Russie: un prêtre arrêté pour avoir critiqué la guerre

Le prêtre orthodoxe Ioann Kurmoyarov a été arrêté en juillet 2022 par la police russe. Il serait le premier ecclésiastique emprisonné en vertu des lois du pays qui interdisent la critique de la guerre d’invasion en Ukraine.

Le Père Kurmoyarov a été placé dans le centre de détention numéro un de la prison de Kresty, à Saint-Petersbourg, où il risque de rester pendant des années, rapporte le 17 juillet 2022 la BBC. Sa période de détention préliminaire se termine le 6 août, après quoi la date de son procès doit être fixée. Le prêtre orthodoxe serait la première personnalité religieuse à subir les nouvelles lois de censure russes punissant les personnes contredisant le récit officiel sur la guerre en Ukraine.

Suspendu par l’Eglise

Le Père Kurmoyarov se décrit comme un «pacifiste chrétien». Il lui est notamment reproché d’avoir posté le 12 mars 2022, quelques semaines après le début de la guerre, une vidéo où il condamne «l’opération militaire». «Vous êtes les agresseurs qui ont attaqué et tué des civils. Vous n’irez dans aucune sorte de paradis, vous irez en enfer», assure-t-il dans la vidéo, à l’adresse des dirigeants russes.

Le prêtre est déjà connu depuis des années comme un militant pacifiste et un farouche défenseur de la liberté d’expression. Il avait qualifié en 2020 la nouvelle cathédrale des forces armées, à Moscou, de «temple païen». Conçue par l’actuel ministre de la défense Sergeï Shoigu, elle était destinée à abriter des fresques représentant notamment Joseph Staline, Sergeï Shoigu lui-même, et Vladimir Poutine. Une expression publique qui a valu au Père Kurmoyarov d’être suspendu de l’Eglise russe.

Condamné par la justice ukrainienne

Etonnament, l’ecclésiastique a également été inquiété par la justice en Ukraine, où il a officié pendant des années. Il lui a été reproché, dans ce pays, de porter le ruban de St-Georges. Cette bande de tissu rayée orange et noir a été utilisée pour commémorer la victoire sur l’Allemagne nazie. Mais le ruban a également été adopté comme signe de ralliement par les séparatistes soutenus par la Russie dans l’est de l’Ukraine. Ayant été interdit suite à l’annexion de la Crimée par Moscou, en 2014, le Père Kurmoyarov avait été condamné à une amende d’environ 100 euros. Il ne s’agissait pas, selon lui, de soutenir les séparatistes, mais de défendre la liberté d’expression.

Revenu en Russie après cet épisode, il risque actuellement 10 ans de prison. Sa famille et son avocat lui ont conseillé de plaider coupable, afin d’alléger potentiellement sa peine. Ce que le Père Kurmoyarov refuse, estimant qu’il n’a commis aucun délit. Le prêtre n’est pas le seul membre de l’Eglise orthodoxe russe à s’opposer ouvertement à la guerre. Des centaines de prêtres ont condamné l’intervention russe dans une pétition au mois d’avril et demandé la destitution du patriarche Cyrille. L’Eglise orthodoxe russe présente en Ukraine a également déclaré, en mai, la rupture de ses liens avec Moscou. (cath.ch/bbc/rz)

Raphaël Zbinden

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