«Si je devais renoncer, je resterais à Rome comme évêque émérite». Cette petite phrase prononcée lors d’une interview à une télévision mexicaine début juillet 2022 a agité les neurones des vaticanistes.
Après les discussions soutenues sur une possible renonciation en août, François n’a pas pu éviter les questions des journalistes à ce sujet. Il a fermement assuré qu’il ne comptait pas quitter le Trône de Pierre, à moins de n’être plus capable de poursuivre sa tâche. Mais il a en même temps glissé certaines réflexions indiquant qu’il se préoccupe bel et bien de cette échéance.
Il a ainsi certifié qu’il n’irait pas en Argentine: «Je suis l’évêque de Rome, dans ce cas je serai l’évêque émérite de Rome», a-t-il dit. Et sur la possibilité qu’il réside à Saint-Jean-de-Latran, le siège du diocèse de Rome, il a répondu que oui, «cela pourrait être» ainsi.
Le pontife sud-américain a en tout cas souligné que le rôle d’un ancien pape devait être mieux défini. Mais qu’est-ce que cela implique exactement? Le journaliste italien Andrea Gagliarducci répond partiellement à cette question dans une analyse publiée le 18 juillet 2022 dans le média Monday Vatican.
Il commence par expliquer que «tout s’est bien passé avec Benoît XVI uniquement parce que c’était Benoît XVI». Dans la pratique, le pape François semble avoir accepté les décisions de Joseph Ratzinger, pour lequel il a une grande affection et un grand respect. «Mais il ne les a pas appréciées». «François n’aime pas que Benoît XVI soit resté vivre au Vatican, ni qu’il s’appelle lui-même pape émérite. Qu’il veuille marquer une discontinuité ou qu’il veuille exprimer un désaccord, le pape François a clairement montré qu’il n’a pas été capable de gérer la situation».
Bien sûr, la situation n’a pas été gérée parce que le pape François lui-même n’a pas encore donné de cadre juridique à la figure du pape émérite, souligne Andrea Gagliarducci. Il semble que cette idée ait été mise sur la table également parce que la réforme de la Curie l’a conduit à modifier les règles du sede vacante (la période de vacance entre deux papes).
Pour le vaticaniste, Benoît XVI a pris le titre de «pape émérite» parce qu’il pensait que le pontife ne pouvait pas retourner à la vie de cardinal, puisque l’élection représente le fait de devenir le Vicaire du Christ sur terre, et que le Christ n’est pas descendu de la croix. Or, dans son édition 2020, l’Annuario Pontificio, l’annuaire du Vatican publié chaque année avec toutes les informations sur la hiérarchie de l’Eglise catholique, a laissé tomber la désignation du pape comme «Vicaire de Jésus-Christ».
Avec sa renonciation, le pape émérite allemand a aussi pensé mettre en valeur la collégialité des évêques, note Andrea Gagliarducci, laissant un espace dans le futur pour une réforme de la fonction du pape émérite sans chercher à avoir une influence sur son successeur. Benoît XVI aurait ainsi «tout arrangé de bonne foi, laissant son successeur libre de légiférer, s’il le souhaite.»
Malgré quelques prises de parole qui ont pu être considérées comme des «interférences», Joseph Ratzinger a toujours semblé conscient de sa position. Il a ainsi déclaré en juin 2019: «Il n’y a qu’un seul pape, c’est François».
L’adoption du titre «d’évêque émérite de Rome» par Jorge Bergoglio serait en tout cas en solide continuité avec l’ensemble de son magistère, souligne Andrea Gagliarducci. «Dès le début, en regardant depuis la loggia des bénédictions, le pape François a souligné son rôle d’évêque de Rome. Pour renforcer cet aspect, les documents officiels du pape sont désormais toujours signés à ‘San Giovanni in Laterano’ et non au Vatican».
Le fait que le pape se définisse comme «évêque émérite de Rome» après une éventuelle renonciation ouvre la possibilité d’un pontife beaucoup plus présent dans la vie de l’Eglise que ne l’était Benoît XVI, affirme le vaticaniste. Un pape «retraité» qui sera également capable d’influencer son successeur. (cath.ch/mondayvatican/arch/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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