Comme il le fait lors de chaque voyage hors d’Italie, le pontife a rencontré un groupe de jésuites lors de son déplacement au Canada. La rencontre avec 15 membres de la Province canadienne, a eu lieu à Québec le 29 juillet en présence du directeur de La Civiltà Cattolica, le Père Antonio Spadaro, peu avant que le pape ne s’envole pour Iqaluit, au Nunavut.
«L’Église est synodale, ou elle n’est pas Église», a insisté le pontife, expliquant avoir lancé le Synode sur la synodalité pour réaffirmer cette réalité, redécouverte pendant le Concile Vatican II. «L’Église en Occident avait perdu sa tradition synodale», a-t-il souligné, estimant qu’avec la création du Synode des évêques par Paul VI, l’Église avait ensuite avancé «timidement», mais s’était améliorée peu à peu, au fil des différents synodes.
Le pontife a rappelé sa participation au synode des évêques de 2001 en tant que rapporteur général pour remplacer le cardinal américain Edward Egan, archevêque de New-York, qui avait été obligé de rentrer aux États-Unis après la tragédie du 11 septembre. Il explique y avoir observé une forme de «présélection du matériel» rassemblé par les participants, déplorant une forme de censure des éléments jugés inappropriés. «On n’avait pas compris ce qu’est un synode», estime-t-il.
Le pontife a aussi été interrogé sur la place de la liturgie. «Quand il y a un conflit, la liturgie est toujours malmenée», a-t-il souligné, estimant qu’une division s’est établie dans l’Église aujourd’hui. Il a aussi donné en exemple les «déformations liturgiques monstrueuses» observées en Amérique latine il y a 30 ans.
«L’épiscopat du Canada a été un exemple d’épiscopat uni»
François explique avoir voulu suivre «la ligne adoptée par Jean Paul II et Benoît XVI qui avaient admis l’ancien rite et demandé une vérification ultérieure». Cette vérification, a-t-il expliqué, a «mis en évidence la nécessité de discipliner la question» – avec le motu proprio Traditionis custodes adopté en 2021 – afin d’éviter que la liturgie ne devienne «une question de mode». Au contraire, a-t-il insisté, la liturgie doit rester la «louange publique du peuple de Dieu».
Revenant sur le sens de son «pèlerinage pénitentiel» auprès des autochtones du Canada, le pape François a insisté sur le fait qu’il avait présenté ses excuses au nom de l’Église. Il a expliqué qu’il se sentait obligé de préciser la nature de son intervention uniquement quand il s’exprime en son nom propre.
Le pape a aussi rendu un hommage appuyé à l’épiscopat du pays. «Ce sont les évêques qui ont tout fait», a-t-il affirmé, estimant n’être que «la cerise sur le gâteau». «L’épiscopat du Canada a été un exemple d’épiscopat uni», s’est-il réjoui en expliquant que c’était une condition indispensable pour «faire face aux défis». Le pape a cependant reconnu qu’il existait aussi «des gens qui travaillent contre la guérison et la réconciliation, dans la société comme dans l’Église». Il a expliqué avoir remarqué un «petit groupe traditionaliste» qui protestait contre son voyage. Il a mis en garde contre l’idéologie, «pire ennemie de l’Unité de l’Église».
Le pontife a expliqué son choix de ne pas rencontrer de victimes d’abus au Canada: il s’agissait pour lui d’une question de manque de temps, mais aussi une façon de faire en sorte que la question des autochtones reste le «thème fort» du voyage. Il déclare avoir répondu personnellement à plusieurs lettres qui l’interrogeait sur ce sujet pour clarifier sa décision.
«Le peuple d’Haïti est un peuple noble»
François est revenu sur les nombreux «changements» effectués d’un point de vue du droit canonique pendant son pontificat pour combattre plus efficacement les abus, et a défendu cette dynamique. Le droit, a-t-il insisté, ne peut «être conservé dans un réfrigérateur», mais doit accompagner la vie en suivant un «développement biologique».
Il a rappelé qu’avant, l’esclavage était légal et que la possession de l’arme atomique n’était pas jugée immorale comme elle l’est par l’Église catholique aujourd’hui. «La vie morale progresse», a-t-il considéré, mettant en garde contre un vision de la doctrine de l’Église perçue comme «un monolithe» qu’il faudrait défendre «sans nuance».
Le traditionalisme est un «paganisme de la pensée» quand il défend le «on a toujours fait comme ça». Le pape a exhorté à prendre l’origine comme «référence», et non comme «modèle perpétuel».
Interrogé par un jésuite haïtien présent lors de la rencontre – la province jésuite du Canada couvrant aussi Haïti –, le pape François a affirmé se sentir «très proche» du petit pays des Caraïbes. Il a évoqué sa «situation critique», la décrivant comme un «calvaire, comme si l’on ne pouvait pas trouver le bon chemin à prendre». L’évêque de Rome a estimé que les organisations internationales n’avaient pas «compris ce qu’il fallait faire» pour aider Haïti à «grandir dans l’espoir». Il en a appelé à la prière et à la pénitence. «Le peuple d’Haïti est un peuple noble», a-t-il insisté.
Le pontife François a enfin confié à ses hôtes que c’était la troisième fois qu’il se rendait au Canada. Dans les années 1970, en tant que maître des novices des Jésuites, il avait rendu visite à un prêtre jésuite, puis était revenu en 2008 lors du Congrès eucharistique organisé à Montréal par le cardinal Marc Ouellet.
Au Canada, la Compagnie de Jésus a joué un rôle historique dans l’évangélisation du pays dès le XVIe siècle. De nombreux missionnaires de cet ordre sont tombés en martyrs au XVIIe, notamment saint Jean de Brébeuf, qui fut l’un des premiers à effectuer un travail anthropologique et linguistique auprès des populations autochtones, notamment les Hurons. Aux XIXe et XXe siècle, les jésuites canadiens ont aussi été chargé par le gouvernement de la gestion d’une école résidentielle.
Il y a actuellement environ 200 jésuites dans la province canadienne, a déclaré Gilles Mongeau, vice-provincial, lors d’un entretien avec l’agence I.MEDIA effectué en juillet, quelques jours en amont du voyage du pontife dans le pays à la feuille d’érable. (cath.ch/imedia/cd/rz)
I.MEDIA
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