Mardi après-midi, les portes de la Maison des Amis Montagnards sont grandes ouvertes. Dans la fraîcheur du chœur, des jeunes s’exercent à la grimpe sur le mur d’escalade ou travaillent leur équilibre sur la slackline tendue à quelques centimètres du sol. D’autres en sont déjà au goûter: une tranche de pastèque ou quelque sirop pour se désaltérer avant de s’élancer à la verticale. Bienvenue dans la maison d’une association centenaire depuis deux décennies déjà.
«Amis Montagnards. Tous les jeunes gens catholiques de Genève, âgés d’au moins 18 ans qui s’intéressent aux courses de montagnes sont cordialement invités à assister à cette réunion – Le Courrier, 13 février 1898». Deux jours après cette annonce, les pionniers du club se retrouvent au Café Garance, rue du Commerce, pour poser les premières fondations des Amis Montagnards. Depuis, ils se réunissent tous les mardis soirs dans des cafés ou chez un membre, jusqu’en 2004, date de l’inauguration de la Maison des Amis Montagnards.
Sous la présidence de François Besson (1960-1970), le club avait créé un fonds afin d’acheter un local. L’acquisition de l’ancienne église de Saint-Georges du Petit-Lancy, future Maison des Amis Montagnards sera l’œuvre de Robert Assaël (1988-2004), «grâce à sa persévérance et à son esprit d’organisation». La MAM, premier «stamm» propre des Amis Montagnards est inaugurée le 13 novembre 2004. Aujourd’hui, le chœur de cet ancien lieu de culte a fait place à un mur d’escalade sur lequel toutes les générations s’élancent. La sacristie fait office de bureau central pour les réunions du comité. Enfin, une galerie a été aménagée en salon et coin lecture; elle surplombe la salle centrale, où tables et bancs accueillent en permanence.
«Je me rappelle que lorsqu’il y avait un prêtre parmi les alpinistes présents dans les cabanes de montagne, ils proposaient une messe à celles et ceux qui voulaient. Un petit ciboire, un petit calice, une étole, et c’était bon!», se souvient Emmanuel Rossi, membre du comité des Amis Montagnards. Si aujourd’hui l’association a pour but «de faciliter la pratique des sports et de favoriser les loisirs de montagne dans un esprit d’amitié et de solidarité», elle a initialement été créée par des catholiques désirant allier pratique sportive et devoirs religieux lors des sorties en montagne. «A l’époque, Genève était protestante et d’obédience politique radicale, il y avait une coloration politico-religieuse assez marquée. Par exemple, les prêtres n’avaient pas le droit, théoriquement, de se balader dans la rue en col romain et en soutane», explique Emmanuel Rossi.
Aumônier du club jusque dans les années 1960, l’abbé Jean Comoli a laissé de nombreux témoignages de l’orientation religieuse qu’il voulait insuffler dans l’esprit des Amis Montagnards. Dans le bulletin du club de mars 1938, il développe son «alpinisme religieux»: «L’essentiel pour nous, chrétiens, n’est pas de conquérir telle cime, ni d’oxygéner notre sang, ni de battre tel record de montée ou de descente, mais bien de savoir quel est le sens de notre vie. (…) L’amour de la montagne n’est véritable que s’il reste à sa place, c’est-à-dire s’il contribue à réaliser notre destinée éternelle.»
Avec le concile Vatican II, les aumôniers qui lui ont succédé font le compromis d’une pratique religieuse moins contraignante et plus individuelle. Fondé le 1er mars 1898 sous l’égide de saint Bernard de Menthon, le club a maintenu son identité catholique dans ses statuts jusqu’en 1989. Aujourd’hui, dans la charte des Amis Montagnards, six valeurs «laïques» sont mises en avant: amitié, tolérance, environnement, responsabilité, formation et réciprocité. (cath.ch/jsdv)
Jessica Da Silva
Portail catholique suisse
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