La Communauté charismatique du Verbe de Vie, fondée en 1986, sera dissoute à compter du 1er juillet 2023. Réunis à l’abbaye d’Andecy, dans la Marne, ses membres ont appris le 25 juin 2022 la décision du cardinal Jozef de Kesel.
La Communauté du Verbe de Vie rassemble des hommes et des femmes de tous les états de vie – laïcs, consacré(e)s et clercs – en deux modalités d’appartenances possibles: communautaires de vie et communautaires d’alliance.
L’archevêque de Malines-Bruxelles, garant de la communauté, a pris cette décision à l’issue d’une visite canonique qui s’est déroulée de janvier à avril 2022. Cette visite avait été demandée par le conseil de la communauté après la démission du modérateur général en août 2021. Les trois visiteurs désignés ont écouté plus de 200 personnes. La décision de la dissolution repose sur le constat de «dysfonctionnements graves et systémiques depuis la fondation», précise un communiqué du diocèse de Châlons en champagne où se trouve l’abbaye d’Andecy. «240 membres ont quitté la communauté en 30 ans. Toutes les tentatives pour préciser le charisme, se donner une règle de vie stable, assurer une gouvernance sereine, et garantir au sein du Verbe de Vie le respect de chacun et la confiance, ont échoué.»
Selon l’hebdomadaire La Vie, les visiteurs auraient notamment constaté que «les responsables du Verbe de Vie ont tout fait pour masquer la vérité aux évêques et les manipuler». Pour eux, poursuit le magazine, «il était donc impossible de repartir sur des bases saines».
La communauté du Verbe de Vie bénéficiait du statut d’association privée de fidèles dans le diocèse de Malines-Bruxelles où elle avait été accueillie en 2010 par Mgr André-Joseph Léonard.
Le cardinal de Kesel a nommé Mgr François Touvet, évêque de Châlons, administrateur du Verbe de Vie jusqu’à sa dissolution. Avec cinq équipes : accompagnement spirituel et vie consacrée, accompagnement psychologique, questions canoniques et juridiques, questions administratives et financières, communication, il gouvernera la communauté dans les mois qui viennent. Son souci premier est d’être à l’écoute des personnes victimes, et d’offrir à chaque membre un accompagnement individuel et des lieux d’hospitalité pour permettre un discernement paisible et une nouvelle orientation personnelle, relève le communiqué.
Le cardinal de Kesel et Mgr Touvet pensent à ceux qui ont été victimes de certains membres et qui réclament justice. Ils ont entendu aussi la souffrance de ceux qui, membres ou non, ont eu à subir des dysfonctionnements graves mis en lumière par la visite canonique, et leur redisent leur proximité et leur empathie.
Enfin, le cardinal et l’évêque de Châlons disent comprendre «la peine et l’émotion de tous ceux qu’une telle décision pourra surprendre : membres résidentiels et non résidentiels, anciens membres, membres de l’Alliance du Verbe de Vie, familles, amis. «Chacun peut compter sur le dévouement de l’équipe en charge de l’accompagnement, et l’écoute et la disponibilité de Mgr Touvet».
Dans un message adressé aux diocésains de Châlons, Mgr Touvet a conscience du choc de cette décision alors que l’abbaye d’Andecy est un lieu très apprécié dans le diocèse. « Croyez bien que cette décision grave est prise pour le bien des membres de cette communauté, même si vous peinez à croire et à comprendre que de tels dysfonctionnements aient pu s’y dérouler », écrit-il.
La communauté du Verbe de vie bénéficiait du statut d’association privée de fidèles dans le diocèse de Malines-Bruxelles où elle avait été accueillie en 2010 par Mgr André-Joseph Léonard.
Parmi d’autres communautés nouvelles nées à cette époque dans l’élan de la nouvelle évangélisation promue par Jean Paul II, le Verbe de Vie avait été fondé en 1986 par Marie-Josette et Georges Bonneval, à l’abbaye d’Aubazine, en Corrèze. Des difficultés de gouvernance étaient cependant rapidement apparues. Le couple Bonneval a été accusé d’exercer des abus spirituels et une emprise sur les membres.
L’accompagnateur spirituel du Verbe de Vie, de 1986 à 2013, Jacques Marin, prêtre-ouvrier de la Mission de France, a été accusé par plusieurs femmes d’agressions sexuelles dans le cadre du sacrement de la confession. Il est décédé en 2019, après un procès canonique quelques années plus tôt lui interdisant tout exercice du ministère de confession.
