Simone Previte le dit d’emblée, sa vocation n’est pas de l’ordre de l’extraordinaire. «En regardant en arrière, cela paraît évident». Pourtant le natif de Monthey (VS) ne peut pas «se vanter» d’être issu d’une famille pratiquante. «Mais j’ai reçu une éducation catholique par tradition et par attachement». Il fait allusion aux origines siciliennes de la famille.
Ses parents sont italiens – sa maman de la troisième génération est née à Bex (VD) – mais Simone est né à Monthey en 1996. «Mon enfance a été assez banale». Il a habité à Massongex, puis 10 ans à Epinassey (VS). Ses études le mènent au collège de Saint-Maurice, de 2012 à 2016, où il obtient une matu avec l’option italien. «Cela m’a permis de bien connaître la culture et les auteurs italiens». Son travail de matu est d’ordre théologique et historique: «La primauté pontificale entre Vatican I et Vatican II».
Jeunes, il veut servir la messe, mais les parents ne sont pas d’accord. Il contourne l’obstacle en allant chez ses cousins, qu’il accompagne à la messe presque tous les dimanches.
Même s’il ne pratique pas, Simone revendique une éducation dans la foi chrétienne, notamment en ce qui concerne les valeurs que ces parents lui inculquent, ainsi qu’à ses deux frères: le sens et la dignité du travail. On gagne son pain à la sueur de son front. «Cela induit une forme de générosité: tu bosses pour toi, mais aussi pour les autres, pour le bien commun». Il ne le revendique pas parce que c’est chrétien. «Non. Cela correspond aussi à une solidarité très forte du noyau familial».
D’ailleurs, illustre-t-il, lorsque son père, maçon de profession, a construit la maison familiale, tout le monde s’y est mis. «C’est une grâce d’aider. Il ne s’agissait pas de voir monter les murs sans rien faire». Il donne des coups de main à la cantine du football club de Massongex (VS) que tient son père. Et il seconde ses parents à la pizzeria.
A l’adolescence, la fréquentation assidue de l’aumônerie du collège va lui permettre de satisfaire son désir d’eucharistie et de prière. «Ce fut comme un tremplin», d’autant que le chanoine responsable de l’aumônerie l’aide à avancer dans sa vie de prière. On ne parle pas encore de vocation, mais l’étudiant s’investit dans sa vie chrétienne et le chanoine lui propose de servir la messe à la basilique, la première fois à Pâques 2016.
Un job d’été passé à l’accueil de la boutique de l’Abbaye en 2015 le rapproche du lieu. «On est en plein 1500eme anniversaire de la fondation de l’Abbaye, la communauté est rayonnante. C’était une belle effervescence. Ca a été une expérience forte pour moi sur les plans culturel et spirituel».
Après la matu, suit une année de théologie à l’uni de Fribourg, «par curiosité». Le contact avec des séminaristes de son âge casse le cliché que Simone s’était construit sur ces jeunes «séminaristes religieux». «Je ne voyais plus l’écart que j’avais imaginé entre moi et ces autres jeunes, qui se posaient finalement les mêmes questions». Cette expérience le fait avancer dans sa réflexion.
A Pâques 2017, il est accepté au postulat à l›Abbaye et continue ses études de théologie au séminaire à Givisiez. Le fait d’entrer à l’abbaye n’est pas un grand changement, Simone est familier des lieux et de la communauté. Sa trajectoire l’y a amené et «une fois que tu as les deux pieds dedans, le ›oui’ te tombe dessus». D’autant plus qu’au même moment, une amie lui confie son projet d’entrer dans les ordres. «J’ai d’abord été très surpris pour elle et j’ai pensé que si elle avait dit «oui», alors pourquoi pas moi?». Ce n’est pas foudroyant, mais «quand même, on prend une gifle quand on accepte cela», souffle le jeune homme.
Aucun doute non plus sur le lieu de sa vocation, il n’a pas du tout senti la nécessité de chercher plus loin que Saint-Maurice. «Ce lieu et cette communauté m’étaient donnés avec ma vocation». Il prend ensemble la magnifique expérience du 1500ème de l’abbaye et une communauté fragile, âgée. «Ce sont des amis, ils m’ont aidé et m’aident à évoluer dans mon parcours». D’autant qu’il n’envisage pas sa vocation autrement que par le sacerdoce mêlé à la vie religieuse.
Il a fait son choix de vie librement et il en est heureux. La seule chose qui aurait pu le dissuader de poursuivre sa voie vers l’Abbaye aurait été les doutes de sa famille. «Cela aurait pu me faire changer d’avis. Ca aurait été terrible pour moi». Passées les larmes de sa maman et la stupéfaction de son père, l’entourage a bien compris son engagement. Il en fut soulagé.
D’autant que pour apaiser la tristesse sur l’absence de la filiation, il a évoqué ses deux frères qui pourront donner des petits-enfants à ses parents. «Pour être sûr de ne pas me laisser influencer, j’avais déjà écrit la lettre au Père-Abbé», sourit-il.
En fait, il a fallu expliquer de quoi il s’agissait concrètement pour chaque étape: le postulat, les vœux simples et les vœux solennels (définitifs). «Les gens, à commencer par mes frères, ne voyaient pas exactement de quoi je parlais». Concernant son engagement religieux, Simone parle d’une éducation à faire pour que l’entourage fasse son deuil.
Le Père-abbé, Mgr Jean Scarcella, a clairement posé la problématique lorsqu’il est venu lui demander d’entrer à l’Abbaye: «Tu as vu notre communauté?» «J’ai répondu que si personne ne faisait le premier pas, personne d’autre ne suivrait. Et je ne suis pas celui qui fermera l’Abbaye à clé» (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
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