Le doute mène-t-il au changement? Tel est le thème de la livraison de juillet 2022 de la revue culturelle choisir des jésuites de Suisse romande.
Comme le souligne dans son éditorial P. Emonet sj, « face à l’enfermement des intégrismes et à l’anarchie des changements à la mode, le doute reste l’ultime refuge de la liberté, la porte ouverte de la prison, l’échappée au-delà de la pensée unique ».
En politique, même combat. « Le doute est le carburant de la démocratie (…), le moteur de la raison (…) » Et la notion-clé qui permet aux citoyens de faire bon usage du doute, c’est la tolérance à l’incertitude (F. Cherix). Et qu’en dit le philosophe ? Qu’en matière de savoirs et de for intérieur, le danger ne naît pas du doute. « C’est de la certitude absolue dont il faut savoir se méfier » (S. Bobillier).
Face au doute se dresse le changement. Le choix. L’alternative. Un appel à autre chose. En Église, le changement est souhaité et souhaitable. « À travers son insistance à dénoncer le cléricalisme, c’est à une écoute renouvelée de l’Écriture que le pape François invite l’Église pour que des changements indispensables puissent s’accomplir dans sa gouvernance » (J. Civelli).
Mais les changements en Église ne vont pas sans réticences. Par certaines de ses décisions, « le pape François a rallumé les tentations sécessionnistes des catholiques de droite, traditionalistes, identitaires ou conservateurs » (J.-L. Schlegel). Et si la gestation du récent document promulgué par le pape consacré à la réforme de la Curie romaine s’est déjà avéré longue, sa mise en application sera probablement compliquée (C. Ducarroz).
Reste que la théologie du pape n’est pas dénuée de paradoxes. « Par ses premiers discours, en brandissant la menace du Diable et en faisant la promotion de Marie qui dénoue les nœuds, il a étonné de nombreux Européens », notent V. Lecaros et A. Suarez qui replacent les réflexions et gestes du Saint-Père dans le contexte culturel et théologique argentins.
Plus largement, la spiritualité, en-dedans comme en-dehors de l’Église, est teintée d’influences diverses. Et « dans un contexte de déclin des institutions religieuses, ce qui paraissait représenter une «spiritualité alternative» s’est élargi pour devenir une «spiritualité populaire» » (J.-F. Mayer). Les religions devront s’y faire ou changer de ton…
Les dernières décennies ont aussi bouleversé le paysage sociétal. Notamment concernant les identités de genre. Et leur émergence en plein jour ne va pas sans heurts. Depuis le 1er janvier 2022, les résident·e·s suisses trans* peuvent plus facilement changer de sexe à l’État civil. L. Bittar s’est entretenue avec l’une d’entre elle, retraçant son parcours. Si « la question trans » semble être comprise, bien qu’elle suscite de nouvelles interrogations et divisions au cœur du féminisme (Nathalie Sarthou-Lajus), certaines identités semblent plus floues que d’autres. Celle de no gender ou de non binaire notamment. Marius Diserens en explique les contours (interview C. Fossati).
La langue française, comme les mœurs, évolue elle aussi, au grand dam des puristes. « Dans l’imaginaire de nombreux francophones, le français est doté d’une architecture parfaite et immuable, comme si le temps n’avait eu aucune emprise sur elle », note C. Benzitoun. « Mais quand on regarde dans le rétroviseur, on se rend compte que sa fixité n’est qu’apparence. » (cath.ch/com/mp)
Maurice Page
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