Peuples autochtones: le pape reconnaît un génocide

Le pape François a répondu aux questions des journalistes pendant environ trois quarts d’heure dans l’avion qui le ramenait d’Iqaluit à Rome, dans la nuit du 29 au 30 juillet 2022. «La doctrine de la découverte», son éventuelle démission, le terme de «génocide» qu’il n’a pas prononcé, «Mais j’ai décrit ce qui, c’est vrai, est un génocide», sa santé, les voyages qu’il projette pour fin 2022 et 2023… Autant de sujets abordés au terme de son 37e voyage apostolique qui l’a conduit au Canada et qui avait commencé le 24 juillet. 

Deer Kanhehsio (journaliste canadienne d’origine inuite)Alors que les indigènes continuent à être dépossédés, est-ce que ce voyage n’est pas une occasion manquée d’émettre une déclaration sur la Doctrine de la découverte, qui expliquait que les indigènes étaient inférieurs aux catholiques?
Pape François: Merci pour la question. Je crois que cela est un problème propre à chaque colonialisme. Même aujourd’hui, les colonisations idéologiques d’aujourd’hui sont dans la même logique. Celui qui n’entre pas dans son chemin, dans sa voie, est inférieur. Mais je voudrais aller plus loin, sur cela. Ils n’étaient pas seulement considérés comme inférieurs. Quelques théologiens un peu fous se demandaient s’ils avaient une âme.

Et quand Jean-Paul II est allé en Afrique au port où les esclaves étaient embarqués, il a envoyé le signal pour que nous arrivions à comprendre le drame, le drame criminel. Ces gens étaient jetés dans un bateau, dans des conditions désastreuses, puis ils étaient esclaves en Amérique. Il est vrai qu’il y avait des voix qui parlaient clairement, comme Bartolomé de las Casas par exemple, Pierre Claver, mais ils étaient une minorité. La conscience de l’égalité humaine est arrivée lentement. Je dis «la conscience», parce que dans l’inconscient, il y a encore quelque chose… Nous avons toujours eu, je me permets de le dire, comme une attitude colonialiste de réduire leur culture à la nôtre, n’est-ce pas. C’est une chose qui nous vient du notre mode de vie développé, et qui souvent fait perdre des valeurs qu’ils ont, eux. 

«Une des choses que notre civilisation surdéveloppée, commerciale, a perdue, est la capacité de la poésie. Les peuples indigènes ont cette capacité poétique.»

Par exemple: les peuples indigènes ont une grande valeur, qui est la valeur de l’harmonie avec la création. Et, au moins certains que je connais, l’expriment dans l’expression «vivre bien». Cela ne veut pas dire comme nous le comprenons, nous les Occidentaux, se la couler douce, avoir une dolce vita. Non. «Vivre bien», cela signifie l’harmonie. Pour moi, c’est la grande valeur des peuples premiers. L’harmonie. Nous, nous sommes habitués à tout réduire à la tête. Au contraire, la personnalité des peuples premiers – je parle en général – est de savoir s’exprimer en trois langages: celui de la tête, celui du cœur et celui des mains. Mais tous ensemble. Et ils savent avoir ce langage avec la création, non?

Et ce progressisme accéléré du développement, un peu exagéré, un peu névrotique, que nous avons – je ne parle pas contre le développement, le développement est bon – mais ce qui n’est pas bon, c’est cette frénésie de développement. Une des choses que notre civilisation surdéveloppée, commerciale, a perdue, est la capacité de la poésie. Les peuples indigènes ont cette capacité poétique. Je n’idéalise pas.

Et cette doctrine de la colonisation, c’est vrai, elle est mauvaise, injuste, et aujourd’hui même elle est utilisée (…). Par exemple, certains évêques de certains pays m’ont dit: mais lorsque notre pays demande un crédit à une organisation internationale, ils nous mettent des conditions même législatives et colonialistes pour nous accorder le crédit. Ils te changent un peu ton mode de vie. 

Pour revenir à notre colonisation, celle de l’Amérique, [faite par] les Anglais, les Français, les Espagnols, les Portugais – ils sont quatre –, il y a toujours eu ce danger. Ou plutôt cette mentalité selon laquelle nous sommes supérieurs et que les indigènes ne comptent pas. Et c’est grave. Pour cela, nous devons travailler dans le sens que tu dis. Retourner en arrière et assainir tout ce qui a été mal fait, mais avec la conscience qu’aujourd’hui aussi, il existe le même colonialisme. Pensez par exemple à un cas qui est universel, et me permet de l’illustrer: le cas des Rohingyas, en Birmanie. Ils n’ont pas la citoyenneté, ils sont d’un niveau inférieur, même aujourd’hui. Merci beaucoup.

