Dans un message adressé aux participants à la Conférence des jeunes de l’Union européenne, organisée à Prague du 11 au 13 juillet 2022, le pape adresse une dense et exigeante réflexion sur la responsabilité des jeunes dans la construction de l’avenir de leur continent.
«Nous devons tous nous engager à mettre fin à ces ravages de la guerre», martèle le pape dans ce message daté du 6 juillet et rendu public le 11 juillet. «J’aime à penser que si le monde était dirigé par des jeunes, il n’y aurait pas autant de guerres: ceux qui ont toute la vie devant eux ne veulent pas la briser et la jeter, mais la vivre pleinement», insiste le pontife de 85 ans.
«L’idée d’une Europe unie est née d’une forte aspiration à la paix après tant de guerres menées sur le continent, et a conduit à une période de paix de 70 ans», remarque le pape François, dont l’enfance en Argentine a été marquée par les échos de la Seconde Guerre mondiale.
Dans un long développement, le pape invite les jeunes Européens à «faire connaissance avec la figure extraordinaire d’un jeune objecteur de conscience qui a combattu le nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale, Franz Jägerstätter, proclamé bienheureux par le pape Benoît XVI». Son histoire a été le thème d’un film du réalisateur américain Terrence Malick, Une Vie cachée, sorti en salles en 2019.
«Franz était un jeune paysan autrichien qui, en raison de sa foi catholique, a fait en conscience objection à l’injonction de prêter allégeance à Hitler et de partir à la guerre», rappelle le pape François. Il rend hommage à son épouse Franziska, qui avait soutenu la résistance de son mari. Cette femme, décédée centenaire en 2013 après 70 ans de veuvage, avait pu assister à la béatification de son mari six ans plus tôt.
«Lorsqu’il a été appelé aux armes, il a refusé, car il estimait qu’il était injuste de tuer des vies innocentes», rappelle le pape. Il a évoqué les pressions subies par ce jeune catholique dans son milieu, y compris au niveau de sa paroisse, dans laquelle un prêtre avait tenté de le dissuader. «Tout le monde était contre lui, sauf sa femme Franziska qui, même si elle connaissait les énormes dangers, a toujours été aux côtés de son mari et l’a soutenu jusqu’au bout», insiste le pape.
Malgré les tortures, «Franz préférait être tué que de tuer. Il considérait que la guerre était totalement injustifiée. Si tous les jeunes hommes appelés aux armes avaient fait comme lui, Hitler n’aurait pas été en mesure de réaliser ses plans diaboliques», raconte le pape, qui précise que «le mal a besoin de complices pour gagner».
Franz Jägerstätter a été tué dans la même prison que le théologien allemand Dietrich Bonhoeffer, de confession luthérienne, «qui a connu la même fin tragique», raconte François.
Le pape dit son espoir de voir les jeunes d’aujourd’hui transformer le «vieux continent» en un «nouveau continent». «Je sais que votre génération a de bonnes cartes à jouer: vous êtes des jeunes attentifs, moins idéologiques, habitués à étudier dans d’autres pays européens, ouverts aux expériences de volontariat, sensibles aux questions environnementales», s’enthousiasme l’évêque de Rome.
«Si, par le passé, vos ancêtres sont allés sur d’autres continents, pas toujours pour de nobles intérêts, c’est maintenant à vous de présenter au monde un nouveau visage de l’Europe», souligne le pape François. Il souligne que le Pacte éducatif mondial lancé à l’automne 2019 avait notamment pour objectif «d’écouter les enfants, les adolescents et les jeunes».
Prenant appui sur les méthodes du pédagogue brésilien Paulo Freire (1921-1997), le pape invite les jeunes à se montrer créatifs et exigeants vis-à-vis de leurs formateurs. «S’ils ne vous écoutent pas, criez encore plus fort, faites du bruit, vous avez votre mot à dire sur ce qui concerne votre avenir», insiste le pape.
Se présentant lui-même comme «un fils d’Italiens qui ont émigré en Argentine», le pape remarque que «l’expérience de millions d’étudiants européens qui ont participé au projet Erasmus témoigne du fait que les rencontres entre personnes de peuples différents contribuent à ouvrir les yeux, les esprits et les cœurs».
«L’objectif principal du pacte éducatif est d’éduquer chacun à une vie plus fraternelle, basée non pas sur la compétitivité mais sur la solidarité», martèle le pape. Il dénonce la logique «exclusive et excluante» des écoles élitistes. Il rappelle que l’éducation doit aider à «connaître l’autre» et non seulement à «se connaître soi-même». Le pape se réjouit de l’intérêt porté par des universités et écoles musulmanes à son encyclique Fratelli tutti (2020) et au Document sur la fraternité humaine signé à Abou Dhabi en 2019.
Le pape exhorte aussi au «soin de la Maison commune», qui passe notamment par la lutte contre le gaspillage. «Il est urgent de réduire la consommation, non seulement de combustibles fossiles, mais aussi de nombreuses choses superflues; de même, dans certaines régions du monde, il convient de consommer moins de viande: cela aussi peut contribuer à sauver l’environnement», explique François, qui invite les jeunes à lire son encyclique Laudato si’ (2015).
Le pontife appelle aussi les jeunes Européens «à regarder au-delà, vers le haut, à toujours chercher le sens de votre vie, votre origine, votre fin, la Vérité, car vous ne pouvez pas vivre si vous ne cherchez pas la Vérité», souligne-t-il. Il invite les jeunes à lire son exhortation apostolique Christus vivit (2019) et à participer aux JMJ de Lisbonne, prévus en août 2023.
«Puissiez-vous aussi être généreux en générant de nouvelles vies, toujours et seulement par amour! Amour à votre mari et à votre femme, amour à votre famille, amour à vos enfants, et aussi amour à l’Europe, afin qu’elle soit pour tous une terre de paix, de liberté et de dignité», insiste-t-il. (cath.ch/imedia/cv/rz)
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