Dans cette lettre de 17 pages et composée de 65 paragraphes, le pape François explique avoir ressenti le besoin de s’adresser à tous – évêques, prêtres, diacres, consacrés et laïcs – après s’être adressé uniquement aux évêques dans le Motu proprio Traditionis custodes, publié le 16 juillet 2021. Ce texte, limitant drastiquement les célébrations dans la forme du rite extraordinaire, avait suscité une vive polémique dans le monde traditionnaliste. Dans sa lettre, il réaffirme avec force les directives du décret qui vise à garantir «une seule et même prière» capable d’exprimer l’unité de l’Église comme souhaité par le Concile Vatican II.
«Les tensions, malheureusement présentes autour de la célébration» ne sont pas «une simple divergence entre différentes sensibilités envers une forme rituelle», affirme le pape, qui considère qu’elles relèvent « avant tout » d’un problème «ecclésiologique». «Je ne vois pas comment on peut dire que l’on reconnaît la validité du Concile […] et ne pas accepter la réforme liturgique née de Sacrosanctum Concilium (première constitution du Concile instituant en 1963 la réforme liturgique, ndlr)», insiste-t-il.
Faisant le constat de la «non-acceptation» et d’une «compréhension superficielle» de cette réforme liturgique aujourd’hui, le pontife en appelle à une «formation liturgique sérieuse et vitale». Celle-ci doit s’écarter de toute « instrumentalisation au service d’une vision idéologique, quelle qu’elle soit».
Cette formation liturgique passe d’abord, selon le pontife, par les séminaires où elle doit être mise au centre de l’apprentissage théologique parce qu’il «n’y a pas d’aspect de la vie ecclésiale qui ne trouve son sommet et sa source dans la liturgie». Elle doit ensuite être transmise aux fidèles par les prêtres, les parents, les grands-parents et les catéchistes.
Plus largement, cette formation doit rendre à l’homme la «puissance symbolique» qu’il a perdue aujourd’hui à cause des «méfaits du matérialisme», estime l’évêque de Rome. Il s’agit donc de lui enseigner à nouveau le «langage symbolique de la liturgie», qui n’est ni une langue intellectuelle ni une initiation spiritualiste mais «une expérience vitale» de l’union de l’âme et du corps amenée à croître en chaque personne.
«L’art de la célébration ne s’improvise pas», souligne le pape, qui a souhaité dans sa lettre donner quelques exemples de bonnes et de mauvaises manières de célébrer. Il insiste sur l’importance accordée au silence dans une célébration liturgique, silence qui n’est pas un «havre intérieur » pour l’individu mais «le symbole de la présence et de l’action de l’Esprit Saint». La génuflexion, elle, «déclare notre petitesse en présence de Dieu» et doit être faite «en pleine conscience de son sens symbolique».
Chaque détail de la liturgie «est digne de la plus grande attention, non pas formelle ou simplement extérieure, mais vivante et intérieure», insiste le pontife. Il demande à ce que «chaque geste et chaque parole de la célébration», exprimés avec «art», participent à la formation de la personnalité chrétienne de chaque individu et de la communauté.
Le pontife met aussi en garde les célébrants contre « un personnalisme exacerbé […] qui exprime parfois une manie mal dissimulée d’être au centre de l’attention», là où le Christ devrait être. Il cite les nombreuses formes que cette réalité peut prendre: «une austérité rigide ou une créativité exaspérante, un mysticisme spiritualisant ou un fonctionnalisme pratique, une vivacité précipitée ou une lenteur exagérée, une insouciance négligée ou une minutie excessive, une amabilité surabondante ou une impassibilité sacerdotale». Pour remédier à ces mauvaises pratiques, le pape François invite les prêtres à se laisser «continuellement» éduquer par la liturgie elle-même.
La liturgie, explique le successeur de Pierre, doit être «l’antidote» contre les poisons de la «mondanité spirituelle» que sont le subjectivisme gnostique – l’autoréférentialité – et l’individualisme néo-pélagien – péché d’orgueil qui considère que le Salut ne dépend pas de la grâce mais des efforts individuels. Pour que le remède soit efficace, il exhorte à une «redécouverte continuelle» de la beauté de la liturgie.
Celle-ci, avertit le pape François, demande d’écarter tout «esthétisme rituel» obnubilé par la «forme extérieure d’un rite», et ne se limite pas à «une scrupuleuse observance des rubriques». Et ce même si «tous les aspects de la célébration doivent être soignés» et « toutes les rubriques doivent être respectées».
«L’homme moderne est devenu analphabète» parce qu’il «ne sait plus lire les symboles», regrette finalement le pontife. Sa lettre est une invitation à retrouver le goût de l’«émerveillement pour le mystère pascal». (cath.ch/imedia/cd/bh)
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