2/ Brittany Hobson – Vous avez souvent parlé du besoin de parler clairement, honnêtement, et avec parrhésie. Vous savez que la Commission Vérité et Réconciliation du Canada a décrit le système des écoles résidentielles comme un génocide culturel, qui a depuis été corrigé en «génocide». Ceux qui ont écouté vos excuses cette semaine ont exprimé leur déception que le mot de génocide n’ait pas été utilisé. Utiliseriez-vous ce mot et conviendriez-vous que des membres de l’Église ont participé au génocide?
Je n’ai pas prononcé le mot parce que ça ne m’est pas venu en tête, mais j’ai décrit le génocide, non? Et j’ai présenté mes excuses, demandé pardon pour ce processus qui est le génocide. Je l’ai condamné. Enlever les enfants, changer la culture, changer la mentalité, changer les traditions, changer une race, disons-le comme ça, toute une culture. Oui, génocide, c’est une parole technique. Mais j’ai décrit ce qui, c’est vrai, est un génocide. Soyez tranquilles. Tu peux dire que j’ai dit que oui, ça a été un génocide. Merci. 

«Je n’ai pas prononcé le mot parce que ça ne m’est pas venu en tête, mais j’ai décrit le génocide, non?»

3/ Valentina Alazraki – Nous supposons que ce voyage au Canada a été aussi un test, une épreuve pour votre santé, pour vos limitations physiques comme vous l’avez dit ce matin. Nous voudrions savoir si, après cette semaine, vous pouvez dire quelque chose de vos futurs voyages, si vous voulez continuer comme cela au futur, s’il y aura un voyage que vous ne pourrez pas faire à cause de ces limitations, ou bien si vous pensez qu’une opération au genou pourrait résoudre la situation et vous permettre de voyager comme avant?
Je ne crois pas que je puisse conserver le même rythme de voyage qu’auparavant. Je crois qu’à mon âge, et avec ces limites, je dois m’économiser un peu pour pouvoir servir l’Église, ou au contraire penser à la possibilité de me mettre de côté. En toute honnêteté, ce n’est pas une catastrophe. On peut changer de pape. Ce n’est pas un problème. Mais je crois que je dois me limiter un peu, avec ces efforts. L’opération chirurgicale au genou, dans mon cas, ne convient pas. Les médecins me disent que oui. Mais avec l’anesthésie que j’ai subie il y a 10 mois (12 mois, en juillet 2021, ndlr), cette anesthésie de plus de six heures, j’en ai encore des séquelles. Et on ne joue pas, on ne rigole pas avec l’anesthésie. Et pour cela, je pense que ce n’est pas rien. J’essaierai de continuer à faire des voyages, à être proche des gens, parce que je crois que c’est un moyen de servir. Mais plus que cela, je ne peux pas le dire. Nous verrons. Mais le Mexique, non.

«J’essaierai de continuer à faire des voyages, à être proche des gens, parce que je crois que c’est un moyen de servir.»

J’ai dit que je voudrais aller en Ukraine. Nous verrons maintenant comment je serai quand je rentrerai chez moi. Cela me plairait d’aller au Kazakhstan, c’est un voyage tranquille, sans beaucoup de déplacements. C’est un congrès des religions. Pour le moment, rien ne change. Je dois aller au Soudan du Sud, avant le Congo, parce que c’est un voyage avec l’archevêque de Cantorbéry et avec l’évêque de l’Église d’Ecosse. Tous les trois ensemble, comme la retraite que nous avions faite il y a trois ans. Puis le Congo, mais ce sera l’année prochaine, parce que c’est la saison des pluies. Nous verrons. Moi, j’ai toute la bonne volonté, mais on verra ce que ma jambe me dira. 

4/ Phoebe Nathanson – Avec toutes vos difficultés de santé, vous est-il venu à l’esprit que c’était le moment de vous retirer?
La porte est ouverte, c’est une des options normales. Mais jusqu’à aujourd’hui je n’ai pas poussé cette porte. Comme on dit je ne l’ai pas senti, de penser à cette possibilité. Mais cela ne veut pas dire qu’après-demain je ne vais pas commencer à y penser. Pendant ce voyage sincèrement non. Ce voyage était un peu le test: il est vrai qu’on ne peut pas faire les voyages dans cet état, il faut peut-être changer un peu le style, diminuer, payer les dettes des voyages que je dois encore faire, les restructurer, mais ce sera le Seigneur qui le dira. La porte est ouverte, ça c’est vrai.

