Journées thématiques de la CRAL: «La synodalité: chance ou risque?»

«La synodalité: chance ou risque? En chemin avec les disciples d’Emmaüs» était le thème des Journées thématiques 2022 de la Communauté romande de l’apostolat des laïcs (CRAL) qui se sont déroulées au Foyer Franciscain, à Saint-Maurice les 18 et 19 juin 2022.

Geneviève De Simone-Cornet/CRAL

Le processus synodal lancé par le pape François en octobre 2021, qu’est-ce que c’est? D’où vient-il? Quelles intuitions le soutiennent? Pourquoi ce processus? Comment le mettre en œuvre? Dans quel but? Autant de questions auxquelles les animateurs des Journées thématiques de la Communauté romande de l’apostolat des laïcs (CRAL), Michel Colin, adjoint au vicaire épiscopal à Genève, et Guillermo Kerber, théologien et formateur d’adultes, ont tenté de répondre. Et qu’ils ont proposé d’expérimenter tout au long de deux journées jalonnées d’apports théoriques, de partages en groupes, de célébrations et de temps de convivialité. Un parcours enraciné dans les textes bibliques et la vie de l’Eglise.

A l’écoute de l’Esprit

Un premier tour de table à partir de la question «Le synode, pour moi, c’est…» leur a permis de prendre la température, du «Je n’ai pas compris à quoi cela servira» à «l’espoir de voir l’Eglise marcher dans la même direction», du désir d’une Eglise à l’écoute, plus ouverte, plus proche des fidèles, en quête de chemins nouveaux pour une plus grande présence et reconnaissance des laïcs et des femmes à l’espérance, la confiance que ce processus suscite.

Michel Colin et Guillermo Kerber ont souligné que le synode des évêques qui se tiendra à Rome en octobre 2023 sur le thème «Pour une Eglise synodale: communion, participation et mission» s’inscrit dans la dynamique de Vatican II et que le mot synode signifie «marcher ensemble», mais aussi «franchir le seuil ensemble».

Un bref rappel historique a fait prendre conscience aux participants que si, au premier millénaire de l’ère chrétienne, «le peuple de Dieu discutait de ce qui le concernait», au deuxième millénaire, sous l’influence de la Réforme protestante et du concile de Trente, l’Eglise a «adopté un modèle, figé, de gouvernance verticale, avec le pape au sommet et le peuple en bas», qui devait «écouter, apprendre et répéter ce qu’enseignaient les clercs». Vatican II a opéré un retour aux sources, affirmant que l’Église est peuple de Dieu et que les clercs, membres de ce peuple par le baptême, en sont les serviteurs.

Un renversement de perspective que traduit le processus synodal lancé par le pape. Il est «pour tous ceux, hommes et femmes, qui veulent réfléchir au rôle de l’Eglise aujourd’hui: comment faire face ensemble aux nouveaux défis? Comment nourrir la foi et l’espérance?». Son but? «Nous convertir dans notre manière d’imaginer l’Eglise.» Mais, ont précisé les animateurs, le processus synodal commence par l’écoute de l’Esprit et des Ecritures pour discerner la volonté de Dieu, dégager un consensus qui donnera une direction; il n’est pas un débat d’idées dans un esprit démocratique.

Une confiance en ruine

Certains participants ont exprimé leur inquiétude de ne pas être écoutés jusqu’au bout et relevé le peu d’intérêt de bien des prêtres pour la dynamique synodale. Et si, au lieu de répondre à un questionnaire, a-t-on suggéré, «on trouvait les bonnes questions à poser à notre Eglise»? La dimension de l’écoute, avec ce qu’elle suppose d’humilité, de déstabilisation et d’insécurité, a été soulignée à plusieurs reprises tout comme l’importance d’une parole vraie et d’un engagement concret. Plusieurs ont insisté, pour franchir les seuils que sont les préjugés et les différences, sur l’urgence de revenir à l’essentiel, de «remettre le Christ au centre». Et le récit des disciples d’Emmaüs est une belle parabole du processus synodal, ont relevé les animateurs, car il met en avant, selon l’approche adoptée, les dimensions de l’écoute, de l’accompagnement et de l’eucharistie.

A tour de rôle, Michel Colin et Guillermo Kerber ont présenté les résultats de la consultation synodale en Suisse, rendus publics le 30 mai. Quelles découvertes? «Une participation diversifiée mais peu de prêtres, une parole vraie avec, aussi, une grande colère contre l’Eglise.» Le diagnostic est sévère: «La confiance est en ruine au sein de l’Eglise, les croyants sont découragés. La figure du prêtre et l’autorité institutionnelle sont stigmatisées». Quels remèdes? «Il importe de prendre soin de l’Eglise et de la société, de vivre l’Eglise comme peuple de Dieu, communauté de tous les baptisés, de développer l’écoute à tous les niveaux. L’Eglise a besoin d’une conversion: elle doit devenir plus pauvre, plus petite, plus modeste.»