«Le ver était dans le fruit dès la fondation en 1986, relèvent pour La Croix Alex et Maud Lauriot-Prévost qui avaient participé l’année précédente, avec les Bonneval, à la fondation de Jeunesse Lumière. Le couple fondateur a inoculé une gouvernance malsaine et manipulatrice, qui s’est infusée parmi leurs proches collaborateurs. Malgré leur départ, voici au moins 20 ans, la communauté n’a pu vraiment sortir de ces travers.»
Suite à diverses interventions, une première visite canonique avait été diligentée en 2002 par Mgr Bernard Charrier, évêque de Tulle. Son rapport rendu en 2003 pointait deux problèmes majeurs: la confusion entre le for interne et le for externe et l’emprise exercée par le couple Bonneval. Le document faisait état en outre d’un manque de formation, de l’absence de règle de vie, de l’excès de fatigue des membres, du manque de prise en compte des compétences personnelles et de lacunes financières.
Suite à cette visite, Georges Bonneval, premier modérateur de la Communauté, fut destitué de ses fonctions et invité à prendre un temps de recul de la communauté. Ce temps n’a pas été respecté. Georges et Marie Josette Bonneval sont partis dans une des fondations du Verbe de Vie au Brésil avant de tenter de fonder une communauté dissidente.
La communauté n’a alors que 17 ans d’existence. Les statuts ne sont ni finalisés ni encore reconnus, la règle de vie n’est pas écrite, tous les fondateurs sont partis.
Olivier Belleil, marié, père de sept enfants, est élu modérateur en août 2003. Il mettra la crise de sa communauté sur des divisions internes, des divergences entre les membres fondateurs. Or pour les personnes qui l’ont quittée, celles-ci n’ont été cependant que la conséquence du problème de fond et non la cause.
À partir de 2004, un certain nombre de membres vont continuer à partir et les départs ne cesseront pas, avec comme corollaire la fermeture de maisons. Plus de 160 membres ont quitté la communauté, par vagues successives, dont 30% étaient des engagés définitifs. Les deux dernières vagues remontent aux années 2007/2009 puis 2012/2013 sous le gouvernement d’Olivier Belleil. Elles entraînent à chaque fois le départ d’une quinzaine de membres. Sur 16 fondations, on comptera 8 fermetures, dont l’abbaye d’Aubazine (en 2010) et celle de la Valette à Toulon (en 2015).
En 2007, la communauté, qui comptait alors 111 membres, obtient malgré tout sa reconnaissance officielle comme association privée de fidèles de droit diocésain. Olivier Belleil reconnaît alors des erreurs dans le mode de gouvernement «dont certaines graves» . Il assure qu’elles ont été dépassées.
En mai 2022, suite au rapport de la Ciase sur les abus sexuels dans l’Eglise en France, les responsables la communauté du Verbe de Vie invitent «toute personne ayant eu connaissance de faits condamnables commis par le Père Jacques Marin, y compris il y a fort longtemps», à se signaler. (cath.ch/cx/fc/mp)
Le Verbe de Vie à Pensier
Une des maisons actuelles du Verbe de Vie se situe à Pensier, près de Fribourg, en Suisse. Il s’agit d’un centre de retraites spirituelles, d’accueil de groupes, pour la Suisse et la France voisine. La communauté était arrivée en Suisse dans la paroisse de Saint-Pierre-de-Clages (VS) en 1992-1996, puis à la maison st-Dominique de Pensier (FR) depuis 1993.
En été 2021, les huit soeurs consacrées du Verbe de Vie ont quitté Pensier pour une période qu’elles espéraient temporaire. «Comme les autres communautés nouvelles, nous avons ressenti le besoin de mieux distinguer les diverses vocations puisque notre communauté comprend différents états de vie: des consacrés, hommes et femmes et des laïcs célibataires ou mariés», expliquait à cath.ch Sœur Karenn-Marie responsable de la communauté. «Nous allons prendre un an peut être deux pour faire ce travail. La crise du covid, qui a nous a contraintes à réduire nos activités, a été un catalyseur.» Globalement Le Verbe de Vie compte une trentaine de sœurs consacrées.
Malgré ce changement important, la communauté du Verbe de Vie est restée présente en Suisse romande puisque une communauté de laïcs a continué de résider à la maison Saint Dominique. On ignore pour l’heure quelles décisions seront prises pour ce centre dont le rayonnement en Suisse romande était important. MP
Maurice Page
Portail catholique suisse
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