«La porte est ouverte, c’est une des options normales. Mais jusqu’à aujourd’hui je n’ai pas poussé cette porte [de la démission].»

5/ Eva Fernandez – Saint Père, fin août, nous aurons un consistoire. Dernièrement beaucoup vous ont demandé si vous pensiez démissionner – ne vous inquiétez pas cette fois nous n’allons pas vous le demander – mais nous sommes curieux: n’avez-vous jamais pensé aux caractéristiques que devrait avoir selon vous votre successeur?
Ça c’est le travail de l’Esprit Saint tu sais. Moi je n’y penserai jamais. L’Esprit saint sait le faire mieux que moi et mieux que nous tous. Parce qu’il inspire les décisions au pape, il inspire toujours. Parce qu’il est vivant dans l’Église et que l’on ne peut pas concevoir l’Église sans l’Esprit Saint. C’est lui qui fait les différences et qui fait «le vacarme». Pensez au matin de Pentecôte, à l’harmonie. Il est important est de parler d’harmonie plus que d’unité. Unité mais harmonie, pas comme quelque chose de figé. L’Esprit Saint «donne» une harmonie progressive qui va de l’avant! Ce que Saint Basile dit de l’Esprit saint me plaît: Ipse harmonia est: Il est l›harmonie! Mais Il est l’harmonie parce qu’avant il fait «du vacarme» avec les différences des charismes. Laissons ce travail à l’Esprit Saint. 

Sur ma démission je voudrais remercier un bel article qu’a fait l’une de vous, sur tous les signaux qui pouvaient conduire à une démission et tous les signes qui étaient en train d’apparaître. Ça c’est un beau travail journalistique, une journaliste qui à la fin donne une opinion mais voit aussi les signaux pas seulement les déclarations. Ce langage souterrain qui donne aussi des indications. Savoir lire des signes ou au moins faire un effort d’interprétation qui peut aller dans un sens ou dans un autre… Ça c’est du bon travail, je vous remercie beaucoup. 

6/ Caroline Pigozzi – Vos paroles de 2013 sur le fait qu’il faut savoir se retirer, sont-elles toujours d’actualité? Pourriez-vous vous retirer comme un jésuite?
Oui. C’est une vocation. Que le Seigneur le dise. Le jésuite cherche, il cherche, il ne le fait pas toujours, mais il cherche à faire la volonté du Seigneur. Et le pape jésuite doit aussi faire la même chose. Quand le Seigneur parle, si le Seigneur te dit «continue», tu continues. Si le Seigneur te dit de te mettre à l’écart, tu te mets à l’écart. C’est le Seigneur qui commande.

Vous ne vous retirerez pas avant?
Saint Ignace disait – et cela est important – quand quelqu’un est fatigué, malade, et qu’il dit qu’il ne peut pas faire sa prière, il le dispensait de la prière. Mais il ne dispensait jamais de l’examen de conscience. Deux fois par jour (…). Ce n’est pas une question de péché, c’est (regarder) quel esprit m’a guidé aujourd’hui. Notre vocation (nous demandait de) regarder ce qui est arrivé aujourd’hui. J’ai cette hypothèse, si je crois que le Seigneur me dit quelque chose, si j’ai cette inspiration, je dois faire un discernement, et voir ce que demande le Seigneur.

«Si le Seigneur te dit «continue», tu continues. Si le Seigneur te dit de te mettre à l’écart, tu te mets à l’écart. C’est le Seigneur qui commande.»

Et il se peut que le Seigneur veuille me mettre de côté, c’est lui qui commande. Je crois que c’est le mode de vie religieuse d’un jésuite, rester dans le discernement spirituel pour prendre des décisions, pour choisir des voies de travail, même chercher des compromis. Le discernement est clé dans la vocation des jésuites, c’est important. Saint Ignace, et sur cela il était très ferme parce que c’était sa propre expérience de discernement spirituel, qui l’a amené à sa conversion. 

