Le pape a-t-il terminé sa réforme de l’économie du Vatican?

En posant les fondations de son Comité pour les investissements du Saint-Siège, le 18 juillet 2022, le pape François semble avoir posé la dernière pierre de sa nouvelle administration économique du Saint-Siège. Il pourrait avoir ainsi achevé le programme d’aggiornamento économique réclamé par les cardinaux lors du conclave de 2013 au lendemain du scandale du Vatileaks.

Le 21 juillet, le Bureau de presse du Saint-Siège a annoncé que le Conseil pour l’économie, l’organe qui supervise le bon fonctionnement de l’économie et des finances du Saint-Siège, avait tenu une réunion portant principalement sur l’intégration de la constitution apostolique Praedicate Evangelium (mars 2022). Cette rencontre, organisée dans la Casina Pio IV, a rassemblé les principales entités économiques du Saint-Siège: l’Administration du patrimoine du Siège apostolique (APSA), l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), le réviseur général et le Secrétariat pour l’économie.

Le Conseil pour l’économie a tenu à mettre en avant, à l’issue de cette rencontre, les efforts effectués pour «atteindre une transparence, une efficacité et une efficience toujours plus grandes». Pour cela, il peut s’appuyer sur les structures du nouveau pôle économique mis en place par le pape François dont voici une représentation schématisée:

L’administration économique et financière du Vatican

Pour rappel, sur les huit entités de cette administration de l’économie et des finances du Vatican, cinq ont été créées par le pape François: le Conseil pour l’économie (2014), le Secrétariat pour l’économie (2014), le Bureau du réviseur général (2015), le Comité pour les matières réservées (2020) et le comité pour les investissements du Saint-Siège (2022). L’ex-AIF a été réformée, devenant ASIF – rajoutant la compétence de surveillance –, tout comme l’APSA, devenue l’unique banque centrale du Vatican en récupérant le contrôle de tous les biens immobiliers et mobiliers de l’IOR – aussi réformé – et de la Secrétairerie d’État.

Les changements opérés depuis 2013 visent une répartition des fonctions plus rationnelle, mais aussi une plus grande transparence et efficacité pour lutter contre la corruption – notamment en modernisant l’attribution des contrats publics en 2020 – et contre le blanchiment d’argent – s’alignant sur ce point sur les normes indiquées par Moneyval, le réseau européen spécialisé dans ces questions qui a effectué plusieurs audits au Vatican ces dernières années.

Le procès de ›l’immeuble de Londres’ est-il un procès du passé?

Désormais, le temps de la réforme structurelle du Saint-Siège semble avoir pris de vitesse le temps judiciaire. Le 21 juillet, le tribunal de la cour d’appel de l’État de la cité du Vatican a par exemple confirmé la condamnation de l’ancien président de l’IOR (1989-2009), Angelo Caloia, à 8 ans et 11 mois de prison pour blanchiment d’argent et détournement de fonds aggravé. Il aurait tiré des bénéfices de vente du patrimoine immobilier géré à l’époque par l’IOR, une manœuvre impossible à réaliser maintenant que l’ensemble des fonds sont gérés par l’APSA et supervisés par plusieurs instances de contrôle.

Ce décalage est encore plus visible dans le procès de l’affaire ‘de l’immeuble de Londres’ – grand scandale financier du pontificat de François, qui tend à illustrer des problèmes divers que le pontife s’est efforcé de corriger avec Praedicate Evangelium. C’est d’ailleurs le message que le pape a semblé vouloir faire passer quand il a déclaré à Reuters le 2 juillet dernier que cette affaire s’expliquait par «l’irresponsabilité de la structure» et une administration de l’argent «immature».

Les statuts du nouveau Comité pour les investissements du Saint-Siège entendent ainsi répondre à un certain nombre d’éléments apparus depuis le lancement du procès il y a un an. Par exemple, le projet d’investissement dans une entreprise pétrolière angolaise en 2013 serait aujourd’hui probablement barré par l’obligation de respecter les normes ESG (écologie, social et bonne gouvernance).

Les interrogations concernant les nominations des gestionnaires des fonds du Saint-Siège – par exemple les banquiers Raffaele Mincione ou Gianluigi Torzi, tous deux mis en cause dans d’autres affaires – auraient été au moins examinées par le Comité, qui a le devoir de s’assurer de l’expérience, de la compétence technique et des «standards éthiques appropriés» des personnes chargées de gérer les investissements du Saint-Siège.

«Paradis fiscaux, au revoir!»

La centralisation de la gestion des investissements par l’APSA via l’IOR – prévue dans Praedicate Evangelium et précisée dans les statuts du Comité pour les investissements – va aussi entraîner la fermeture des comptes à l’étranger qui avaient pu poser problème dans de nombreuses affaires financières depuis la Banque Ambrosiano dans les années 80. «Paradis fiscaux, au revoir!», s’exclame la vaticaniste italienne Maria Antonietta Calabro, spécialiste des affaires judiciaires, sur son blog.

Dernier signe d’un important changement d’époque et de culture, aucun Italien n’a été nommé par le pape François dans ce nouveau comité. À la place, quatre experts reconnus venant d’Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis et de Norvège.

La réforme économique du Saint-Siège pourrait encore connaître quelques ajustements dans les mois et les années à venir, notamment concernant l’État de la Cité du Vatican dont le pape ne semble pas s’être encore occupé. Il est intéressant sur ce point de noter que le pape François a récemment nommé à sa tête du gouvernorat de l’État Mgr Fernando Vérgez Alzaga – malgré un âge avancé (77 ans) – avant d’annoncer qu’il comptait le créer cardinal, signe d’une réelle confiance.

Néanmoins, la principale question semble aujourd’hui être de savoir si la Curie et le Vatican sont à même d’intégrer les réformes du pape François dans les années à venir. (cath.ch/imedia/cd/rz)

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