Les attentes, quant à elles, sont grandes: «Restaurer la confiance, sortir d’une Eglise autocentrée pour aller vers une Eglise présente au monde, bâtir des communautés à taille humaine, fraternelles, hospitalières, confessantes et priantes, oser une parole prophétique et d’espérance». Les interpellations sont pleines de sens: «Passer d’une gouvernance verticale à une gouvernance synodale, réfléchir à la place des laïcs et des femmes dans l’Eglise, rendre les célébrations plus compréhensibles et nourrissantes». Enfin, des propositions concrètes ont été faites: «Former des groupes de partage de la Parole, inventer des voies pour permettre la participation de tous les baptisés à la gouvernance et aux processus de décision dans l’Eglise, former des prêtres pasteurs plutôt que petits chefs, inviter les pauvres et les exclus à participer au processus synodal».

Une expérience extraordinaire

Un moment fort des Journées thématiques a été le témoignage, par visioconférence avec le Liban, d’Emile Abou Chaar sur son expérience du synode d’octobre 2018 sur «La foi, les jeunes et le discernement vocationnel». Agent pastoral au sein de l’aumônerie du Centre neuchâtelois de psychiatrie, le jeune homme de 28 ans a représenté les jeunes maronites à ce synode. Il était présent au pré-synode qui a réuni à Rome, en mars 2018, quelque 350 chrétiens, jeunes d’autres religions et jeunes se reconnaissant dans la laïcité: «J’ai vécu là une expérience extraordinaire, une expérience profonde d’écoute de l’Esprit. Nous avons eu une parole libre. Le pape François était pour nous un père, il a fait en sorte que toutes les voix s’expriment». Intégré dans le groupe francophone, Emile a réfléchi à trois thèmes: les défis et les opportunités des jeunes d’aujourd’hui, l’accompagnement spirituel, la vocation. «Je l’ai expérimenté: je faisais partie d’un corps, les points de vue se complétant.»

L’exhortation apostolique post-synodale du pape «Christus vivit» («Il vit, le Christ»), publiée en mars 2019, a soulevé l’enthousiasme d’Emile et de bien des jeunes. Un document riche d’impulsions. Mais comment le mettre en pratique? Pour cela, le dicastère pour les laïcs, la famille et la vie a créé, en novembre 2019, un organisme consultatif international des jeunes. Fort de vingt membres nommés pour trois ans, il renforce le Bureau Jeunes. Ses membres ont un rôle de consultation et de proposition sur les questions liées à la pastorale des jeunes et toute autre question d’intérêt général.

Rien ne doit être figé

Emile y représente les jeunes du Moyen-Orient: «Cela permet au synode d’être toujours vivant. J’y ai expérimenté le processus synodal et j’y crois. Pour moi, il est plus important que ce qui en sortira, car l’Esprit parle d’une voix prophétique dans nos réunions mensuelles. Nous semons. La croissance prendra du temps, mais la volonté, les capacités et les charismes sont là». Enfin, Emile a souligné combien, dans le processus synodal, «rien ne doit être figé, car les questions peuvent se transformer si on laisse passer l’Esprit».

Avant l’eucharistie de clôture, Michel Colin et Guillermo Kerber ont relu l’épisode des disciples d’Emmaüs de façon synodale, en dégageant les principales articulations: rejoindre, marcher ensemble, écouter et questionner, prendre la parole, discerner, rompre le pain, se convertir, recevoir le témoignage des témoins, se transformer. Mais, ont-ils relevé, «les disciples d’Emmaüs n’avaient reçu aucune consigne: ils devaient inventer leur mission. Rendus à eux-mêmes, ils étaient libres et responsables».

L’assemblée générale de la CRAL, qui s’est tenue le 18 juin, a vu la démission du Bureau (BRAL) de Chantal et Charles Cottet, du mouvement Vivre et aimer, et de Geneviève de Simone-Cornet, des Communautés laïques marianistes, et l’entrée de Nathalie Jaccoud, du Mouvement franciscain laïc, responsable de la Communauté fribourgeoise de l’apostolat des laïcs (CFAL), et de Willy Sallin, président du Mouvement chrétien des retraités. (cath.ch/lacral/gds/bh)

Susciter des échanges et des synergies
La Communauté romande de l’apostolat des laïcs (CRAL) est née en 1968. Elle regroupe 24 mouvements actifs dans divers domaines: diaconie, éducation de la foi, spiritualité. Elle veut servir leur communion, créer des synergies et proposer des espaces de discussion et d’échange. Les mouvements, tout en gardant leur autonomie, ont une tâche commune: l’évangélisation des personnes en vue de leur conversion et de leur engagement dans l’Eglise et le monde, la transformation de la société dans une perspective chrétienne.
La CRAL est le répondant du laïcat de Suisse romande auprès de la Conférence des évêques suisses et d’organismes de l’Eglise catholique en Suisse. L’abbé Bernard Sonney, vicaire général du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, est l’actuel délégué de la Conférence des ordinaires de la Suisse romande (COR) auprès de la CRAL. GDS

Rédaction

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/journees-thematiques-de-la-cral-la-synodalite-chance-ou-risque/