les deux cas une montée mystérieuse au ciel dans la gloire de Dieu.

Pourtant, «assomption» ne vient pas du verbe latin «ascendere» (monter, s’élever), qui a donné «Ascension», mais d’»assumere» (assumer, enlever). L’étymologie souligne l’initiative divine: Marie ne s’élève pas toute seule vers le ciel, c’est Dieu qui fait le choix de l’»assumer», corps et âme, en la réunissant à son Fils sans attendre la résurrection finale, tant elle a su s’unir, corps et âme, à Lui, dès sa vie terrestre.

L’Assomption de la Vierge de Murillo (1670) au Musée de l’Hermitage de St-Petersbourg | domaine Public

Dans le sillage de l’Ascension, Marie inaugure le destin ouvert aux hommes par la résurrection de son Fils et anticipe ce qui deviendra la condition des sauvés à la fin des temps.

La fête de l’Assomption entretient l’espérance

La liturgie de l’Assomption célèbre Marie comme la «transfigurée»: elle est auprès de Lui avec son corps glorieux et pas seulement avec son âme. En elle, le Christ confirme sa propre victoire sur la mort. Marie réalise ainsi le but pour lequel Dieu a créé et sauvé les hommes. En la fêtant, les croyants contemplent le gage de leur propre destin, s’ils font le choix de s’unir à leur tour au Christ.

En Orient

Cette fête est née à Jérusalem, mais il est difficile de savoir à quelle époque. L’origine précise de la fête du 15 août tient peut-être à la consécration à cette date, par l’évêque Juvénal (422 – 458) d’une église dédiée à Marie à Kathisma (étape supposée de la Vierge entre Nazareth et Bethléem). Elle a plus probablement pour origine la consécration d’une autre église à Gethsémani, à côté de Jérusalem, au VIème siècle, là où certaines traditions affirmaient que la Vierge avait fini sa vie terrestre.

La fête fut étendue à tout l’empire par l’empereur Maurice (582 – 602), sous le nom de Dormition (Koimelis) de la Vierge Marie. Elle a toujours été célébrée le 15 août, et a depuis revêtu une importance particulière en Orient: l’année liturgique s’ouvre quasiment avec le 8 septembre – fête de la naissance de Marie – et s’achève le 15 août, fête de son retour à Dieu. Toute l’année liturgique est ainsi placée sous le patronage de Marie.

En Occident

Comme souvent à cette époque, l’Eglise de Rome est en retard sur l’Eglise de Constantinople. On pense que l’assomption de la Vierge elle fut instaurée par le pape Serge 1er (687 – 701), lui-même d’origine syriaque.

La fête fut longtemps accompagnée d’une procession nocturne, supprimée par le pape Pie V (en 1566), à cause des nombreux abus qui l’entouraient. Elle a longtemps été précédée d’un jeûne et, en différents diocèses de l’Europe du Sud, elle pouvait être le temps de la bénédiction du fourrage et de l’offrande des premières récoltes. (cath.ch/arch/mp)

Une tradition rapportée par les apocryphes

En 1431, le peintre italien Fra Angelico respecte encore le canon bytzantin de la représentation de la Dormition de la Vierge Marie | domaine public

La Dormition se réfère non pas au Nouveau Testament, qui ne dit rien de la Vierge après la Pentecôte, mais à diverses traditions rapportées dans des textes aprocryphes. L’évêque Jean de Thessalonique fixe cette tradition vers 620 en tentant de donner une narration authentique et limpide des derniers moments de la vie de Marie. Il veut aussi épurer le récit de trop d’épisodes merveilleux et miraculeux. A l’occasion de la fête de l’Assomption en 2013, le patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomée y fera encore explicitement référence.

La trame du récit de Jean de Thessalonique est assez sobre. Trois jours avant son départ, Marie reçoit la visite d’un ange qui lui annonce sa mort. Il lui promet aussi que son fils Jésus sera présent pour la recevoir. Dans le même temps, les apôtres sont également prévenus et transportés du lieu où ils résident dans une nuée vers la maison de Marie, à Jérusalem. Réunis autour de son lit, les apôtres assistent à sa mort. C’est alors que Christ, comme il l’avait fait après sa résurrection, pénètre dans la pièce pour y recevoir l’âme de sa mère. Avant de disparaître, Jésus recommande aux siens de prendre soin du corps de Marie et de l’ensevelir dans un tombeau. Les Juifs tentent de s’y opposer, mais leur attaque est miraculeusement avortée. Le troisième jour, les apôtres constatent que le corps de Marie, emporté au ciel, n’est plus dans le tombeau. (cath.ch/arch/mp)

Maurice Page

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