Né le 8 août 1934 à Montenegro, dans l’archidiocèse de Porto Alegre, dans une famille d’origine allemande, Cláudio Hummes rejoint la congrégation des franciscains en 1952. Il prononce ses vœux en 1956 et est ordonné prêtre en 1958. Durant son parcours de formation, vécu à Rome dans l’effervescence des préparatifs et du début du Concile Vatican II, il soutient une thèse de philosophie à l’Université Antonianum sur l’intellectuel français Maurice Blondel (1861-1949), modernisateur de la philosophie chrétienne.
Bon connaisseur de la langue française et de la culture francophone, Cláudio Hummes se spécialisera quelques années plus tard dans la recherche œcuménique en suivant des études à l’Institut œcuménique de Bossey, près de Genève.
Après avoir enseigné la philosophie dans plusieurs institutions, notamment à l’Université catholique pontificale de Porto Alegre, il devient à 38 ans, en 1972, provincial des franciscains du Rio Grande do Sul, et président du Conseil franciscain d’Amérique latine. Il n’a que 40 ans lorsque Paul VI le nomme, en 1975, évêque coadjuteur de Santo André, une ville industrielle de la périphérie de São Paulo, où les usines de métallurgie et l’industrie automobile, notamment Volkswagen, employaient jusqu’à 250’000 ouvriers.
Devenu évêque de plein droit en fin d’année, il sera confronté à de nombreux conflits sociaux durant ses 20 années d’épiscopat, assumant l’ouverture des églises aux grévistes, afin de dissuader la répression armée. Cette attitude lui vaudra d’être menacé par les autorités. «Le Brésil, à cette époque, se trouvait pris dans l’étau de la dictature militaire et toute allusion à une mobilisation en défense des droits des ouvriers était considérée comme subversive et réprimée dans la violence», expliquera-t-il trois décennies plus tard dans une interview au mensuel italien 30 Giorni.
Il se lie d’amitié à cette époque avec le leader syndical Luiz Inácio Lula da Silva, qui sera élu président en 2002. «Je l’ai connu dans ces années et nous avons travaillé ensemble parce que le diocèse de Santo André s’est rangé tout de suite du côté de ce nouveau syndicalisme non violent, dont les revendications nous ont semblé justes. On m’a, à moi aussi comme à Lula, lancé des pierres parce que je l’accompagnais souvent dans ses sorties», racontera le cardinal Hummes.
Apprécié par Jean Paul II pour son souci des pauvres mais aussi pour sa fidélité à Rome et sa distance face aux excès de la théologie de la libération, Mgr Cláudio Hummes est promu archevêque de Fortaleza en 1996, puis de São Paulo en 1998. Il devient cardinal en 2001, lors du même consistoire que Mgr Jorge Mario Bergoglio, l’archevêque de Buenos Aires et futur pape François.
En 2002, Jean Paul II invite le cardinal Hummes à prêcher la retraite de Carême de la Curie, un signe de confiance important de la part du pape polonais, qui avait notamment remarqué l’efficacité et la loyauté de l’archevêque brésilien lors de la Rencontre mondiale des familles organisée à Rio de Janeiro en 1997.
Il fera figure de «papabile» lors du conclave de 2005, qui voit l’élection de Benoît XVI au Siège de Pierre. Le pape allemand l’appelle un an plus tard à la tête de la Congrégation pour le clergé, charge qu’il occupera jusqu’en 2010. Il est ainsi l’organisateur de l’Année sacerdotale en 2009-2010, qui se conclura avec la proclamation du curé d’Ars, saint Jean-Marie Vianney, comme saint patron de tous les curés du monde.
En mars 2013, il participe au conclave qui mènera à l’élection de son ami argentin, le cardinal Jorge Mario Bergoglio. Bien que cela ne soit pas prévu dans le protocole, le pape lui demande de venir avec lui à la loggia de la basilique Saint-Pierre pour sa première bénédiction à la foule. Le pape argentin confiera quelques jours plus tard que le cardinal Hummes lui a inspiré le nom de François en lui soufflant, dans la chapelle Sixtine: «N’oublie pas les pauvres».
Bien qu’octogénaire, le cardinal Hummes sera très actif dans le lien entre le premier pape latino-américain de l’Histoire et son continent d’origine. Délégué pour l’Amazonie au sein de la conférence épiscopale brésilienne, il se verra confier, à 85 ans, le rôle de rapporteur général du Synode sur l’Amazonie organisé en octobre 2019 au Vatican, et dont il est considéré comme l’inspirateur.
Après avoir été président du Réseau ecclésial panamazonien (Repam) de 2014 à 2020, il a été de 2020 à 2022 le président d’un nouvel organisme, la Conférence ecclésiale de l’Amazonie (CEAMA), qui est un fruit du Synode. Il s’est retiré en mars dernier pour raison de santé.
Le pape François perd ainsi un allié précieux, qui l’avait aidé à structurer son pontificat et sa réflexion sur la synodalité. Dans un entretien de 2019 à La Civiltà Cattolica, le cardinal Hummes saluait les efforts du pape François en expliquant que «dès le début de son pontificat, il a exhorté et encouragé l’Église à se lever et à ne pas rester statique et trop confiante dans sa théologie, sa vision des choses, dans une attitude défensive. Le passé n’est pas pétrifié, il doit toujours faire partie de l’histoire, d’une tradition qui va vers l’avenir», insistait le cardinal Hummes.
Dans un télégramme adressé au cardinal Odilo Pedro Scherer, rendu public le 5 juillet 2022 par le Bureau de presse du Saint-Siège, le pape François lui dit avoir reçu « avec une profonde peine » la nouvelle du décès de son prédécesseur comme archevêque de São Paulo, et il assure prier « pour le repos de ce frère éternel ».
L’évêque de Rome fait part de sa gratitude « pour les longues années de son service dévoué et zélé, toujours guidé par les valeurs évangéliques, à la sainte mère Église dans les diverses charges pastorales qui lui ont été confiées au Brésil et au sein de la Curie romaine », et salue particulièrement « son engagement ces dernières années pour l’Église en marche en Amazonie ».
Le pape exprime aussi son souvenir personnel du conclave : « Je garde toujours vivantes dans la mémoire les paroles que Dom Cláudio m’avait dites le 13 mars 2013, en me demandant de ne pas oublier les pauvres », indique le pape, qui s’exprime rarement en son nom propre dans des messages de condoléances habituellement plus protocolaires.
«En gage de consolation et d’espérance dans la vie éternelle, je vous envoie, ainsi qu’à tous ceux qui s’unissent en prière pour les obsèques du cardinal Hummes, la bénédiction apostolique», conclut le pape argentin.
Après son décès, le Collège des cardinaux compte désormais 207 membres, parmi lesquels 116 cardinaux électeurs et 91 non électeurs. Le Brésil perd un cardinal d’une grande envergure internationale, mais deux nouveaux Brésiliens feront leur entrée dans le Sacré Collège le 27 août prochain, parmi les 20 nouveaux cardinaux dont la liste marque une nette inflexion de la composition du Sacré Collège vers l’hémisphère Sud. (cath.ch/imedia/cv/rz)
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