Vous sentez-vous plus pape ou plus jésuite?
Je n’ai jamais mesuré cela. Je me sens serviteur du Seigneur avec l’habitude jésuite, parce qu’il n’existe pas de spiritualité papale. Chaque pape porte sa propre spiritualité. Pensez à saint Jean-Paul II et sa belle spiritualité mariale. Il l’avait auparavant et il l’avait comme pape. Pensez à tant de papes qui ont porté leur spiritualité. La papauté n’est pas une spiritualité, c’est un travail, c’est une fonction, c’est un service. Moi je le réalise avant avec ma propre spiritualité, avec mes propres grâces, ma propre fidélité, mes propres péchés. (…) Il n’y a pas d’opposition entre la spiritualité jésuite et la spiritualité papale, parce que la deuxième n’existe pas. Tu as compris? Merci. 

«La papauté n’est pas une spiritualité, c’est un travail, c’est une fonction, c’est un service.»

7/ Severina Bartonischer – Bonsoir. Saint-Père, hier, vous avez parlé de la fraternité de l’Église, d’une communauté qui sait écouter et entrer en dialogue. Mais il y a quelques jours est parue une déclaration du Saint-Siège sur le Chemin synodal de l’Allemagne, sans signature. Pensez-vous que ce mode de communication contribue, ou au contraire est un obstacle, au dialogue?
Avant tout, ce communiqué a été fait par la Secrétairerie d’État. Cela a été une erreur de ne pas le mentionner. Je crois que ça mentionnait la Secrétairerie d’État mais je ne suis pas sûr. Mais ça a été une erreur de ne pas le signer comme Secrétairerie d’État, mais une erreur bureaucratique, pas de la mauvaise volonté. 

Sur le chemin synodal, j’ai écrit une lettre, de mon initiative, un mois avec prière, réflexions, consultations… Et j’ai dit tout ce que je devais dire sur le Chemin synodal. Je ne peux pas dire plus. Et cette lettre, que j’ai écrite il y a deux ans, c’est un magistère papal sur le chemin synodal. J’ai court-circuité la Curie car je n’ai pas fait de consultation, rien. Je l’ai faite comme un chemin personnel, et comme pasteur de l’Église qui cherche un chemin, comme prêtre, frère, père, croyant, et c’est mon message. Je sais que ce n’est pas facile, mais il y a tout dans cette lettre.

8/ Ignazio Ingrao. L’Italie traverse un moment difficile. Il y a une préoccupation jusqu’au niveau international. Il y a la crise économique, la pandémie, la guerre. Et maintenant nous nous retrouvons sans gouvernement. Vous êtes le primat d’Italie. Dans le télégramme que vous avez envoyé au président Mattarella pour son anniversaire, vous avez parlé d’un pays marqué par de nombreuses difficultés et appelé à des choix cruciaux. Comment avez vécu la chute de Mario Draghi?
Avant tout je ne veux pas me mêler de la politique intérieure italienne. En deuxième lieu personne ne peut dire que le président Draghi n’est pas un homme de grande qualité, au niveau international. Il a été président de la Banque centrale européenne. Une bonne carrière. J’ai juste posé une question à un de mes collaborateurs: dis-moi, combien de gouvernements l’Italie a-t-elle eu en ce siècle? Il m’a dit: 20. C’est ma réponse.

9/ Claire GiangraveBeaucoup de catholiques et de théologiens pensent qu’il faut un changement sur la contraception. Peut-on réévaluer la doctrine?
C’est quelque chose de très ponctuel. Mais sachez que le dogme, la morale, est toujours sur un chemin développement, mais de développement dans le même sens. Pour utiliser quelque chose de clair que j’ai déjà dit d’autres fois, pour le développement d’une question aussi bien morale, disons théologique ou dogmatique, il y a une règle très claire et lumineuse, j’en ai parlé: ce qu’a fait Vincent de Lérins, du 19e siècle, un Français. Il dit que la vraie doctrine pour avancer, pour se développer, (..), elle se développe «Ut annis scilicet cosolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate», c’est-à-dire qu’elle se consolide avec le temps, elle se dilate, se consolide… Mais toujours en progressant. C’est pour cela que le devoir des théologiens est la recherche, la réflexion théologique. On ne peut pas faire de théologie avec un «non» devant soi. Puis ce sera au magistère de dire «non, tu es allé trop loin, reviens». Mais le développement théologique doit être ouvert, les théologiens servent à cela. Le magistère doit aider à comprendre les limites.

