«Il est trop tôt pour dire de façon précise ce qu’il se passera avec le site de Pensier», affirme Mgr François Touvet à cath.ch. L’évêque de Châlons-en-Champagne est chargé d’administrer la communauté du Verbe de Vie jusqu’à sa dissolution effective, actée au 1er juillet 2023. L’association privée de fidèles avait été fondée en 1986 en Corrèze par le couple Josette et Georges Bonneval.
La communauté était arrivée en Suisse dans la paroisse de Saint-Pierre-de-Clages (VS) en 1992-1996, puis à la Maison st-Dominique de Pensier (FR) depuis 1993. En été 2021, les huit sœurs consacrées du Verbe de Vie ont quitté le village fribourgeois pour une période qu’elles espéraient temporaire. Une communauté de laïcs a continué de résider à la maison Saint Dominique.
Mgr Touvet affirme avoir déjà pris contacts avec des personnes en Suisse romande quant à l’avenir de la Maison St-Dominique. «Mais rien de concret n’est encore réalisé», précise-t-il. L’évêque indique devoir encore se renseigner sur le statut de propriété des lieux, gérés actuellement par une association. Malgré les nombreuses incertitudes face à cette annonce soudaine et inattendue, Mgr Touvet relève que «face à la situation, il faut envisager la possibilité de se séparer de la maison».
Il ne peut pas cependant pas dire ce qu’il adviendra des personnes liées au lieu. La question de l’avenir des membres du Verbe de Vie est «au cœur des préoccupations», assure l’évêque de Châlons-en-Champagne.
Il souligne qu’un dispositif d’accompagnement «inédit» a été mis en place. La liberté de parole, de conscience et de choix leur a été garantie concernant leur avenir. Mgr Touvet a mandaté une équipe de 20 psychologues, dont chaque membre pourra bénéficier du service, avec un contact hebdomadaire. Un accompagnement spirituel est aussi prévu. Une ligne d’écoute téléphonique sera en outre ouverte.
Mais le principal souci de l’évêque est l’avenir des 27 femmes consacrées au sein du Verbe de Vie, a-t-il assuré dans une interview au journal La Vie. Il affirme avoir d’ores et déjà pris contact avec des communautés religieuses qui pourraient les accueillir.
La situation est différente pour les sept prêtres de la communauté, car ils sont incardinés dans les diocèses de Toulon, Bruxelles, Bamako (Mali) et Lausanne, Genève et Fribourg (LGF). Ils pourront rejoindre leur diocèse, celui où ils exercent leur ministère, ou intégrer une communauté religieuse ailleurs, a précisé l’administrateur.
«Il y avait beaucoup de larmes»
Mgr François Touvet
Mgr Touvet assure en tout cas de sa proximité avec les membres du Verbe de Vie, dont la plupart sont dans un profond désarroi. «Il y avait beaucoup de larmes», note-t-il suite à des entretiens individuels. L’évêque défend néanmoins la nécessité de la mesure, face à l’incapacité de la communauté à se réformer. Une première visite canonique avait déjà constaté des dysfonctionnements alarmants en 2002. Une seconde, de janvier à avril 2022, «a retrouvé les mêmes faits, donnant l’impression que les choses n’avaient pas évolué suffisamment».
Un constat confirmé par d’anciens membres du Verbe de Vie, notamment à Fribourg. Le diacre Bertrand Georges et son épouse Françoise ont passé 17 ans (de 1993 à 2010) dans la communauté du Verbe de Vie à Pensier. Le couple a même été responsable de cette maison durant plusieurs années.
Aujourd’hui agent pastoral dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), Bertrand Georges dit comprendre la décision de dissoudre le Verbe de Vie, en raison des difficultés pointées par la récente visite canonique et du fait que la communauté ne dispose plus aujourd’hui des forces nécessaires pour entreprendre une refondation.
«La question de la ‘communion des états de vie’ a manqué de réflexion»
Bertrand Georges
«Au fil des ans, mon épouse et moi, nous sommes rendus compte des dysfonctionnements chroniques dans la communauté. Effectivement, comme il a été dit, un mauvais pli a été pris dès le départ. Des schémas inappropriés se reproduisaient dans les différentes fondations de la communauté, sans que l’on ne perçoive, à l’époque, une réelle volonté ou capacité d’entreprendre les réformes qui s’imposaient». Une occasion a certainement été manquée après la visite canonique de 2002 où les réformes préconisées par Mgr Charrier, évêque de Tulle (France) et garant de la communauté, n’ont pas été menées jusqu’au bout.
Pour Bertrand et Françoise Georges, la question de la «communion des états de vie», pourtant au cœur du charisme des communautés nouvelles, a manqué de réflexion. Dans les communautés du Verbe de Vie cohabitent en effet aussi bien des familles, des laïcs célibataires que des personnes consacrées. Les nécessaires distinctions entre ces différentes réalités avec leurs exigences propres n’ont, à l’époque, «pas assez été prises en compte par les instances générales de la communauté». Des insatisfactions qui ont poussé le couple à finalement quitter la Maison Dominique, à Pensier, où ils ont résidé de nombreuses années avec leurs enfants.
Sans rien nier des difficultés mises en lumière, Bertrand Georges tient quoiqu’il en soit à rendre hommage à l’aventure du Verbe de Vie. «Il ne faut pas oublier tout le bien que cette communauté a fait, son désir authentique d’annoncer l’Évangile et de servir l’Église, les belles choses que les personnes ont vécues en son sein. Des retraites et des activités s’y sont tenues, avec de beaux fruits à la clé. Au fil des années, Pensier était devenu un lieu apprécié pour les retraites de préparation aux sacrements de communion et de confirmation».
Le diacre souhaite en tout cas que les membres actuels du Verbe de Vie puissent bénéficier d’un accompagnement adéquat et que leur soit donné l’opportunité de poursuivre leur chemin de foi dans d’autres contextes propices.
Contactés par cath.ch, les responsables du Verbe de Vie à Pensier confirment que la Maison St-Dominique est la propriété de la communauté. (cath.ch/lavie/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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