«Nous tremblions de peur et certains se sont couchés sur le sol. D’autres se sont cachés sous les grands arbres. Nous n’osions pas dire un mot et priions en silence», a déclaré Martha Tin. La catholique birmane habitent le village de Mon Hla, dans la région de Mandalay, au centre-nord du Myanmar. Sa localité, où coexistent en paix catholiques et bouddhistes, a été récemment attaquée par les troupes de la junte au pouvoir, relate l’agence catholique asiatique UcaNews.
Mon Hla est un village catholique historique. Le 17 juillet dernier, les fidèles du secteur ont assisté à la messe et sont rentrés chez eux. Mais dans l’après-midi, ils ont appris que l’armée avait lancé des raids dans une localité bouddhiste voisine. Le matin du 18 juillet, ils ont entendu des avions de chasse et des hélicoptères s’approcher des champs et commencer à tirer sans discernement.
De nombreuses personnes ont fui dans des localités proches, d’autres dans les rizières. Elles sont finalement rentrées chez elles après avoir passé trois nuits à l’extérieur. Les villageois ont pu constater avec soulagement que leurs maisons, l’église et le couvent étaient restés intacts. Des habitants ont choisi de partir chez leurs proches dans des villes comme Mandalay, tandis que d’autres se sont réfugiées dans les locaux de l’église dans les communes voisines.
Au cours des derniers mois, les villageois catholiques et bouddhistes de Mon Hla ont fui à plusieurs reprises leurs maisons par crainte des attaques. Ils vivent toujours dans la peur. «Nous ne savons pas quand les troupes vont revenir et si nous aurons suffisamment de temps pour fuir», relève Mary Htar.
Un village à majorité musulmane, Kyi Su, a également été pris pour cible le 18 juillet. Selon certaines informations, des dizaines de soldats ont été parachutés dans ce village où cohabitent musulmans et bouddhistes. Ils ont tiré et arrêté quelques personnes avant de mettre le feu à des maisons, une mosquée et des bâtiments scolaires.
Les violences exercées par l’armée du Myanmar ne sont pas une nouveauté dans les régions chrétiennes du pays, notamment dans les Etats Kachin, Karen, Kayah et Chin. Une grande partie de la population n’y accepte pas la domination de l’Etat central. La répression a cependant redoublé depuis le coup d’Etat militaire du Ier février 2021, qui a renversé la fragile structure démocratique en place depuis quelques années sous l’égide d’Aung San Su Kyi.
Les raids sur les villages sont réguliers, ainsi que les meurtres de civils, les arrestations arbitraires et les violences sexuelles. La frappe aérienne du 18 juillet est intervenue après que plus de 500 maisons aient été incendiées à Chan Thar et au moins 320 à Chaung Yoe, deux villages catholiques de la région, respectivement le 7 juin et le 20 mai 2022. Au moins dix personnes auraient été tuées lors de ces raids.
L’un des incidents les plus sanglants s’est produit le 24 décembre 2021, lorsque près de quarante civils chrétiens ont été assassinés puis brûlés dans le village de Mo So, à l’est du pays. Le conflit interne actuel au Myanmar a déplacé plus de 783’400 personnes, selon les Nations Unies. L’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED) estimait en juin 2022 que 21’000 personnes avaient péri dans les violences depuis le 1er février 2021.
Le conflit suit des lignes de faille ethnico-politiques sur lesquelles se superposent les identités religieuses. Les bouddhistes sont largement majoritaires au sein du groupe ethnique dominant, alors que les ethnies minoritaires ont des religions différentes, principalement chrétienne et musulmane. (cath.ch/ucanews/arch/rz)
Raphaël Zbinden
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