Il reste que notre pays va être confronté à une situation qu’il n’a pas connue depuis 1973. D’un mal peut naître un bien, si nous prenons enfin conscience qu’il nous faut très vite nous passer des énergies fossiles. Cela exige de gros travaux: investissements des particuliers sur leur mode de chauffage et leur mode de transport, investissements des propriétaires sur l’isolation des bâtiments, investissements des entreprises pour des techniques de production moins gourmandes en énergie. L’industrie chimique allemande est le contre-exemple parfait. Elle s’est reposée sur l’oreiller de paresse d’un gaz russe à bon marché pour inonder le marché de ses produits et, comme la cigale de la fable, se trouve fort dépourvue quand la bise d’une coupure du gaz est venue. La classe dirigeante allemande a montré à cette occasion son absence de vision, tant en économie qu’en politique, vis à vis de la Russie.
Mais il faut élargir le regard. Je suis abasourdi par les dizaines de milliers de touristes qui se jettent vers le sud de l’Europe à la recherche du soleil, au milieu des kilomètres de bouchons ou dans la foule des aéroports. Nous vivons en pleine canicule. Est-ce qu’ils se rendent compte de ce qu’exige une température de 40° pour le corps humain. Certes celle-ci est courante en Afrique, mais la population a appris à faire avec. Est–ce que ces vacanciers ont pris conscience du changement climatique? La réponse à l’évidence est non. Les scientifiques, qui s’échinent à expliquer sur les ondes et à la télévision que notre terre se réchauffe très rapidement, prennent conscience de l’écart existant entre la communication et l’écoute. Nous nous acharnons à ne retenir que les bonnes nouvelles. Nous n’adaptons pas nos comportements à la nouvelle donne climatique et nous nous précipitons dans les magasins pour acheter des climatiseurs.
«Que reste-t-il de la sobriété prônée par le pape François dans Laudato si’?»
Cet exode vers le sud est d’autant plus critique que les territoires en question, en France, en Italie, en Espagne et au Portugal sont fragiles. Ils ne peuvent supporter la densité de population imposée par les vacanciers de juillet et août. On le constate aujourd’hui dans le sud-ouest de la France, en Espagne et au Portugal, avec ces feux immenses. Les campagnes de promotion des vacances au soleil ont un effet dévastateur au sens propre.
Que reste-t-il de la sobriété prônée par le pape François dans Laudato si’? On voit bien que c’est la seule solution à la crise climatique et environnementale. Mais elle exige une conversion des comportements. C’est en cela que la crise actuelle est aussi une crise morale. Eduqués à faire des choix individuels en termes de maximisation des plaisirs, nous ne voulons pas considérer les coûts immenses de cette attitude pour la planète. Contrairement à ce que disent les idolâtres du seul marché, les choix individuels laissés à eux-mêmes peuvent ruiner le bien commun.
C’est à ce niveau que les pouvoirs publics doivent agir. Plutôt que de suivre leur population comme la feuille morte au fil de l’eau, ils doivent prendre des décisions fortes, parfois impopulaires, qui réveilleront les actes des personnes de bonne volonté. Les exemples ne manquent pas, mais ils doivent être du domaine réglementaire, comme la limitation du chauffage des bâtiments, la baisse de la vitesse sur les autoroutes ou l’extinction des lumières pendant la nuit. L’augmentation des prix de certains produits tels que l’essence ont un impact trop limité sur les comportements, comme le montre cet été 2022. Or ce sont ces derniers qu’il est urgent de modifier.
Jean-Jacques Friboulet
27 juillet 2022
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