Bernard Litzler pour cath.ch
«Pra pitchi de nô» (Prends pitié de nous): le Kyrie en patois gruérien émane de la chapelle Saint-Garin. Sous l’alerte direction de Jean-Marc Descloux, le chœur mixte ValChante a repris, après deux ans de pandémie, le chemin de la chapelle à double corps du Pré-de-l’Essert. Un soulagement pour la centaine de fidèles, venus ou plutôt revenus en ce premier dimanche d’août pour la traditionnelle messe sur l’alpage, au fond du vallon proche de la Valsainte.
Comme d’habitude, les moines d’Hauterive, propriétaires de la ferme des Echelettes, en contrebas de la chapelle, assurent la liturgie. Dom Marc de Pothuau, père-abbé, est accompagné du Frère Michel. «Saint Garin réunissait plusieurs facettes: moine de Molesmes, puis évêque de Sion, il était aussi vétérinaire, rappelle Dom Marc en introduction à la célébration. Ce qui explique qu’on l’invoque pour la protection du bétail et que les moines ont construit ici une chapelle en son honneur».
Le magnifique paysage sur les Préalpes réjouit les pèlerins d’un jour, debout devant la chapelle au toit couvert de tavillons. Les Gachet, qui exploitent le domaine autour de la chapelle, ont fauché le pré pour permettre un accès plus aisé. Car il faut grimper sur le monticule qui domine la vallée. La centenaire Marie-Louise Piller de Plana y est parvenue, alerte, au bras de ses filles Maria-Christina et Isabel. Son sourire exprime sa satisfaction: un retour à Saint-Garin après deux ans d’interruption due au covid.
Un couple de Villars-sur-Glâne est présent pour la première fois. «Nous sommes amis de la communauté d’Hauterive et nous venons pour le plaisir d’assister à une messe en montagne. Cela nous correspond bien. On a déjà assisté parfois à la messe à la chapelle des Clés, vers le Moléson».
Porté par les voix du chœur mixte de ValChante, la messe alterne les chants en patois – composés par Jean-Paul Rime – et en français, avant de se conclure par un vibrant «Signore delle Cime» en italien, un hymne au Créateur des montagnes.
A la fin de la célébration, les tables sont dressées et les langues se délient, autour de l’apéritif, préparé par Marcel Gachet, fromager du Pré-de-l’Essert: «C’est un gros travail, confie-t-il, mais ça fait plaisir de revoir tant de monde après deux ans sans rien». Sa tante, Mme Mooser née Gachet, est montée en ce jour de son 57e anniversaire de mariage. Huitième des 12 enfants Gachet, elle se souvient des étés sur l’alpe, avec sa famille vouée à une grande saison de travail: «Il fallait faire le foin, puis le regain. Nous n’avions pas beaucoup de loisirs, mais j’aimais bien. Malheureusement, papa est décédé subitement à 51 ans, tué par un taureau au marché-concours de Bulle».
Ernest Pittet de Riaz plonge, lui, dans le passé de ce lieu chargé d’histoire: «Les moines d’Hauterive possédaient le domaine du Pré-de-l’Essert, il y a longtemps. Ils exploitaient même une ferme-école Cela représentait 1000 poses. Une pose, c’était 36 ares. Tout leur a été confisqué au 19e siècle. Le domaine a bien changé mais leur ancienne scierie a gardé le nom de la Scie, au bas du télésiège de Vounetz».
Un autre couple est venu de Chamby près de Montreux. «Nous aimons ce lieu, confie-t-il. Notre fils est guide de montagne et nous sommes venus prier ici le jour où il a été opéré d’un cancer du côlon. Et il va bien…». Confidences et rencontres sur l’alpage de Saint-Garin… L’après-messe offre une occasion enjouée d’échanges, entre vieilles connaissances et nouveaux venus. (cath.ch/bl)
20 chapelles de montagne
«Nous avons 20 chapelles dans notre unité pastorale, entre la vallée de Charmey et l’Intyamon, indique Pierre Mosur, prêtre auxiliaire de l’Unité pastorale Notre-Dame de l’Evi, qui habite la cure de Lessoc, dans l’Intyamon. Nous ne pouvons pas les desservir toutes, mais nous essayons d’y maintenir la tradition des messes». Ainsi, la même semaine, il a célébré à la chapelle des Pelleys à Cerniat puis trois jours plus tard, dans celle du Buth à Lessoc. Avec une douzaine de personnes à chaque fois, fidèles à une tradition lointaine.
Et le public aime y venir, même s’il faut, comme à Cerniat monter sur un pré pentu pour atteindre les Pelleys. Comme à Saint-Garin, la messe matinale, se termine par une rencontre amicale, avec boissons et croissants. Au Buth, située le long d’une route cyclo-touristique, le passage est permanent. La belle chapelle au toit arrondi offre un magnifique décor baroque en bois peint.
Toutefois toutes les chapelles ne sont pas desservies durant l’été. Ainsi, la chapelle Notre-Dame de la Paix, au-dessus de Montbovon, nichée dans la forêt. Elle a été édifiée et décorée, en 1942, par le curé Gérard Beaud. En plein conflit mondial, le prêtre a voulu que les gens viennent prier pour demander la fin de la guerre. Désormais ce sont les randonneurs qui y passent, après avoir gravi le petit sentier qui y conduit: un chemin en double M, voulu par le curé de l’époque, en l’honneur de Marie. BL
Rédaction
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