Sur le problème de la contraception, je sais qu’une publication est sortie, sur cette thématique matrimoniale. Ce sont les actes d’un congrès (…), ils discutent entre eux et font des propositions. Nous devons être clair: ceux qui ont fait ce congrès ont fait leur devoir parce qu’ils ont cherché à avancer dans la doctrine. Mais dans un sens ecclésial, pas en-dehors, comme l’a dit la règle de saint Vincent de Lérins. Puis le magistère dira: «Oui c’est bon, ou ce n’est pas bon».

«Sur le problème de la contraception, je sais qu’une publication est sortie, (…) ce sont les actes d’un congrès. Ils discutent entre eux et font des propositions»

Beaucoup de choses ont changé. Pensez par exemple aux armes atomiques. Aujourd’hui on déclare officiellement que l’utilisation des armes atomiques est immorale. Pense à la peine de mort. Avant on disait oui à la peine de mort, à présent…

Parce que la conscience morale s’est bien développée. Pour être clair: quand le dogme ou la morale se développe, c’est bien, mais dans cette direction avec les trois règles de Vincent de Lérins. Je crois que c’est très clair. Une Église qui se développe sans pensée dans un sens ecclésial est une Église qui revient en arrière. Et cela c’est le problème d’aujourd’hui, de tant qui se disent traditionnels, mais ne sont pas traditionnels, ce sont des «arriéristes», ils reculent sans racines. Cela a toujours été fait comme cela; au siècle dernier ça a été fait comme cela.
Le retour en arrière est un péché, il n’avance pas avec l’Église. En revanche la tradition, disait quelqu’un – je crois que je l’ai dit dans un de mes discours – la tradition est la foi vivante des morts. Au contraire ces «arriéristes» qui se disent traditionalistes, c’est la foi morte des vivants. La tradition est la racine d’inspiration pour avancer dans l’Église. Cela est toujours vertical, mais «l’arriérisme» c’est aller en arrière, et «l’arriérisme» est toujours fermé. Il est important de bien comprendre le rôle de la tradition, qui est toujours ouverte comme les racines d’un arbre, et l’arbre grandit comme cela. 

«Ces «arriéristes» qui se disent traditionalistes, c’est la foi morte des vivants.»

Un musicien avait une très belle phrase, Gustav Malher disait que «la tradition en ce sens est la garantie du futur. C’est la garantie, ce n’est pas un objet de musée. Si tu conçois la tradition fermée, ce n’est pas la tradition chrétienne. Toujours la sève des racines qui te conduit plus avant. C’est pourquoi, ce que tu dis sur (le fait de) penser et faire avancer la foi et la morale, mais tant que cela va dans la direction des racines et de la sève, c’est bien. Avec ces trois règles que j’ai mentionnées de Vincent de Lérins. 


Avant de terminer je voudrais parler d’une chose qui est pour moi très importante: le voyage ici au Canada était très lié à la figure de sainte Anne. Et j’ai dit plusieurs choses sur les femmes mais surtout sur les anciennes, sur les mères, sur les grands-mères. J’ai souligné une chose qui est claire: la foi se transmet en dialecte; et le dialecte, je le dis clairement, maternel, le dialecte des grandes mères. Nous avons reçu la foi sous cette forme dialectale, féminine. C’est très important, ce rôle de la femme dans la transmission de la foi et dans le développement de la foi. C’est la maman et la grand-mère qui apprennent à prier. C’est la maman ou la grand-mère qui expliquent les premières choses de la foi que le petit enfant ne comprend pas. Et je peux dire que cette transmission dialectale de la foi est féminine.

On peut me dire «mais théologiquement comment l’expliquez-vous?». Parce que je dirais que celle qui transmet la foi c’est l’Église. Et l’Église est femme. L’Église est épouse. L’Église n’est pas masculine. L’Église est femme. Et nous devons entrer dans cette pensée de l’Église-femme, de l’Église-mère qui est plus importante que n’importe quel fantasme ministériel, masculiniste, ou un quelconque pouvoir masculin. L’Église est Mère, la maternité de l’Église, celle qui est la figure de la mère du Seigneur. Il est important en ce sens de souligner l’importance de la transmission de la foi, de ce dialecte maternel. J’ai découvert cela en lisant par exemple le martyre des Maccabées. À deux ou trois reprises il est dit que la mère lui donnait du courage en dialecte maternel. La foi se transmet en dialecte et ce dialecte ce sont les femmes qui le parlent. C’est la grande joie de l’Église, car l’Église est femme, l’Église est épouse. Cela je voulais le dire clairement en pensant à sainte Anne. Merci pour votre patience, merci pour votre écoute, reposez-vous et bon voyage. (cath.ch/imedia/cv/bh)

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